Ce bois [de la croix] m’appartient pour mon salut éternel. Je m’en nourris, je m’en repais ; je m’affermis en ses raçines, je m’étends sous ses branches, à son souffle je m’abandonne avec délices, comme au vent. Sous son ombre j’ai planté ma tente, et, à l’abri des chaleurs excessives, j’y trouve un repos plein de fraîcheur. Je fleuris avec ses fleurs ; ses fruits me procurent une jouissance parfaite, fruits que je cueille, préparés pour moi dès le commencement du monde. Pour ma faim, j’y trouve une nourriture délicate ; pour ma soif, une fontaine ; pour ma nudité un vêtement ; ses feuilles sont un esprit vivifiant. Loin de moi désormais les feuilles du figuier ! Si je crain Dieu, cet arbre est mon refuge ; dans mes périls il m’affermit ; dans mes combats il m’est un bouclier, et pour ma victoire un trophée. Le voici, mon sentier étroit ; la voici, ma voie resserrée ! Voici l’échelle de Jacob, où les anges montent et descendent, au sommet de laquelle se tient le Seigneur.
Cet arbre, qui s’étend aussi loin que le ciel, monte de la terre aux cieux. Plante immortelle, il se dresse au centre du ciel et de la terre : ferme soutien de l’univers, lien de toutes choses, support de toute la terre habitée, entrelacement cosmique, comprenant en soi toute la bigarrure de la nature humaine. Fixé par les clous invisibles de l’Esprit, pour ne pas vaciller dans son ajustement au divin ; touchant le ciel du sommet de sa tête, affermissant la terre de ses pieds, et, dans l’espace intermédiaire, embrassant l’atmosphère entière de ses mains incommensurables.
Il était tout entier partout en toutes choses, et à lui seul il luttait, nu, contre les puissances de l’air…
Avec lui deux voleurs sont étendus, portant en eux le signe des deux peuples, le signe des deux pensées de l’âme…
Quand ce combat cosmique prit fin, […] les cieux s’ébranlèrent, peu s’en fallut que les étoiles ne tombassent, le soleil s’obscurcit pour un temps, les pierres se fendirent, le monde entier faillit périr… Mais le grand Jésus rendit son divin esprit en disant : « Père, je remets mon esprit entre tes mains ». Alors dans son ascension, ce divin esprit rendit vie et force à toutes choses qui tremblaient et de nouveau l’univers entier devint stable, comme si cette divine extension et ce supplice de la croix avaient pénétré toutes choses. Ô toi qui es seul entre les seuls, et qui es tout en tout ! Que les cieux aient ton esprit, et le paradis ton âme : mais ton sang, qu’il soit à la terre. L’Indivisible s’est divisé, pour que tout fut sauvé, et que même le lieu inférieur ne fut pas privé de la venue de Dieu…
Nous t’en prions, Seigneur Dieu, Christ éternellement et spirituellement Roi, étends tes grandes mains sur ton Église sacrée, et sur ton peuple saint toujours tien !