Ceux qui n’avaient qu’un cœur et qu’une âme (Ac 4, 32), c’est la foi qui faisait entre eux cette unité : foi unique, selon l’Apôtre, comme le Seigneur, le baptême et l’espérance. Si donc c’est par la foi, c’est-à-dire par la nature d’une foi unique que tous étaient un, comment ne pas appeler naturelle cette unité en ceux qui sont un par la nature d’une foi unique ? Tous, en effet, étaient menés à l’innocence, à l’immortalité, à la connaissance de Dieu, à la foi et à l’espérance. Et si ces choses ne peuvent être diverses d’elles-mêmes – car l’espérance est une, et Dieu est un, comme le Seigneur est un, et le baptême de régénération est un -, si ces objets sont un plutôt par accord que par nature, alors, à ceux qui sont renés en eux, assigne aussi une simple unité de vouloir. Mais si ceux-ci sont renés à la nature d’une vie unique et d’une immortalité unique, par quoi leur âme et leur cœur ne font plus qu’un, alors ne parlons plus d’une unité d’accord en ceux qui sont un dans la régénération d’une même nature.
Nous ne soutenons pas ici une opinion personnelle, et nous ne forgeons pas quelque doctrine mensongère en corrompant le sens des mots pour séduire les oreilles de nos auditeurs : …Car l’Apôtre nous enseigne que cette trinité des fidèles vient de la nature des mystères, lorsqu’il écrit aux Galates :
Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni juif ni grec, esclave ni homme libre, homme ni femme : tous vous êtes un dans le Christ Jésus.
Qu’ils soient un dans une telle diversité de peuples, de conditions et de sexes : cela vient-il d’un accord de volonté, ou de l’unité du sacrement, du fait que leur baptême est unique et que tous ils ont revêtu l’unique Christ ? Que fera donc ici l’accord des esprits, puisqu’il sont un du fait qu’ils ont revêtu le Christ unique par la nature de l’unique baptême ?…
Le Seigneur prie son Père pour que ceux qui croiront en lui soient un, et comme lui-même est dans le Père et le Père en lui, qu’ainsi tous en eux soient un. Que viens-tu parler ici d’ « aequanimité », d’unité d’âme et de cœur par entente volontaire ? Si c’était leur vouloir qui devait faire l’unité des croyants, le Seigneur avait assez de mots à sa disposition pour le dire en propres termes, il aurait prié ainsi : « Père, comme nous voulons la même chose, qu’eux aussi veuillent la même chose, et que tous nous soyons un par cette concorde ». Ignorait-il le sens des paroles, lui qui est la Parole ? Lui qui est la Vérité, n’a-t-il pas su dire le vrai ? Il a énoncé en perfection les vrais et authentiques mystères de la foi évangélique, … il a désigné l’unité modèle et source de celle des croyants, il a prié pour que, comme le Père est dans le Fils et le fils dans le Père, ainsi, par l’effet et sur le type de cette unité, ils fussent tous un dans le Père et le Fils…
Ne laissant rien d’incertain à la conscience des fidèles, le Seigneur a ajouté :
Qu’ils soient un comme, moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient consommés dans l’unité.
Ceux qui nous parlent d’unité de vouloir entre le Père et le Fils, je leur demande maintenant si le Christ est en nous aujourd’hui par la vérité de sa nature, ou par un accord de volonté ? Si le Verbe s’est vraiment fait chair, et si nous mangeons vraiment le Verbe-chair au repas du Seigneur, comment n’estimera-t-on pas qu’il demeure « naturellement » en nous, celui qui, né homme, a pris la nature de notre chair pour ne s’en plus séparer, et a mêlé la nature de sa chair à la nature de notre chair pour ne s’en plus séparer, et a mêlé la nature de sa chair à la nature de l’éternité dans le mystère de sa chair qu’il nous communique ? Ainsi nous sommes tous un, parce que le Père est dans le Christ et que le Christ est en nous… Du moment que nous sommes inséparablement unis dans la chair même du Fils de Dieu, il nous faut proclamer le mystère d’une unité vraie et naturelle.
… Nous ne nions pas, bien entendu, l’unanimité entre le Père et le Fils : les hérétiques ont coutume, dans leur fausseté, de prétendre que, en repoussant la simple unité d’accord, nous affirmons qu’ils sont en désaccord. Qu’ils entendent bien que nous ne nions pas l’unanimité. Le père et le Fils sont un en nature, en dignité, en puissance, et une même nature ne peut vouloir diversement…