Ce récit de la Passion (Lc 19, 28-40) nous montre l’affrontement de deux mondes. Jésus vit dans le monde de la lumière et de la vérité, de la justice et de l’innocence, de la liberté, de l’amitié et de la prière. Il s’affronte au monde que nous ne connaissons que trop : le monde du mensonge et de l’hypocrisie, de la lâcheté et de la trahison, de la violence et du meurtre. Bien souvent, ce monde du péché et de la mort paraît triompher du monde de la justice et de la liberté. Si la liturgie nous fait revivre le drame qu’a vécu Jésus c’est pour nous rappeler que, par sa passion et sa résurrection, Jésus a fait triompher le monde de la lumière et de la vérité, de l’innocence et de l’amour, de laliberté, de l’amitié et de la prière.
Saint Pierre proclamera le jour de Pentecôte :
Cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous… vous l’avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies ; mais Dieu l’a ressuscité (Ac 2, 23-24).
La victoire de Pâques nous ouvre un chemin nouveau : l’Esprit du Christ nous est donné et nous permet de nous engager, à la suite de Jésus, sur son chemin de liberté et d’amour et d’y demeurer fidèle jusqu’au bout. C’est poussé par un immense amour que Jésus a pris résolument et librement ce chemin qui l’a conduit jusqu’à la croix.
Jésus marchait en avant de ses disciples (Lc 19, 28). Quand l’heure fut venue, il se mit à table et les apôtres avec lui. Et il leur dit : « J’ai tellement désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22, 14-15). Puis, Jésus sortit pour se rendre au mont des oliviers et ses disciples le suivent… tombant à genoux, il priait : Père, si tu veux écarter de moi cette coupe… Pourtant que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise… Pris d’angoisse il priait plus instamment. (Lc 22, 39, 42, 44). Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite (Mt 26, 56) Jésus reste seul mais, en dépit des apparences, il demeure maître de la situation.
Il est bouleversant de constater comment, durant tout ce drame de la Passion, les rôles sont inversés. L’innocent est condamné par deux tribunaux, celui du grand-prêtre et celui de Pilate ; mais c’est le centurion romain, exécuteur de la sentence, qui proclame le vrai jugement : « cet homme était un juste ».
Ceux qui devraient savoir qui est Jésus ne veulent pas le savoir. Ils l’interrogent mais refusent d’entendre ses réponses : « Es-tu le roi des juifs ? Es-tu le Messie ? Es-tu le Fils de Dieu ? » Or, un criminel condamné au même supplice de la croix voit et reconnaît l’identité de Jésus : « Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume ».
Les prêtres ont dit de Jésus qu’il blasphémait car il se prétendait égal à Dieu ; selon saint Matthieu, le centurion et les soldats qui gardaient son corps déjà mort déclarent : « Vraiment cet homme était fils de Dieu ».
Du côté du péché c’est le monde à l’envers mais avec Jésus c’est le monde remis à l’endroit. Alors, de quel côté nous situons-nous ? Où penche notre liberté ? Recherchons-nous sincèrement la vérité ou avons-nous peur de la vérité ? Sommes-nous du côté de la lumière ou restons-nous complices de la lâcheté, de l’indifférence, de l’hypocrisie ?
Jésus nous ouvre un chemin qui seul peut donner sens à notre existence. Si nous suivons le Christ dans sa montée vers Jérusalem, si nous le suivons dans sa passion et sa mort, nous deviendrons vraiment libres ; avec lui nous retrouverons notre vocation première d’enfant du Père. Si par égoïsme et lâcheté, par indifférence et par intérêt nous restons dans l’autre camp, nous demeurerons esclaves de nos préjugés, de notre égoïsme, de nos passions… Voulons-nous vraiment accéder à la liberté et en payer le prix ?
Ne pensez pas que Jésus veuille la souffrance et nous demande de rechercher la souffrance. Non, mais Jésus vit un très grand amour. Sa vie est une vie toute donnée par amour. Or, vous savez par expérience que dans le couple, dans la famille c’est celui qui aime le plus qui obéit à l’autre, qui se soumet à l’autre, qui prend par amour la position de la faiblesse et de l’impuissance car l’amour ne peut contraindre l’autre à aimer. Mais cette impuissance dictée par un grand amour possède déjà la puissance de la résurrection. Cette faiblesse est plus forte que toute violence. Personne ne peut ôter la vie à celui qui la donne de lui-même. Pensez à Maximilien Kolbe et à tous les martyrs.
En Jésus, nous voyons Dieu qui ne se contente pas d’attendre le retour de l’enfant prodigue que nous sommes, mais poussé par son immense amour, il vient à notre rencontre et prend sur lui notre péché et notre culpabilité. « Adam où es-tu ? Je viens prendre ta place afin de te donner la mienne, cette place de fils aimé du Père qui t’est réservée de toute éternité ». En communiant à ce repas auquel nous invite Jésus aujourd’hui il nous dit comme à ses disciples :
Je dispose pour vous du Royaume, comme le Père en a disposé pour moi. Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume.