À propos de la validité de l’anaphore d’Addaï et Mari
Le Saint-Siège vient de reconnaître la pleine validité de l’anaphore d’Addaï et Mari, une ancienne prière eucharistique utilisée dans l’Église assyrienne d’Orient [1]. Il y a là une décision œcuménique et liturgique beaucoup plus importante qu’il n’y paraît à première vue pour la simple raison que cette prière eucharistique, en usage dans les églises assyro-chaldéennes depuis l’époque apostolique, ne comporte pas de récit de l’institution de l’Eucharistie [2]. Pourrait-il donc y avoir une messe sans paroles de consécration ?
I. Les chrétiens assyro-chaldéens
L’anaphore d’Addaï et Mari est emblématique de l’ancienne chrétienté née sur la rive orientale de l’Euphrate [3]. Ces églises syro-orientales, de culture sémitique et d’expression araméenne, ont connu des théologiens de renom comme Aphraate et Éphrem. C’est sans doute pour des raisons politiques et linguistiques plus que théologiques qu’elles ont refusé les décisions du concile d’Éphèse (431) [4]. Elles se trouvèrent dès lors isolées du reste de l’Église, isolement accru par les persécutions des Perses et ensuite des Arabes musulmans. Ce qui n’empêcha pas ces églises de connaître un élan missionnaire prodigieux jusqu’en Asie centrale, au Tibet, en Chine et en Mongolie. Jusqu’à nos jours, des églises de l’Inde du Sud (Kerala) se réclament de la tradition syriaque orientale.
En 1553, une fraction de l’Église de Perse se rattacha à Rome sous la conduite du patriarche Jean Sulaqa. Celui-ci fut le premier d’une succession de patriarches reconnus par Rome. Parallèlement à cette branche catholique, appelée « chaldéenne » depuis 1830, continuait une Église « assyrienne » non unie à Rome. Les Assyro-Chaldéens ont énormément souffert au XXe siècle, spécialement lors du génocide de 1915 en Turquie et des massacres de 1933 en Irak. Aujourd’hui, l’Église chaldéenne dont le siège se trouve à Bagdad compte environ 700.000 fidèles dans le monde (dont 550.000 en Irak et 150.000 en diaspora, principalement aux USA et au Canada). En septembre 2003, S. B. Emmanuel III a été élu patriarche de Babylone par les évêques du synode chaldéen. Cette église chaldéenne entretient de bonnes relations avec l’église assyrienne. Sous la houlette de S. S. Mar Dinkha IV, l’Église assyrienne d’Orient compte quelque 250.000 fidèles dont environ 80.000 aux USA [5]. C’est entre ces deux Églises qu’un accord d’admission à l’Eucharistie vient d’être signé.
II. Une anaphore sans récit d’institution
Ces églises de tradition syriaque ont conservé comme un héritage particulièrement précieux une ancienne prière eucharistique, la « Sanctification (Quddasha) des Apôtres Addaï et Mari » [6]. Cette anaphore est certainement une des plus anciennes qui nous soit parvenue et la plus ancienne qui soit encore d’usage régulier aujourd’hui. Elle a fait l’objet de nombreuses recherches à propos d’un point spécifique : si on y mentionne le corps et le sang du Christ et si on y fait mémoire de la mort et de la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ, on n’y trouve pas de récit de l’institution eucharistique.
Des liturgistes éminents ont autrefois plaidé en faveur de l’existence originale d’un récit de l’institution dans l’anaphore d’Addaï et Mari. Cette position est aujourd’hui abandonnée : l’anaphore d’Addaï et Mari n’a jamais connu un tel récit, d’ailleurs absent des anciens manuscrits [7]. Cette anaphore se présente donc bel et bien comme un témoin de l’époque où les prières eucharistiques n’avaient pas encore adopté le récit de la Cène en conclusion de la prière d’action de grâce (correspondant à la Préface actuelle).
À cet égard, l’anaphore d’Addaï et Mari n’est pas unique. Des témoignages de la structure primitive se retrouvent dans des prières ou fragments de prières anciennes [8]. Ainsi, il n’y a pas de récit de l’institution dans la prière eucharistique de la Didachè (9-10), ni dans la prière des Constitutions apostoliques (VII, 25,1–26,6). Il en est de même dans la tradition euchologique ancienne d’Alexandrie et dans certaines liturgies d’origine syriaque. Il est probable que, dans le Canon romain également, le récit de la Cène — commençant avec les mots Qui pridie — ait été interpolé dans un ensemble déjà élaboré. L’addition d’un tel récit semble avoir été faite à la fin du IIIème siècle, en Syrie, et « il n’existe aucune prière eucharistique antérieure au concile de Nicée (325) dont on puisse prouver qu’elle contenait les paroles de l’institution » [9].
