Définition du terme Θεοτόκος dans la Tradition chrétienne
Certains mouvements chrétiens reprochent aux catholiques et aux orthodoxes l’attribution du titre de « Mère de Dieu » à Marie, soupçonnant ce titre d’une origine douteuse [1]. Il est juste de dire que, pour les chrétiens de tradition, ce titre définit en partie la place qu’occupe Marie dans l’histoire du salut, mais que savons-nous exactement du sens que lui donne la Tradition chrétienne ? Nous nous proposons de situer Marie dans l’économie [3] à partir d’un regard sur ce titre [5].
Origine du titre
Éléments historiques
Pour l’origine de l’emploi de théotokos dans le christianisme il faut remonter à Alexandre d’Alexandrie en 325. C’est la source la plus rigoureuse que nous ayons car les textes d’Hyppolyte de Rome et d’Origène mentionnant cette formulation ne sont pas fiables sur ce point : les copies de ces manuscrits suggérant une interpolation du terme après coup. Toutefois le Sub Tuum, qui selon les dernières recherches remonterait aux alentour de 280, est lui aussi un témoin important de ce titre :
Ὑπὸ τὴν σὴν εὐσπλαγχνίαν,
καταφεύγομεν, Θεοτόκε.
Τὰς ἡμῶν ἱκεσίας,
μὴ παρίδῃς ἐν περιστάσει,
ἀλλ᾽ ἐκ κινδύνων λύτρωσαι ἡμᾶς,
μόνη Ἁγνή, μόνη εὐλογημένη.
Sous ta miséricorde,
nous nous réfugions, Mère de Dieu.
Ne repousse pas
nos prières dans la nécessité,
mais du danger, libère-nous :
toi seule chaste, toi seule bénie.
À partir du IVème siècle le titre se répand dans toute la chrétienté pour se porter d’un usage courant à la fin de ce siècle, il est particulièrement prisé par les alexandrins (Athanase, Sérapion de Thmuis, Didyme l’Aveugle), mais aussi en Arabie (Tite de Bostra), en Palestine (Eusèbe de Césarée, Cyrille de Jérusalem), en Cappadoce (Basile de Césarée, Grégoire de Tarse, Sévérien de Gabala) et même par les ariens (Asterius le Sophiste). Il faudra attendre la crise nestorienne pour voir ce titre remis en question.
Définition du terme Θεοτόκος antérieur au concile d’Éphèse
La tradition chrétienne antérieur au concile d’Éphèse a toujours compris le titre de Théotokos du côté de la génération humaine, Marie n’étant pas mère selon la divinité mais selon l’humanité de Jésus, Marie est « accoucheuse de Dieu ». Pour les Pères de l’Église il était clair que Marie était une personne historique, il ne pouvait donc se faire aucune analogie avec une déesse (Clément d’Alexandrie, Protreptique, IV, 50, 3 ; Origène, Contre Celse, VI, 74 ; I, 37).
Remarques sur les influences extérieures au christianisme
La conception du concile d’Éphèse ne se réfère donc pas à un culte des déesses du moment ou encore avec celles qui ont précédés : « la grande mère », Artémis, Astarté, Isis, etc. Épiphane de Salamine – le premier père de l’Église par lequel nous a été transmis un témoignage sur la virginité perpétuelle de Marie – aura l’occasion d’exprimer très clairement sa position en condamnant les mouvements Philomarianistes et Collyridiens d’hérésie : ces deux mouvements avaient comme point commun de considérer Marie comme une déesse et lui offrait des pains en sacrifice.
Bien sûr, ces anciens cultes païens sont des terrains favorables pour un développement marial : de même que les triades romaines ou celtiques ont pus être des concepts culturels préparant des peuples païens à la conception d’un Dieu trinitaire, de même certains éléments païens ont pu être des points d’appui pour expliciter la place de Marie dans le dessin de Dieu. Les Écritures elles-mêmes utilisent des mythes déjà présent dans le moyen orient, comme le mythe de Gilgamesh, racontant comment un héros se fait voler son éternité par un serpent rusé, ce même mythe, antérieur au livre de la Génèse, décrit encore un déluge. Il en va de même pour les anges qui ne sont pas un concept purement biblique : ceux-ci sont omniprésents dans tous les cultes du moyen-orient. Mais tout cela n’enlève pas la spécificité du message chrétien, qui donne un sens renouvelé à ces matériaux. À la suite des Écritures, le christianisme dans son expansion entre en dialogue avec des cultures déjà établies, se servant opportunément de symboles qui leur sont propres, rectifiant au passage ces concepts pour en dégager une signification renouvelée située dans la ligne du donné révélé.
