Dans la célébration même de la messe, après avoir dit : « Memento, Domine, famulorum, famularumque tuarum » [1], le prêtre ajoute peu après : « pro quibus tibi offerimus, vel qui tibi offerunt hoc sacrificium laudis » [2]. Ces mots montrent clairement que ce sacrifice de louange est offert par tous les fidèles, hommes et femmes, bien qu’il paraisse être offert spécialement par le seul prêtre ; car ce que celui-ci offre de ses mains, la foule des fidèles l’offre en esprit. C’est ce qui est déclaré par cette parole : « Hanc igitur oblationem servitutis nostrae, sed et cunctae familiae tuae, quaesumus, Domine, ut placatus accipias » [3]. Il apparaît ainsi en toute clareté que le sacrifice qui est disposé sur l’autel par le prêtre, est offert par toute la famille de Dieu en général.
Cette unité de l’Église, l’Apôtre l’expose en termes manifestes lorsqu’il dit : « Nous qui sommes nombreux, nous sommes un seul corps et un seul pain ». Si grande est en effet l’unité de l’Église dans le Christ, que par tout l’univers il n’y a qu’un seul pain du corps du Christ et un seul calice de son sang. Car, de même que la dignité du Verbe de Dieu, qui remplit le monde entier, est une, ainsi, bien que ce corps soit consacré en divers lieux et à de nombreux jours différents, il n’y a cependant pas plusieurs corps, mais un seul corps du Christ. Et de même que ce pain et ce vin sont vraiment changés au corps et au sang du Christ, ainsi tous ceux qui reçoivent dignement le sacrement dans l’Église deviennent, sans aucun doute, l’unique corps du Christ. Lui-même en témoigne, en diant : « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et moi en lui ».
Si donc nous sommes tous l’unique corps du Christ, et bien que par l’apparence corporelle nous paraissons être à l’écart, nous ne pouvons cependant être séparés les uns des autres, nous qui demeurons en lui (Jean 15, 4). Je ne vois donc pas quel inconvénient il y a à suivre chacun l’usage commun de l’Église, puisque, grâce à ce sacrement de l’unité, nous ne sommes jamais séparé d’elle. En effet, lorsque dans mon apparent isolement je prononce les paroles communes de l’Église, je montre par là que je suis un avec elle et qu’elle demeure vraiment en moi par sa présence spirituelle. Or, si je suis vraiment son membre, il n’y a point d’inconvénient à ce que je remplisse l’office de mon tout.
[1] « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs et de tes servantes ».
[2] « pour qui nous t’offrons, ou qui t’offrent, ce sacrifice de louange ».
[3] « Voici donc l’offrande que nous te présentons, nous tes serviteurs et avec nous ta famille entière : accepte-la, Seigneur, avec bienveillance ».