La structure de cette prière eucharistique mérite également d’être notée. Elle ne correspond pas au modèle habituel, celui des anaphores de type antiochien (action de grâce, institution, anamnèse, épiclèse, intercessions) [10], et se présente comme suit :
- Dialogue introductif.
- Action de grâce pour la création et la rédemption. Sanctus.
- Action de grâce pour le plan de salut et doxologie.
- Mémento des Pères, prière pour la paix, rappel du mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur, épiclèse et doxologie.
Voici les principaux passages de ce texte — tirés de la troisième gehantha — qui incluent la mention des éléments eucharistiques, le rappel du mystère pascal et l’invocation de l’Esprit Saint :
Daigne, Seigneur, dans tes abondantes miséricordes, faire une bienveillante et gracieuse mémoire de tous les Pères droits et justes […] dans la commémoraison du corps et du sang de ton Christ que nous t’offrons sur l’autel pur et saint ainsi que tu nous l’as enseigné […].
Et nous aussi, tes serviteurs […], qui sommes rassemblés et nous tenons devant toi, Seigneur, qui avons reçu par tradition l’exemple qui vient de toi […] commémorant et célébrant ce grand et redoutable mystère de la passion, de la mort et de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ.
Et que vienne, Seigneur, ton Esprit Saint, et qu’il repose sur cette oblation de tes serviteurs, afin qu’elle soit pour le pardon de nos fautes et la rémission de nos péchés, et pour la résurrection d’entre les morts et la vie nouvelle dans le royaume des cieux […] [11].
III. Les paroles de la consécration
À la question de savoir si l’anaphore d’Addaï et Mari pouvait être considérée comme valide, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, « suite à une étude longue et approfondie », a répondu de manière positive (17 janvier 2001). Comment justifier une décision qui bouleverse radicalement la tradition occidentale et semble faire fi d’une conception tellement ancrée dans les esprits ? Nous voici invités à examiner de plus près ce qu’on appelle les paroles de la consécration.
On pourrait penser que c’est depuis les origines que l’on considère le récit de l’institution — le récit de la dernière Cène de Jésus avec ses disciples — comme le moment de la consécration, c’est-à-dire de la conversion du pain et du vin au corps et au sang du Christ. En fait, dans l’antiquité chrétienne et jusqu’à une date avancée du Moyen Âge, on ne s’est jamais soucié de déterminer le moment précis de la consécration. Le plus souvent, on se contentait de désigner la prière eucharistique dans son ensemble [12]. La conception de la consécration dont nous avons hérité s’est développée suite aux débats doctrinaux qui eurent lieu aux Xe-XIIe siècles [13], alors que les théologiens discutent de la « présence réelle » et que la réflexion se concentre sur les paroles de l’institution.
Pour la théologie scolastique, qui reprenait des catégories héritées d’Aristote, la « forme » de l’Eucharistie consiste dans les paroles prononcées par le prêtre in persona Christi et c’est au moment même où le prêtre répète les paroles de Jésus (Ceci est mon corps, Ceci est mon sang) que le pain et le vin sont changés au corps et au sang du Christ. La formulation classique de cette théologie trouve son expression autorisée chez saint Thomas d’Aquin. Plus qu’aucun autre, ce dernier insistera sur la virtus des paroles de la consécration et sur le pouvoir que le prêtre exerce en récitant ces paroles. À la limite, un prêtre qui ne ferait que répéter les paroles du Christ, « Ceci est mon corps… », à l’exclusion de toute autre prière, célébrerait une eucharistie véritable (tout en commettant une faute grave) [14] !
À partir du XIVème siècle, dans un climat de controverse, Latins et Grecs allaient s’opposer : ce ne sont pas les paroles de l’institution qui opèrent la consécration, mais l’invocation de l’Esprit Saint par la prière de l’épiclèse. Mais vouloir ainsi préciser le moment de la conversion des éléments eucharistiques, que ce soit par les paroles du Christ ou l’invocation de l’Esprit, oriente vers de fausses pistes. Il y avait là une mauvaise querelle [15]. Ce type de réflexion opère de manière purement formelle sans prendre suffisamment en compte les limites du savoir théologique, les lois de la célébration liturgique et l’unité de la prière eucharistique.