Le concile d’Éphèse : un enjeux christologique
Rappelons que le concile d’Éphèse n’est pas centré sur une approche mariale mais christologique : l’enjeu du concile d’Éphèse étant de tenir la réalité de l’union des natures – divines et humaines – dans le Christ face à une pensée nestorienne cherchant à distinguer le Verbe de Dieu de l’homme Jésus. En effet pour Nestorius Marie ne pouvait pas être Θεοτόκος (théotokos) mais seulement Chritotokos (« mère du Christ ») [2], c’est à dire mère de l’homme en qui a résidé le logos :
Plusieurs d’entre vous souhaitent apprendre de moi-même s’il faut donner à la Vierge Marie le titre de Mère de Dieu ou celui de Mère de l’homme. Qu’ils écoutent ma réponse : Dire que le Verbe divin, seconde personne de la sainte Trinité, a une mère, n’est-ce pas justifier la folie des païens qui donnent des mères à leurs dieux ? Dieu, pur esprit, ne peut avoir été engendré par une femme ; la créature n’a pu engendrer le Créateur. Non, Marie n’a point engendré le Dieu par qui est venue la rédemption des hommes ; elle a enfanté l’homme dans lequel le Verbe s’est incarné, car le Verbe a pris chair dans un homme mortel ; lui-même n’est pas mort, il a ressuscité celui dans lequel le Verbe s’est incarné. Jésus est cependant un Dieu pour moi, car il renferme Dieu. J’adore le vase en raison de son contenu, le vêtement en raison de ce qu’il recouvre ; j’adore ce qui m’apparaît extérieurement, à cause du Dieu caché que je n’en sépare pas.
L’enjeu était de taille car si la réalité de cette union dans le Verbe incarné n’était pas effective alors le Christ n’était pas médiateur entre Dieu et les hommes. Nous le voyons la problématique du concile d’Éphèse est avant tout christologique et ce concile tranchera la problématique en faveur d’une unité substantielle du Christ ce qui aura comme conséquence de confirmer le titre de Marie Θεοτόκος dans les limites de la définition évoquée plus haut :
Car ce n’est pas un homme ordinaire qui a d’abord été engendré de la sainte Vierge et sur lequel ensuite le Verbe serait descendu, mais c’est pour avoir été uni à son humanité dès le sein même qu’il est dit avoir subi la génération charnelle, en tant qu’il s’est approprié la génération de sa propre chair. […] C’est ainsi qu’ils [les saints pères] se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu, non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps animé d’une âme raisonnable, corps auquel le Verbe s’est uni selon l’hypostase et pour cette raison est dit avoir été engendré selon la chair.
Si donc Jésus est vraiment Dieu alors Marie est vraiment « Mère de Dieu », mais non pas mère dans le sens où elle serait à l’origine de la divinité du Christ mais mère dans le sens où elle est totalement à l’origine de son humanité.
Au fond le concile ne fait que confirmer un donné scripturaire mais qui dans un contexte donné a du être précisé :
Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur (ἡ μήτηρ τοῦ κυρίου μου) vienne auprès de moi ?
Quand on connaît l’importance que revêtait le mot « Seigneur » dans la bible – terme auparavant réservé par les juifs à Dieu seul et désignant donc le Christ comme égal à Dieu – on comprend mieux la préoccupation du concile d’Éphèse de vouloir préserver la foi chrétienne sur ce point crucial de l’union des natures humaine et divine du Christ, condition indispensable faisant de lui non pas un simple intermédiaire mais notre unique médiateur auprès de Dieu :
Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale.
