Il est écrit dans l’Évangile que la mère et les frères, c’est-à-dire les parents de Jésus Christ le firent prévenir qu’ils l’attendaient au dehors, parce que la foule ne leur permettait pas d’arriver jusqu’à lui. Et le Sauveur de répondre : « Quelle est ma mère et qui sont mes frères ? » Puis, étendant la main sur ses disciples, il ajouta : « Voici mes frères ; et quiconque fera la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère ». N’est-ce pas nous dire clairement qu’il préfère notre alliance spirituelle à la parenté charnelle ? N’est-ce pas nous annoncer que le bonheur, pour les hommes, ne consiste pas à avoir, avec les justes et les saints, une parenté charnelle, mais à leur être uni par l’imitation de leur vie et la soumission à leur doctrine ? Marie fut donc plus heureuse en recevant la foi de Jésus-Christ, qu’en enfantant sa chair. « Bienheureux le sein qui vous a porté », s’écriait une femme ; « bien plus heureux, reprit le Sauveur, ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique ». A ceux de ses frères, c’est-à-dire à ceux de ses parents qui ne crurent point en lui, de quel avantage fut cette parenté ? La maternité même de Marie n’eût été pour elle d’aucune utilité, si en portant Jésus-Christ dans sa chair, elle ne l’avait porté plus heureusement dans son cœur.
Faites attention à ce que dit le Christ Seigneur, étendant la main vers ses disciples : « Voici ma mère et mes frères ». Et ensuite : « Celui qui fait la volonté de mon Père, qui m’a envoyé, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère » (Mt 12, 49-50). Est-ce que la Vierge Marie n’a pas fait la volonté du Père, elle qui a cru par la foi, qui a conçu par la foi ?… Sainte Marie a fait, oui, elle a fait la volonté du Père, et par conséquent…Marie était bienheureuse, parce que, avant même d’enfanter le Maître, elle l’a porté dans son sein.
Voyez si ce que je dis n’est pas vrai. Comme le Seigneur passait, suivi par les foules et accomplissant des miracles divins, une femme se mit à dire : « Heureux, bienheureux, le sein qui t’a porté ! » Et qu’est-ce que le Seigneur a répliqué, pour éviter qu’on ne place le bonheur dans la chair ? « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! » Donc, Marie est bienheureuse aussi parce qu’elle a entendu la parole de Dieu et l’a gardée : son âme a gardé la vérité plus que son sein n’a gardé la chair. La Vérité, c’est le Christ ; la chair, c’est le Christ. La vérité, c’est le Christ dans l’âme de Marie ; la chair, c’est le Christ dans le sein de Marie. Ce qui est dans l’âme est davantage que ce qui est dans le sein. Sainte Marie, heureuse Marie !…
Mais vous, mes très chers, regardez vous-mêmes : vous êtes les membres du Christ, et vous êtes le corps du Christ (1 Co 12, 27)… « Celui qui entend, celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère »… Car il n’y a qu’un seul héritage. C’est pourquoi le Christ, alors qu’il était le Fils unique, n’a pas voulu être seul ; dans sa miséricorde, il a voulu que nous soyons héritiers du Père, que nous soyons héritiers avec lui (Rm 8, 17).