La perspective selon laquelle la prière de consécration est constituée par le cœur de la prière eucharistique, et non par la récitation ad litteram des paroles du Christ, est certainement fidèle aux origines, à la tradition première des églises d’Orient et d’Occident. La décision romaine à propos de l’anaphore d’Addaï et Mari reconnaît la validité de cette tradition et confirme que c’est l’ensemble de la prière eucharistique qui constitue la prière de consécration et non une formule consécratoire isolée de l’ensemble.
N’est-ce pas en ce sens qu’il faut comprendre la Présentation générale du Missel romain (PGMR) lorsqu’on y parle de la prière eucharistique en ces termes : « C’est maintenant que commence ce qui est le centre et le sommet de toute la célébration : la prière eucharistique, prière d’action de grâce et de consécration » (PGMR § 78 [54]) ? Cette vision large n’est-elle pas aussi celle du Catéchisme de l’Église Catholique qui affirme : « Avec la prière eucharistique, c’est-à-dire la prière d’action de grâce et de consécration, nous sommes au cœur et au sommet de la célébration » (CEC § 1352) ?
IV. Les paroles de l’institution sont consécratoires
Est-ce à dire que les paroles de bénédiction prononcées par le Christ à la dernière Cène ne seraient pas consécratoires ? Elles le sont, mais non pas au sens d’une formule qui aurait son efficacité en elle-même et par elle-même, du simple fait d’être prononcée. Le récit scripturaire de l’institution (1 Co 11,24-25 ; Lc 22,19) ne mentionne pas que Jésus ait donné l’ordre de « répéter » ses paroles mais bien de célébrer la Pâque en mémoire de lui, dans la perspective de son œuvre de salut. Jésus prescrivit une action (« Faites ceci en mémoire de moi »), et non un énoncé. C’est ce que font les chrétiens depuis l’époque apostolique, assidus qu’ils sont à la « fraction du pain » (1 Co 10,16 ; Ac 2,42). Quel qu’ait été le contenu verbal des paroles de Jésus (bénédiction sur le pain et sur la coupe) et indépendamment de la question de savoir si la dernière Cène fut un repas pascal (comme le disent les évangiles synoptiques) ou non (selon l’évangile de Jean), il faut revenir à la tradition patristique selon laquelle les paroles de l’institution sont paroles de consécration parce qu’elles sont des paroles éternellement efficaces dans la bouche du Christ.
La doctrine classique dans l’Église latine remonte à Ambroise de Milan. Pour lui, « la consécration se fait par les mots et les paroles du Seigneur Jésus » [16]. « Ce sacrement que tu reçois est produit par la parole du Christ » [17]
[17].
Toutefois saint Ambroise n’envisage pas les paroles du Christ comme une formule à répéter. Ces paroles sont efficaces parce que ce sont les paroles même du Verbe :
C’est la parole du Christ qui produit le sacrement. Quelle est cette parole du Christ ? Eh bien, c’est celle par laquelle tout a été fait. Le Seigneur a ordonné, le ciel a été fait. Le Seigneur a ordonné, la terre a été faite […]. Tu vois donc comme elle est efficace la parole du Christ. Si donc il y a dans la parole du Seigneur Jésus une si grande force que ce qui n’était pas commençait à être, combien est-elle plus efficace pour faire que ce qui était existe et soit changé en autre chose [18].
On trouve un enseignement semblable chez saint Jean Chrysostome. Celui-ci relève le plus souvent l’action de l’Esprit Saint, mais une fois au moins il retient comme formule de consécration les paroles de l’institution :
Ce n’est pas un homme qui fait que les dons offerts deviennent corps et sang du Christ, mais celui qui a été crucifié pour nous, le Christ lui-même. Le prêtre, figure du Christ, prononce ces paroles, mais leur efficacité et leur grâce sont celles du Seigneur. Ceci est mon corps, dit-il. Cette parole transforme les offrandes placées devant nous. La parole, Croissez et multipliez, dite une fois, s’étend à travers les âges et donne à la nature le pouvoir de se reproduire ; il en est de même de la parole, Ceci est mon corps. Prononcée une fois, depuis ce temps jusqu’à aujourd’hui, et même jusqu’à la venue du Christ, elle donne à tous les sacrifices leur existence et leur vertu [19].
