Dire que les festivités pascales sont le centre de l’année ecclésiastique, cela n’est pas assez ; elles sont le foyer où tout converge, et la source de laquelle tout découle.
Tout le culte chrétien n’est qu’une célébration continue de la Pâque : le soleil qui ne cesse de se lever sur la terre traîne après lui un sillage d’eucharisties qui ne s’interrompt pas un seul instant, et chaque messe célébrée, c’est la Pâque qui se prolonge. Chaque jour de l’année liturgique, et dans chaque jour, chaque instant de la vie de l’Eglise qui ne dort jamais continue et renouvelle cette Pâque que le Seigneur avait désiré d’un si grand désir manger avec les siens, en attendant celle qu’il mangera dans son royaume avec eux et qui se prolongera durant l’éternité. La Pâque annuelle que nous ne cesserons ni de nous remémorer ni d’attendre nous maintient sans relâche dans le sentiment des premiers chrétiens qui s’écriaient, tournés vers le passé : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! » et tournés vers l’avenir : « Viens ! Seigneur Jésus ! Viens bientôt ! » […]
Le mystère du triduum pascal qui s’ouvre au jeudi saint et se conclut dans la nuit de la Résurrection, n’est pas autre chose que le mystère de chaque messe quotidienne. Mais la messe du jeudi saint, c’est la messe par excellence, et d’abord la messe rapprochée de ses sources. Retrouvant la plénitude primitive de ses rites et de leur signification, la messe, le jeudi saint, réintègre en elle ce vaste ensemble de bénédictions qui en diffuse les grâces à travers toute la vie de l’homme de du monde. La messe de ce jour révèle ensuite le double prolongement qui fut celui de la Cène et qui reste le sien, dans la mémoire déchirante du vendredi saint, dans les perspectives glorieuses de la nuit pascale. La liturgie des deux autres jours n’est que l’épanouissement de la messe du jeudi : la messe y réitère sa signification historique, la croix du Chef ; elle y présage sa signification eschatologique, la gloire du Corps. Ce sens impliqué dans chaque messe, la liturgie de ces trois jours le déploie avec le maximum non seulement de précision mais de lyrisme. On peut dire que leur suite ne constitue qu’une ample et grandiose célébration eucharistique à deux pôles où tous les aspects de la messe se révèlent successivement. A la messe du jeudi saint, nous voyons la Cène engendrer la Croix. A la messe de la nuit pascale, la Croix accomplie reproduira la Cène, mais cette fois dans la lumière sans crépuscule de la Résurrection.