Pourquoi le blasphème contre l’Esprit Saint est-il impardonnable ? En quel sens entendre ce blasphème ? Saint Thomas d’Aquin répond qu’il s’agit d’un péché « irrémissible de par sa nature, parce qu’il exclut les éléments grâce auxquels est accordée la rémission des péchés » [1].
Selon une telle exégèse, le « blasphème » ne consiste pas à proprement parler à offenser en paroles l’Esprit Saint ; mais il consiste à refuser de recevoir le salut que Dieu offre à l’homme par l’Esprit Saint agissant en vertu du sacrifice de la Croix. Si l’homme refuse la « manifestation du péché », qui vient de l’Esprit Saint et qui a un caractère salvifique, il refuse en même temps la « venue » du Paraclet, cette « venue » qui s’est effectuée dans le mystère de Pâques, en union avec la puissance rédemptrice du Sang du Christ, le Sang qui « purifie la conscience des œuvres mortes ».
Nous savons que le fruit d’une telle purification est la rémission des péchés. En conséquence, celui qui refuse l’Esprit et le Sang demeure dans les « œuvres mortes », dans le péché. Et le blasphème contre l’Esprit Saint consiste précisément dans le refus radical de cette rémission dont Il est le dispensateur intime et qui présuppose la conversion véritable qu’il opère dans la conscience. Si Jésus dit que le péché contre l’Esprit Saint ne peut être remis ni en ce monde ni dans l’autre, c’est parce que cette « non-rémission » est liée, comme à sa cause, à la « non-pénitence », c’est-à-dire au refus radical de se convertir. Cela signifie le refus de se tourner vers les sources de la Rédemption, qui restent cependant « toujours » ouvertes dans l’économie du salut, dans laquelle s’accomplit la mission de l’Esprit Saint. Celui-ci a le pouvoir infini de puiser à ces sources : « C’est de mon bien qu’il reçoit », a dit Jésus. Il complète ainsi dans les âmes humaines l’œuvre de la Rédemption accomplie par le Christ, en leur partageant ses fruits. Or le blasphème contre l’Esprit Saint est le péché commis par l’homme qui présume et revendique le « droit » de persévérer dans le mal – dans le péché quel qu’il soit – et refuse par là même la Rédemption. L’homme reste enfermé dans le péché, rendant donc impossible, pour sa part, sa conversion et aussi, par conséquent, la rémission des péchés, qu’il ne juge pas essentielle ni importante pour sa vie. Il y a là une situation de ruine spirituelle, car le blasphème contre l’Esprit Saint ne permet pas à l’homme de sortir de la prison où il s’est lui-même enfermé et de s’ouvrir aux sources divines de la purification des consciences et de la rémission des péchés.
[1] S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae-, q. 14, a. 3 ; cf. S. Augustin, Epist. 185, 11, 48-49 : PL 33, 814-815 ; S. Bonaventure, Comment. in Évang. S. Lucae, chap. XIV, 15-16 : Ad Claras Aquas, VII, 314-315.
Annexe sur les passages bibliques concernés
Voici maintenant les trois passages visée par l’encyclique, parole de Jésus que Jean-Paul II qualifiait – toujours dans le même paragraphe de cette encyclique – de « paroles du non-pardon » :
Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l’autre.
Tout sera remis aux enfants des hommes, les péchés et les blasphèmes tant qu’ils en auront proférés ; mais quiconque aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura jamais de rémission : il est coupable d’une faute éternelle.
Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis, mais à qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, cela ne sera pas remis.