Comme Ambroise, Jean Chrysostome ne donne pas de valeur consécratoire à la simple répétition des paroles de Jésus, mais à l’événement historique de la dernière Cène et à l’institution par Jésus lui-même. Les paroles prononcées par le Christ à la Cène étendent leur efficacité à toutes les eucharisties qui suivront. Au sens patristique, ce sont les paroles de l’institution, paroles de Jésus à la dernière Cène, qui sont consécratoires, même si elles ne sont pas récitées, comme c’est le cas dans l’anaphore d’Addaï et Mari. « Née d’une institution du Christ, la messe n’est jamais autre chose que ce qu’elle était à son origine, et cependant au cours des siècles, des rites ou des prières, sans toucher à sa structure fondamentale, lui ont donné, selon les lieux et les temps, des formes sensiblement différentes » [20]. La décision romaine rappelle qu’il est possible d’envisager ces différences en termes d’expressions distinctes d’une même foi. Dans la célébration eucharistique, les dons du pain et du vin sont transformés et sanctifiés par une prière (quddasha, anaphore, canon, prière eucharistique) qui actualise les paroles du Christ et applique aux dons offerts ce que Jésus nous a transmis. Les manières ont pu varier au cours des siècles, mais ce qui compte, c’est l’intention du prêtre agissant in persona Christi de célébrer selon le rite de son église. L’anaphore d’Addaï et Mari ne comporte pas les paroles de l’institution eucharistique, mais elle manifeste clairement l’intention de célébrer l’Eucharistie « dans la pleine continuité de la dernière Cène et selon l’intention de l’Église » (« Orientations » § 3). Elle est donc valide.
V. Quelques réflexions pastorales
Cette note du Conseil pontifical pour l’unité des Chrétiens n’a pas fait grand bruit et n’a pas reçu énormément de publicité. On le comprend. À strictement parler, elle ne concerne que les fidèles des Églises chaldéennes et assyriennes. Pourtant d’un point de vue doctrinal, elle est extrêmement significative et elle ne manquera pas d’avoir des répercussions importantes. Le P. Robert Taft, professeur émérite à l’Institut Pontifical Oriental de Rome, a même été jusqu’à affirmer qu’il s’agit là du « document magistériel le plus important depuis Vatican II » [21].
En pratique, il me semble que cette note romaine pourrait changer les habitudes de pensée de beaucoup de catholiques et les inviter à une meilleure compréhension de la prière eucharistique. Concrètement, je vois deux domaines où il pourrait y avoir des répercussions pastorales.
Que ce soit pour les enfants ou pour les adultes, on ne peut qu’encourager les catéchistes à ne plus focaliser l’attention sur les paroles de l’institution — « le » moment de la consécration — pour introduire les fidèles à l’ensemble de la prière eucharistique et en déployer les différents éléments :
- nous rendons grâce à Dieu pour tout ce qu’il y a de beau et de bien dans la création et dans l’histoire humaine ;
- nous rappelons ce que Jésus a fait à la dernière Cène ;
- nous faisons mémoire du mystère pascal et nous présentons l’offrande que le Christ lui-même a instituée ;
- nous implorons la puissance de l’Esprit Saint pour la consécration des dons et la sanctification de la communauté qui célèbre.
Savoir qu’il y a, dans une autre tradition ecclésiale, une prière eucharistique sans récit de l’institution peut aider les catéchistes et responsables de formation à ne pas se contenter d’une conception quelque peu « magique » des paroles de la consécration et les rendre attentifs aux différentes dimensions de l’Eucharistie : présence du Christ sous les espèces eucharistiques, mais tout autant prière d’action de grâce au Père et mémorial de la Pâque du Christ. Sans rien nier de la présence sacramentelle du Christ, nous ne pouvons négliger les deux autres dimensions : entrer dans la prière du Christ à son Père, sacrifice d’action de grâce et de louange, tout autant que redécouvrir l’Eucharistie comme « mémorial », au sens fort, de la Pâque du Christ et de l’Église.
