Je m’étonne qu’il y ait des gens pour poser cette question : faut-il, ou ne faut-il pas appeler la Sainte Vierge Mère de Dieu ? Car si Notre-Seigneur Jésus-Christ est Dieu, comment la Vierge qui l’a mis au monde ne serait-elle pas la Mère de Dieu ? C’est la croyance que nous ont transmise les saints apôtres, même s’ils ne se sont pas servis de ce terme. C’est l’enseignement que nous avons reçu des saints Pères. Et tout particulièrement notre Père de vénérable mémoire, Athanase, qui pendant quarante-six ans a illustré le siège d’Alexandrie, qui a opposé aux inventions des hérétiques impies une sagesse invincible et digne des apôtres, Athanase, qui a embaumé du parfum de ses écrits l’univers tout entier, à qui tous rendent témoignage pour son orthodoxie et sa piété, Athanase, au troisième livre du traité qu’il a composé sur la Trinité sainte et consubstantielle, appelle à plusieurs reprises la Sainte Vierge, Mère de Dieu. Je vais citer textuellement ses propres paroles :
La sainte Écriture, nous l’avons fait remarquer bien souvent, se caractérise principalement en ceci, qu’elle rend au sujet du Sauveur un double témoignage. D’une part, il est le Dieu éternel, le Fils, le Verbe, le resplendissement et la sagesse du Père ; d’autre part, en ces derniers temps et pour notre salut, il a pris chair de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et s’est fait homme.
Et un peu plus loin :
Il y a eu beaucoup de saints ; il y a eu des hommes exempts de tout péché : Jérémie a été sanctifié dès le sein maternel ; Jean, encore porté dans les entrailles de sa mère, a tressailli d’allégresse à la voix de Marie, la Mère de Dieu.
Ainsi parle cet homme considérable, si digne d’inspirer confiance, car il n’aurait jamais rien dit qui ne fût conforme aux saintes Écritures…
D’ailleurs l’Écriture divinement inspirée déclare que le Verbe de Dieu s’est fait chair, c’est-à-dire s’est uni à une chair douée d’une âme raisonnable. A sa suite le grand et saint concile de Nicée enseigne que c’est le même Fils unique de Dieu, engendré de la substance du Père, par qui tout a été fait, en qui tout subsiste, qui pour nous autres hommes et pour notre salut est descendu des cieux, s’est incarné, s’est fait homme, a souffert, est ressuscité, et reviendra un jour comme juge ; le Concile nomme le Verbe de Dieu : le seul Seigneur Jésus-Christ. Et que l’on observe bien qu’en parlant d’un seul Fils, et en le nommant le Seigneur, le Christ-Jésus, le Concile déclare qu’il est engendré par Dieu le Père, qu’il est le Monogène. Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré, non créé, consubstantiel au Père… Et dès lors la Sainte Vierge peut être appelée à la fois Mère du Christ, et Mère de Dieu, car elle a mis au monde non point un homme comme nous, mais bien le Verbe du Père qui s’est incarné et s’est fait homme.
Mais, dira-t-on : » La Vierge est-elle donc mère de la divinité ? » A quoi nous répondons : Le Verbe vivant, subsistant, a été engendré de la substance même de Dieu le Père, il existe de toute éternité, conjointement avec celui qui l’a engendré, il est en lui, avec lui. Mais dans la suite des temps, il s’est fait chair, c’est-à-dire s’est uni une chair possédant une âme raisonnable, dès lors on peut dire qu’il est né de la femme, selon la chair. Ce mystère d’ailleurs a quelque analogie avec notre génération même. Sur la terre en effet les mères, d’après les lois mêmes de la nature, portent dans leur sein un fruit qui, obéissant aux mystérieuses énergies déposées par Dieu, évolue et finalement se développe en forme humaine ; mais c’est Dieu qui dans ce petit corps met une âme de la manière que lui seul connaît. « C’est Dieu qui façonne l’âme de l’homme », dit le prophète. Or autre chose est la chair, autre chose est l’âme. Pourtant bien que les mères aient produit le corps seulement, on ne laisse pas de dire qu’elles ont mis au monde l’être vivant, corps et âme, et non point seulement une de ses parties. Nul ne dirait par exemple qu’Elisabeth est la mère de la chair (sarkotokos), qu’elle n’est pas la mère de l’âme (psychotokos) ; car elle a mis au monde Jean-Baptiste, avec son corps et son âme, cette personne unique, l’homme composé de corps et d’âme. C’est quelque chose de semblable qui se passe à la naissance de l’Emmanuel. II a été engendré, avons-nous dit, de la substance du Père, étant son Verbe, son Fils unique ; mais quand il a pris chair, et qu’il s’est fait Fils de l’homme, il n’y a, ce me semble, aucune absurdité à dire, et bien plutôt il est nécessaire de confesser, qu’il est né de la femme selon la chair. Exactement comme l’on dit que l’âme de l’homme naît en même temps que son corps, et ne fait qu’un avec lui, bien qu’elle en diffère complètement quant à la nature.