Frères et sœurs, par sa Passion, par sa Passion d’amour – que nous venons d’entendre – Jésus a été fidèle jusqu’à la mort, fidèle à son amour infini pour le Père, fidèle à son amour infini pour les hommes.
Par sa Passion acceptée librement, Jésus vient briser le dynamisme de mort qui est en l’homme, le dynamisme du péché. Péché qui conduit les scribes et les pharisiens à la haine ; péché qui conduit Pilate et la foule à la peur ; péché qui conduit les disciples au sommeil et à la fuite ; péché qui conduit Pierre au reniement.
Face à ce déferlement de péché, face à cette spirale de violence, Jésus reste celui qui aime et aimera jusqu’au bout. Jésus reste celui qui pose sur l’homme, même du haut de la Croix, un regard d’amour. Sur chaque homme, sur tout l’homme, Jésus pose un regard d’amour. Un regard qui invite à vivre de l’amour, à vivre par amour.
Bien sûr, voyant l’heure arriver, voyant la coupe s’approcher, Jésus a frémi ; il s’est senti seul. Sur la Croix, il s’est même senti abandonné par son Père. Mais par delà tout cela, à travers tous ses sentiments, il est demeuré fidèle. Il a vécu sa Passion et sa mort comme il a vécu sa vie, par amour. Sa mort est une mort donnée comme sa vie fut une vie donnée totalement à la mission que lui avait confiée le Père. La Croix, instrument de sa Passion et sa mort, est devenue signe de reconnaissance de ses disciples. Elle est en fait le trône de sa gloire.
La couleur rouge des ornements liturgiques nous rappelle l’humiliation vécue par le Christ Jésus chez les soldats. Mais elle nous rappelle aussi que cette humiliation est prophétique. À cet instant de sa Passion, Celui qui sera crucifié est revêtu du manteau rouge, manteau royal qui nous annonce que son trône n’est autre que sa Croix.
Un Roi qui règne en se faisant serviteur. Un Roi qui renonce à ses privilèges comme nous le rappelait la première lecture : « Il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur »…
Ce Roi n’est pas comme les autres rois ; c’est un Roi qui veut permettre aux autres d’exister, qui veut les faire exister. Un Roi dont la toute puissance est une puissance d’amour qui vient briser la spirale de la haine et de la violence suscitées par le péché.
Contemplant le trône de sa gloire, la Croix de Jésus-Christ, il nous faut à notre tour entrer dans cette logique de l’amour, une logique qui conduit au don de soi, à l’accueil des autres qui sont mes frères.
En mourant pour tous les hommes, le Christ Jésus a inauguré un monde nouveau. Il ne tient qu’à nous, là où nous sommes de « faire le petit peu qui dépend de nous » selon la belle expression de Notre Mère sainte Thérèse de Jésus, pour poursuivre ce que Christ a inauguré et lui permettre de porter un fruit de vie.
Oserons-nous, frères et sœurs, pleurer sur nos péchés et nos reniements comme Pierre ? Oserons-nous nous ouvrir à la conversion, en nous faisant serviteur les uns des autres ?
Ou alors, comme Pilate nous laverons-nous les mains devant les situations de détresse et de misère que nous côtoyons ?
Contemplant en ce jour le Christ en Croix et laissant son regard d’amour se poser sur nous, l’Esprit Saint fera-t-il jaillir de nos cœurs le cri du centurion : « vraiment cet homme est le Fils de Dieu ».
Que notre vie donnée par amour soit, dans notre monde contemporain, le signe de cette Bonne Nouvelle. En Christ nous sommes réconciliés avec Dieu et réconciliés les uns avec les autres.
Cette Bonne Nouvelle que nous célébrons aujourd’hui – comme chaque dimanche – elle va se déployer tout au long du Triduum Pascal qui va clore cette Semaine Sainte, inaugurée par ce dimanche de la Passion.
Jeudi, nous serons invités à faire mémoire de la première Cène : « faites cela en mémoire de moi ». Dans un temps d’adoration, nous serons invités à lui tenir compagnie…
Vendredi, nous suivrons le Christ dans son portement de Croix. Nous vénérerons ce bois précieux d’où est jaillie la vie.
Samedi, nous serons avec lui au tombeau dans le silence et le questionnement pour pouvoir accueillir dimanche matin la lumière de la Résurrection et la puissance de l’Esprit Saint qui l’a relevé d’entre les morts.
Frères et sœurs, ce que nous célébrons – en raccourci si j’ose cette expression – à chaque eucharistie : le cœur de notre foi, le mystère de la Passion, de la mort et de la Résurrection du Seigneur Jésus, le Triduum Pascal nous offre la grâce et le temps de le laisser se déployer pour que ce mystère de mort et de vie puisse davantage œuvrer en nous et nous animer de l’intérieur.
Il est urgent de vivre ce Mystère Pascal et de le laisser vivre en nous afin que le monde croie et qu’au nom de Jésus tout genoux fléchissent, au ciel, sur terre et aux enfers » car ce que nous dit la liturgie de ce jour c’est que sur la Croix et pour toujours, « Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père ».
Oui, frères et sœurs avec le centurion nous pouvons affirmer : « Vraiment cet homme est le Fils de Dieu ». Amen.