Dans l’Eucharistie, nous participons à l’offrande de l’Église, spécialement l’Église qui est rassemblée par cette eucharistie. Agissant in persona Christi, le prêtre n’agit pas seul : « Nous te rendons grâce, car tu nous a choisis pour servir en ta présence » (Prière eucharistique II) ; « Tu ne cesses de rassembler ton peuple afin qu’il te présente partout dans le monde une offrande pure » (Prière eucharistique III). C’est l’assemblée tout entière qui présente les dons du pain et du vin, un geste qui ne trouve son sens plénier que s’il est relié à la vie des fidèles. « La vie des fidèles, leur louange, leur souffrance, leur prière, leur travail, sont unis à ceux du Christ et à sa totale offrande, et acquièrent ainsi une valeur nouvelle » [22].
Indirectement, ne sommes-nous pas amenés à questionner les attitudes et les gestes qui veulent mettre en relief « le » moment de la consécration ? Depuis la fin du douzième siècle, le récit de l’institution est particulièrement solennisé : silence complet, élévation de l’hostie et du calice, sonnerie de clochettes, encensement. Lex orandi, lex credendi, dit justement l’adage. N’est-il pas opportun de proposer à ce sujet une meilleure catéchèse liturgique ?
De même, il est de plus en plus fréquent de voir les fidèles s’asseoir après le récit de l’institution [23], comme si la suite de la prière eucharistique était de nature secondaire. Il faut tenir compte de l’âge et de l’état de santé des participants. On peut toutefois s’interroger. Les fidèles — et leurs pasteurs — réalisent-ils la valeur et le sens de l’anamnèse et de l’épiclèse ? Ne convient-il pas de participer à l’ensemble de la prière eucharistique dans une attitude corporelle qui manifeste le caractère public de la démarche et exprime une certaine disposition intérieure [24] ? La station debout est symbolique de la résurrection, de l’action de grâce, de l’attente eschatologique de la venue du Seigneur. Dans l’église primitive, les chrétiens étaient invités à rester debout le dimanche et pendant tout le temps pascal. On ne peut qu’encourager une telle attitude durant le déroulement de l’ensemble de la prière eucharistique [25].
Le document du Conseil pontifical pour l’unité des Chrétiens reflète les résultats de ce qu’il y a de plus précieux dans la recherche liturgique. Avec les Chrétiens orientaux, nous ne pouvons que nous réjouir d’une décision qui respecte pleinement leurs traditions. Avec tous les baptisés, et plus spécialement ceux qui ont charge de formation chrétienne, nous nous réjouissons d’un document qui libère du littéralisme en matière liturgique et invite par là à approfondir le mystère que nous célébrons dans chaque eucharistie.
Notes
[1] Conseil pontifical pour l’Unité des Chrétiens, « Admission à l’Eucharistie entre l’Église chaldéenne et l’Église assyrienne d’Orient. Notes et orientations », dans Doc. Cath. 2265 (99, 2002) 213-214. Le texte a été approuvé le 20 juillet 2001 et promulgué le 25 octobre 2001. On peut le trouver sur le site du Vatican : [NDLR : lien obsolète].
[2] Voir Alvarez L.F., « La anáfora de Addai y Mari, verdadera plegaria eucarística », dans Phase 257 (2003) 409-417 ; Giraudo C., « Addai e Mari, l’anafora della Chiesa d’Oriente : “ortodossa” anche senza le parole istituzionali », dans Rivista Liturgica 89 (2002) 205-215 ; Hofrichter P., « L’anaphore d’Addai et Mari dans l’Église de l’Orient. Une eucharistie sans récit d’institution ? », dans Istina XL (1995) 95-105 ; Jammo S., « Le Quddasha des Apôtres Addai et Mari. Un lien avec l’époque apostolique », dans Istina XL (1995) 106-120 ; Smyth M., « Une avancée œcuménique et liturgique. La note romaine concernant l’Anaphore d’Addaï et Mari », dans La Maison-Dieu 233 (2003) 137-154 ; Sull’Anafora dei Santi Apostoli Addai e Mari, éd. B. Gherardini, numéro special de Divinitas 47 (2004), 296 p. ; Taft R., « Mass Without the Consecration ? The Historic Agreement on the Eucharist between the Catholic Church and the Assyrian Church of the East Promulgated 26 October 2001 », dans Worship 77 (2003) 482-509.