Conclusion
Disons-le : cette simple relecture du concile d’Éphèse – en nous permettant de lire la spécificité du titre de Marie « Mère de Dieu » – suffit amplement pour écarter une confusion avec les récits mythologiques de l’époque. On pourra toujours trouver une religion ayant des éléments semblables avec la foi chrétienne ou exploitant un symbole ou un titre identique. Mais les critiques adressées sur ce plan au culte marial valent dans une large mesure pour les titres et récits de l’Ancien testament : Titre de « Dieu très haut », Seigneur des armées, la Génèse et son rapport avec le mythe de Gilgamesh, les anges et les croyances babylonienne en des puissances, etc. Il faut plutôt se poser la question de la spécificité de ces titres pour la révélation chrétienne.
De ce point d’attention souligné par nos frères séparés, gardons toujours cette attention de placer Marie dans le mystère de l’Église afin de ne pas faire de la théologie mariale une matière indépendante. Ce fut une grande préoccupation du concile Vatican II qui dans sa rédaction finale de la constitution dogmatique Lumen Gentium plaça Marie dans le mystère du Christ et de l’Église (LG 52-69 ; cf. particulièrement les § 52 et 53) [4].
La maternité de Marie « se termine » à la personne de son Fils. C’est pour cela que le Concile d’Éphèse a affirmé que Marie est Mère de Dieu (Theotokos) et non pas seulement « Mère du Christ ». La maternité s’achève à la personne de l’enfant, puisqu’il y a dans l’enfant une âme spirituelle créée par Dieu dans le corps. Une mère est mère d’un enfant. Elle n’est pas mère d’un corps, et la maternité n’est pas une fonction.
Le principe philosophique engagé dans le dogme de la maternité divine, c’est que, dans le cas de l’espèce humaine, la maternité se rapporte à la personne. Le sens psychologique et « personnaliste » de ce principe est évident. Il n’est pas sans intérêt d’en dégager les bases objectives.
Annexes : Extraits annotés du concile d’Éphèse
Avant d’aboutir à un concile la controverse s’était tout d’abord déroulée par courriers interposés entre Cyrille d’Alexandrie et Nestorius de Constantinople, le concile partira de la lecture de ces lettres pour trancher la question et prononcer son verdict.
A.1. Deuxième lettre de Cyrille d’Alexandrie à Nestorius
Nous ne disons pas en effet que la nature du Verbe par suite d’une transformation est devenue chair, ni non plus qu’elle a été changée en un homme complet, composé d’une âme et d’un corps, mais plutôt ceci : le Verbe, s’étant uni selon l’hypostase une chair animée d’une âme raisonnable, est devenu homme d’une manière indicible et incompréhensible et a reçu le titre de Fils d’homme, non par simple vouloir ou bon plaisir, ni non plus parce qu’il en aurait pris seulement le personnage ; et nous disons que différentes sont les natures rassemblées en une véritable unité, et que des deux il est résulté un seul Christ et un seul Fils, non que la différence des natures ait été supprimée par l’union, mais plutôt parce que la divinité et l’humanité ont formé pour nous l’unique Seigneur Christ et Fils par leur ineffable et indicible concours dans l’unité. Ainsi, bien qu’il subsiste avant les siècles et qu’il ait été engendré par le Père, il est dit aussi avoir été engendré selon la chair par une femme, non point que sa nature divine ait commencé à être en la sainte Vierge, ni qu’elle ait eu nécessairement besoin d’une seconde naissance par elle après celle qu’il avait reçue du Père, car c’est légèreté et ignorance de dire que celui qui existe avant les siècles et est coéternel au Père a besoin d’une seconde génération pour exister, mais puisque c’est pour nous et pour notre salut qu’il s’est uni selon l’hypostase l’humanité, et qu’il est né de la femme, on dit qu’il a été engendré d’elle selon la chair (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 250).
