Tu l’as entendu, ô Vierge, tu vas concevoir et enfanter un fils, non d’un homme – tu l’as entendu – mais de l’Esprit Saint (Lc 1, 31-35). L’Ange attend ta réponse : il est temps qu’il retourne à celui qui l’a envoyé. Nous aussi, nous attendons, ô Dame : accablés de misère par une sentence de condamnation, nous attendons une parole de compassion. Voici que t’est offert le prix de notre salut. Si tu consens, aussitôt nous serons libres. Dans la Parole éternelle de Dieu, tous nous avons été créés ; et nous mourons. Dans ta brève réponse, nous serons recréés, pour être rappelés à la vie.
Ta réponse, ô douce Vierge, Adam tout en larmes l’implore, exilé qu’il est du paradis avec sa pauvre descendance. Ta réponse, Abraham l’implore, David l’implore, tous ils la réclament instamment, les saints pères ; ils sont tes ancêtres et ils habitent, eux aussi, au pays de l’ombre de la mort. Ta réponse, le monde entier l’attend, prosterné à tes genoux. Et ce n’est pas sans raison, puisque de ta parole dépend la consolation des malheureux, le rachat des captifs, la délivrance des condamnés, en un mot le salut de tous les fils d’Adam, qui sont toute ta race.
Ô Vierge, donne ta réponse, vite ! Ô Dame, réponds cette parole que la terre, que les enfers, que les cieux même attendent. Vois : le Roi et Seigneur de l’univers lui aussi, qui a tellement désiré ta beauté (Ps 44, 12), désire avec non moins d’ardeur le oui de ta réponse ; à ton consentement il a voulu suspendre le salut du monde. Et si tu lui as plu par ton silence, tu lui plairas davantage à présent par une parole. Lui-même du ciel t’interpelle : Ô la plus belle des femmes, fais-moi entendre ta voix (Ct 1, 8 ; 2, 14).
[…] Allons, réponds vite à l’Ange, ou plutôt, au Seigneur par l’intermédiaire de l’Ange. Réponds une parole, et accueille la Parole. Prononce ta propre parole, et conçois la Parole de Dieu. Émets une parole passagère, et étreins la Parole éternelle.
Pourquoi tarder ? Pourquoi trembler ? Crois, parle et accueille. Que ton humilité se revête d’audace, ta réserve d’assurance. Certes, il ne convient pas en cet instant que la simplicité de ton cœur virginal oublie la prudence ; mais en cette circonstance unique, Vierge prudente, ne va point craindre la présomption. Si ta réserve dans le silence fut agréable à Dieu, plus nécessaire est maintenant l’engagement de ta parole. Heureuse Vierge, ouvre ton cœur à la foi, ouvre tes lèvres au consentement, ouvre ton sein au Créateur Voici que le Désiré de toutes les nations se tient dehors et frappe à ta porte. Oh ! si pendant que tu tardes, il allait passer outre, t’obligeant à chercher de nouveau dans les larmes celui que ton cœur aime ! Lève-toi, cours, ouvre : lève-toi par la foi, cours par la ferveur, ouvre par l’expression de ta réponse (Ap 3, 20 ; Ct 3, 1- 4 ; 5, 2-6).
Voici, dit-elle, la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole (Lc 1, 38).