Le geste de joindre les mains est plus tardif [que l’attitude de l’orante], et il nous vient sans doute du régime féodal. Lors de la transmission d’un fief, le bénéficiaire plaçait ses mains jointes entre les mains du seigneur, dans un geste au symbolisme simple et profond, exprimant à la fois la confiance et la fidélité. Le christianisme a conservé ce geste. On le retrouve dans la cérémonie de l’ordination sacerdotale. Le prêtre nouvellement ordonné reçoit la prêtrise en quelque sorte comme un fief. Il n’est pas prêtre de lui-même, de par ses propres capacités, mais par le don du seigneur – un don qui demeurera tel et ne deviendra jamais sa propriété, n’entrera jamais en son pouvoir. Le nouveau prêtre reçoit des mains du Christ la charge de la prêtrise, reconnaissant par là qu’il ne sera et ne pourra jamais être que l’intendant des mystères de Dieu (1 Co 4, 1), un bon administrateur de la grâce de Dieu variée en ses effets (1 P 4, 10). Telle est cette charge, et il ne la mènera à bien que dans la « maison de Dieu » (He 3, 2-6), l’Église, en communion avec l’évêque, lieutenant du Christ, de qui le prêtre reçoit ordre et juridiction pour exercer son sacerdoce. Quand le candidat à l’ordination place ses mains jointes entre les mains de l’évêque et lui promet respect et obéissance, il se met au service de l’Église, corps vivant du Christ. Dans ce geste, le prêtre confie son sacerdoce au Christ. Il lui offre ses mains pour qu’elles deviennent les Siennes. Quand nous joignons nos mains pour prier, nous plaçons nos mains dans les siennes, nous remettons notre destin entre ses mains. Confiants dans sa fidélité, nous engageons la nôtre [1].
[1] Ce qui pouvait être problématique dans le régime féodal, comme peut l’être toute domination humaine – laquelle ne se justifie que si elle s’exerce au nom du Seigneur et lui reste fidèle – ne trouve son sens véritable que dans la relation du croyant au Christ, notre Seigneur à tous.