[3] Voir Le Coz R., Histoire de l’Église d’Orient. Chrétiens d’Irak, d’Iran et de Turquie, Paris, Cerf, 1995. On parle indifféremment de l’Église de Perse (en raison de son implantation géographique au moment de sa naissance), de l’Église syriaque orientale (par allusion à la langue utilisée dans la liturgie, un dialecte araméen de Nisibe), ou d’Église nestorienne (les chrétiens de Perse ayant refusé d’accepter la condamnation de Nestorius lors des conciles d’Éphèse et Chalcédoine, ils se virent traiter de « nestoriens » par les autres chrétiens).
[4] Les historiens reconnaissent aujourd’hui que les positions de Nestorius, patriarche de Constantinople, n’étaient pas « nestoriennes », malgré son refus des décisions du concile d’Éphèse. Un accord christologique récent (1994) témoigne de la foi commune de l’Église catholique et de l’Église assyrienne d’Orient.
[5] Ancien évêque de Téhéran, élu patriarche en 1976, S. S. Mar Dinkha IV réside aux USA.
[6] Addaï ou Addée est peut-être une déformation de Thaddée, l’apôtre d’Édesse (aujourd’hui Urfa, en Turquie). Mari aurait été son disciple.
[7] Les catholiques de rite chaldéen et syro-malabar utilisent une version de cette anaphore à laquelle on a ajouté le récit de la Cène, suite à leur union avec Rome.
[8] Cf. Smyth M., « Une avancée œcuménique et liturgique » (cité supra n. 2), p. 142-144.
[9] Taft R., « Mass Without the Consecration ? » (cité supra n. 2), p. 493.
[10] On trouve une structure semblable dans la Prière eucharistique IV du Missel romain.
[11] Texte utilisé actuellement, identique dans ces citations au texte ancien (IIIe siècle) reconstitué par Gelston A., The Eucharistic Prayer of Addai and Mari, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 121-123.
[12] Cf. Jungmann J.-A., Missarum Sollemnia, Paris, Aubier-Montaigne, 1953, t. 3, p. 120-121, note 9.
[13] L’ouvrage de référence demeure de Lubac H., Corpus mysticum. L’eucharistie et l’Église au Moyen Âge, Paris, Aubier-Montaigne, 1949.
[14] « Si le prêtre ne disait que les paroles en question, avec l’intention d’accomplir ce sacrement, celui-ci serait réalisé » : Thomas d’Aquin, S. Th. IIIa 78, 1,4. Bien évidemment, la répétition matérielle des paroles ne suffit pas. Il faut que le célébrant ait l’intention de parler au nom et comme en la personne du Christ.
[15] Voir Congar Y., Je crois en l’Esprit Saint, t. 3, Paris, Cerf, 1980, p. 294-319 (« Sur l’épiclèse eucharistique ») ; Lamberts J., « Quelques réflexions sur l’épiclèse », dans Questions liturgiques 84 (2003) 226-243.
[16] Ambroise de Milan, Des sacrements. Des mystères. Explication du Symbole, éd. B. Botte, coll. Sources chrétiennes 25 bis, Paris, Cerf, 21950 ; Des sacrements IV, 4.
[17] Ibid. Des mystères IX, 52.
[18] Ibid. Des sacrements IV, 14-17 ; voir aussi V, 21-23 et Des mystères IX, 52.
[19] Jean Chrysostome, Homélie sur la trahison de Judas 1,6 ; PG 49,380.
[20] Cabié R., L’Eucharistie, vol. II de L’Église en prière, éd. A.G. Martimort, Paris, Desclée, 1983, p. 16.
[21] Taft R., « Mass Without the Consecration ? » (cité supra n. 2), p. 483.
[22] Catéchisme de l’Église Catholique, § 1368.
[23] Je pense ici à une assemblée paroissiale. Autre est la question d’une assemblée « domestique » ou composée d’un petit groupe assis autour d’une table.
[24] Voir Grayland J., « Standing, the Posture of Participation in the Eucharistic Prayer », dans The Australasian Catholic Record 81 (2004) 336-350.
[25] Parce qu’elles doivent être adaptées à la mentalité et aux traditions locales, de telles dispositions dépendent des Conférences épiscopales respectives (cf. PGMR § 43 et 390). Sur les questions posées par les § 42-44 de la Présentation (Les gestes et les attitudes du corps), voir Grayland J., « Standing… » (cité supra n. 24).