Car ce n’est pas un homme ordinaire qui a d’abord été engendré de la sainte Vierge et sur lequel ensuite le Verbe serait descendu, mais c’est pour avoir été uni à son humanité dès le sein même qu’il est dit avoir subi la génération charnelle, en tant qu’il s’est approprié la génération de sa propre chair. C’est ainsi que nous disons qu’il a souffert et qu’il est ressuscité, non pas que le Dieu Verbe ait souffert en sa propre nature les coups, les trous des clous et les autres blessures (car la divinité est impassible, puisqu’elle est incorporelle) ; mais puisque le corps qui est devenu le sien propre, a souffert tout cela, on dit encore une fois que c’est lui (le Verbe) qui a souffert pour nous : l’Impassible était dans le corps qui souffrait Et c’est de la même façon que nous pensons au sujet de sa mort. Car le Verbe de Dieu est par nature immortel, incorruptible, vie et vivifiant. Mais encore une fois puisque son propre corps a, par la grâce de Dieu, goûté la mort pour tout homme, comme dit Paul (He 2,9), on dit qu’il a souffert la mort pour nous : non qu’il ait fait l’expérience de la mort en ce qui regarde sa propre nature (ce serait folie de dire cela ou de le penser), mais parce que, comme je l’ai dit à l’instant, sa chair a goûté la mort. Ainsi, sa chair étant ressuscitée, on parle de la résurrection du Verbe, non point que le Verbe soit tombé dans la corruption, non certes, mais encore une fois parce que son corps est ressuscité. […]. C’est ainsi qu’ils [les saints pères] se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu, non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps animé d’une âme raisonnable, corps auquel le Verbe s’est uni selon l’hypostase et pour cette raison est dit avoir été engendré selon la chair (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 251).
A.2. Deuxième lettre de Nestorius à Cyrille
[Chapitre 3] Je crois (nous croyons) donc, disent-ils (les saints pères) en notre Seigneur Jésus Christ, son Fils, son unique. Observe comment ils ont posé d’abord comme des fondements « Seigneur », « Jésus », « Christ », « unique engendré », « Fils », ces noms communs à la divinité et à l’humanité, et édifient ensuite la tradition de l’Incarnation, de la Résurrection et de la Passion ; leur but était, une fois posés certains noms significatifs communs à l’une et à l’autre nature, qu’on ne divise pas ce qui se rapporte à la filiation et à la seigneurie, et que dans l’unicité de la filiation ce qui se rapporte aux natures ne soit pas non plus en péril de disparaître par confusion (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 251a).
[Chapitre 4] Cela, Paul le leur avait en effet enseigné qui, faisant mention de la divine Incarnation et sur le point d’ajouter la Passion, commence par poser ce nom de Christ commun aux natures, comme je l’ai dit un peu plus haut, puis ajoute le discours relatif aux deux natures. Que dit-il en effet : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus. Lui, qui existant en forme de Dieu ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, Mais (pour ne pas tout citer en détail) il devint obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix » Ph 2, 5 ; 8). Ainsi, comme il allait faire mention de la mort, pour qu’on n’en tirât pas la conclusion que le Dieu Verbe est passible, il pose ce nom de Christ, comme une appellation signifiant la substance impassible et passible dans une personne unique, impassible par la divinité, passible par la nature corporelle (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 251b).
[Chapitre 5] Bien que je puisse en dire long sur ce sujet et tout d’abord qu’à propos de l’économie ces saints pères n’ont même pas fait mention de génération mais d’Incarnation, je sens que ma promesse de brièveté dans mon préambule refrène mon discours et qu’elle m’amène au second point de Ta Charité. J’y louais la division des natures selon la raison de l’humanité et de la divinité et leur conjonction en une seule personne ; et aussi que tu dis que le Dieu Verbe n’a pas eu besoin d’une seconde génération à partir de la femme et que tu confesses que la divinité n’est pas susceptible de pâtir. Tout cela est orthodoxe parce que vrai et contraire aux fausses opinions de toutes les hérésies touchant les natures du Seigneur. Si le reste contient une sagesse cachée, incompréhensible aux oreilles des lecteurs, il appartient à ta pénétration de le savoir : pour moi en tout cas, cela m’a paru renverser ce qui précède. Celui en effet qui avait été précédemment proclamé impassible et non susceptible d’une seconde génération, était présenté de nouveau, je ne sais comment, comme passible et nouvellement créé, comme si les qualités par nature inhérentes au Dieu Verbe avaient été détruites par la conjonction avec le Temple, ou que ce fût peu de chose aux yeux des hommes que le Temple sans péché et inséparable de la nature divine eût subi génération et mort pour les pécheurs, ou qu’il ne fallût pas croire à la voix du Seigneur criant aux juifs : « Détruisez ce Temple et je le relèverai en trois jours » (Jn 2, 19) et non pas : « Détruisez ma divinité, et elle se relèvera en trois jours » (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 251c).
[Chapitre 6] […] En tout lieu de la divine Écriture, quand elle fait mention de l’économie du Seigneur, la génération et la Passion qui sont présentées ne sont pas celles de la divinité, mais de l’humanité du Christ, en sorte que la sainte Vierge doive être appelée d’une dénomination plus exacte mère du Christ et non Mère de Dieu. Écoute aussi ces paroles de l’Évangile qui proclament : « Livre de la génération de Jésus Christ, est-il dit, fils de David, fils d’Abraham » (Mt 1, 1). Il est donc clair que le Dieu Verbe n’était pas fils de David. Apprends, s’il te plaît, un autre témoignage : « Jacob a engendré Joseph l’époux de Marie, de laquelle a été engendré Jésus qu’on appelle le Christ » (Mt 1, 16). Examine encore une autre voix qui nous atteste : « Voici quelle fut la génération de Jésus Christ. Comme Marie sa mère avait été fiancée à Joseph, elle se trouva enceinte par l’opération de l’Esprit Saint » (Mt 1, 18). Qui supposerait que la divinité du Fils unique fût une créature de l’Esprit ? Et que dire de ce mot : « La mère de Jésus était là » (Jn 2, 1). Et encore : « Avec Marie la mère de Jésus » (Ac 1,14), et « Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20) et : « Prends l’enfant et sa mère et fuis vers l’Égypte » (Mt 2, 13) et : « Au sujet de son Fils qui est né de la race de David selon la chair » (Rm 1, 3) et au sujet de la Passion de nouveau : « Dieu, ayant envoyé son Fils dans une ressemblance à la chair de péché et en raison du péché, a condamné le Péché dans la chair » (Rm 8, 3) et encore : « Le Christ est mort pour nos péchés » (1 Co 15, 3) et : « Le Christ a souffert en sa chair » (1 P 4, 1), et : « Ceci est » non ma divinité, mais « mon corps rompu pour vous » (1 Co 11, 24) (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 251d).
[Chapitre 7] Et comme une infinité d’autres voix témoignent au genre humain qu’il ne faut pas regarder la divinité du Fils comme récente ou comme susceptible de souffrance corporelle, mais bien la chair unie à la nature de la divinité (d’où vient que le Christ se nomme lui-même Seigneur de David et son fils : « Quel est votre sentiment, dit-il, sur le Christ ? De qui est-il fils ? » Ils lui disent : « de David ». Jésus leur répondit : « Comment donc David, sous l’action de l’Esprit le nomme-t-il Seigneur, disant : le Seigneur a dit à mon Seigneur : « Assieds-toi à ma droite » » (Mt 22, 42-44) , dans la pensée qu’il est totalement fils de David selon la chair, mais Seigneur de David selon la divinité), il est bon et conforme à la tradition évangélique de confesser que le corps est le Temple de la divinité du Fils et un Temple uni selon une suprême et divine conjonction, en sorte que la nature de la divinité s’approprie ce qui appartient à ce Temple ; mais au nom de cette appropriation, attribuer au Verbe jusqu’aux propriétés de la chair conjointe, je veux dire la génération, la souffrance et la mortalité, c’est le fait, frère, d’une pensée ou égarée par les Grecs, ou malade de la folie d’Apollinaire, d’Arius et des autres hérésies, ou plutôt c’est quelque chose de plus grave que celles-ci. Car de toute nécessité ceux qui se laissent entraîner par le mot « appropriation » devront faire communier le Dieu Verbe à l’allaitement, à cause de l’appropriation, le faire participer à la croissance progressive et à la crainte au moment de la Passion et le mettre dans le besoin de l’assistance d’un ange. Et je passe sous silence la circoncision, le sacrifice, la sueur, la faim, toutes choses qui, attachées à la chair, sont adorables comme étant survenues à cause de nous, mais qui, si elles sont attribuées à la divinité, sont mensongères et cause pour nous, en tant que calomniateurs, d’une juste condamnation (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 251e).
A.3. Troisième lettre de Cyrille d’Alexandrie à Nestorius
1. Si quelqu’un ne confesse pas que l’Emmanuel est Dieu en vérité et que pour cette raison la sainte Vierge est Mère de Dieu (car elle a engendré charnellement le Verbe de Dieu fait chair), qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 252).
2. Si quelqu’un ne confesse pas que le Verbe issu du Dieu Père a été uni selon l’hypostase à la chair et qu’il est un unique Christ avec sa propre chair, c’est-à-dire le même tout à la fois Dieu et homme, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 253).
3. Si quelqu’un, au sujet de l’unique Christ, divise les hypostases après l’union, les conjuguant selon la seule conjonction de la divinité, de la souveraineté ou de la puissance, et non plutôt par la rencontre selon une union physique, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 254).
4. Si quelqu’un répartit entre deux personnes ou hypostases les paroles contenues dans les évangiles et les écrits des apôtres, qu’elles aient été prononcées par les saints sur le Christ ou par lui sur lui-même, et lui attribue les unes comme à un homme considéré séparément à part du Verbe issu de Dieu, et les autres au seul Verbe issu du Dieu Père parce qu’elles conviennent à Dieu, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 255).
5. Si quelqu’un ose dire que le Christ est un homme théophore et non pas plutôt Dieu en vérité en tant que Fils unique et par nature, selon que le Verbe s’est fait chair et a pris part de la même façon que nous au sang et à la chair, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 256).
6. Si quelqu’un dit que le Verbe issu du Dieu père est le Dieu ou le Maître du Christ et ne confesse pas plutôt que le même est tout à la fois Dieu et homme, étant donné que le Verbe s’est fait chair selon les Écritures, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 257).
7. Si quelqu’un dit que Jésus en tant qu’homme a été mû par le Dieu Verbe et que la gloire du Fils unique lui a été attribuée comme à un autre subsistant à part lui, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 258).
8. Si quelqu’un ose dire que l’homme assumé doit être coadoré et coglorifié avec le Dieu Verbe et qu’il doit être coappelé Dieu comme un autre avec un autre (car chaque fois l’addition du mot « avec » forcera de concevoir la chose ainsi) et n’honore pas plutôt l’Emmanuel d’une seule adoration et ne lui adresse pas une seule glorification, selon que le Verbe s’est fait chair, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 259).
9. Si quelqu’un dit que l’unique Seigneur Jésus Christ a été glorifié par l’Esprit, comme s’il avait utilisé un pouvoir étranger qui lui venait de l’Esprit et qu’il a reçu de lui le pouvoir d’agir contre les esprits impurs et d’accomplir ses signes divins parmi les hommes, et ne dit pas plutôt que cet Esprit, par lequel il a opéré les signes divins, était le sien propre, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 260).
10. La sainte Écriture dit que le Christ a été le grand prêtre et l’apôtre de notre confession de foi (cf. He 3, 1) et qu’il s’est offert lui-même pour nous en parfum d’agréable odeur au Dieu et Père. Si donc quelqu’un dit que notre grand prêtre et apôtre n’a pas été le Verbe lui-même issu de Dieu quand il est devenu chair et homme semblable à nous, mais qu’il a été un autre proprement distinct de lui, un homme né de la femme ; ou si quelqu’un dit qu’il a présenté l’offrande pour lui-même et non pas plutôt pour nous seuls (car celui qui n’a pas connu la péché ne saurait avoir besoin de l’offrande), qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 261).
11. Si quelqu’un ne confesse pas que la chair du Seigneur est vivifiante et qu’elle est la propre chair du Verbe issu du Dieu Père mais prétend qu’elle est celle de quelqu’un d’autre, distinct de lui et conjoint à lui selon la dignité ou qu’il a reçu seulement l’habitation divine ; et s’il ne confesse pas plutôt qu’elle est vivifiante, comme nous l’avons dit, parce qu’elle a été la propre chair du Verbe qui a le pouvoir de vivifier toutes choses, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 262).
12. Si quelqu’un ne confesse pas que le Verbe de Dieu a souffert dans la chair, qu’il a été crucifié dans la chair, qu’il a goûté la mort dans la chair et qu’il a été le premier-né d’entre les morts, en tant qu’il est la vie et vivifiant comme Dieu, qu’il soit anathème (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 263).
A.4. Sentence du concile d’Éphèse contre Nestorius
Comme le très honoré Nestorius, entre autres choses, n’a ni voulu obéir à notre citation ni même reçu les très saints et religieux évêques que nous lui avions envoyés, nous avons été forcés d’en venir à l’examen des impiétés qu’il a proférées, et comme, par ses lettres, par les écrits de lui qui ont été lus et par les propos qu’il a récemment tenus en cette métropole, et sur lesquels nous avons des témoignages, nous l’avons pris en flagrant délit de penser et de prêcher de manière impie, contraints tant par les canons que par la lettre de notre très saint père et collègue dans le ministère Célestin, évêque de l’Église de Rome, nous en sommes venus, non sans beaucoup de larmes, à cette triste sentence contre lui : Notre Seigneur Jésus Christ, blasphémé par lui, a décidé par le très saint présent concile que le dit Nestorius est désormais déchu de la dignité épiscopale et séparé de tout le corps sacerdotal (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, n. 264).
Bibliographie
Commentaires
- René Laurentin, Court traité sur la Vierge Marie, 6ème édition, F-X. De Guibert, Paris, 2009, pp. 170-171 ; 223-227.
- Bernard Sesboüé, s.j., Jésus-Christ dans la tradition de l’Église, 2ème édition, Jésus et Jésus-Christ, n. 17, Desclée, Paris, 1982.
Sources
- Clément d’Alexandrie, Protreptique, IV, 50, 3.
- Origène, Contre Celse, VI, 74 ; I, 37.
- « Actes du concile d’Éphèse » in DENZINGER, Symboles et définitions de la foi catholique, Cerf, Paris, 2005, pp. 89-95.
Notes
[1] Le titre de « Mère de Dieu » ne posait pas de difficulté au protestantisme de première génération, il faudra attendre avant de voir surgir une contestation sur ce point doctrinal. Confession de foi de Luther sur la Cène du Christ en 1528 : « Je crois […] que Marie, la Vierge sainte est une mère dans le sens le plus vrai du mot et non seulement de l’homme-Christ, comme les Nestoriens l’enseignent, mais du Fils de Dieu comme Luc dit : « celui qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu ». Tel est notre Seigneur et le Seigneur de tous, Jésus-Christ, le même de Dieu et de Marie, vrai Fils naturel de Dieu et de Marie, vrai Dieu et homme (W 26,501) ». Confirmation de Luther avant sa mort : « Le même que Dieu engendra dans l’éternité, elle l’enfanta dans le temps (W 50/III,708) ».
[2] Chritotokos : Terme fondé par Nestorius comme compromis entre Theotokos (« Mère de Dieu ») et Antropotokos (« mère de l’homme »).
[3] Développé par les Pères de l’Église, le « principe d’économie » est un concept se rapportant au dessin bienveillant de Dieu sur l’homme à travers son alliance avec lui.
[4] Un premier schéma, soumis aux Pères du concile, prévoyait un texte à part pour la Mère de Dieu. Les Pères du concile le rejetèrent au profit d’une intégration de Marie dans la Constitution Lumen Gentium, intégrant ainsi plus justement Marie dans le mystère de l’Église.
[5] Dans cet article nous n’avons pas cherché à recenser les thèses de tel ou tel auteur ou historien – tâche difficile et de toute manière inutile car celles-ci n’engagent que leurs auteurs – nous nous sommes concentrés uniquement sur les questionnements qu’elles posent à propos de la place de Marie dans l’histoire du salut. Nous allons donc confronter ces questions aux documents conciliaires – ceux d’Éphèse tout particulièrement étant donné que c’est ce concile qui est visé en premier lieu – ainsi qu’aux écrits des pères de l’Église, afin de vérifier la qualité des critiques adressées envers ce titre marial.