Tous les mystères que nous célébrons dans la liturgie procèdent et convergent vers le mystère de l’Incarnation rédemptrice. C’est donc à la lumière de la victoire de Jésus ressuscité sur le péché et sur la mort, qu’il nous faut contempler la nativité de celle qui fut sa mère selon la chair.
La nativité de Marie est pour nous cause de joie et d’allégresse, parce qu’elle nous annonce une autre naissance : celle de l’Homme nouveau, qui au matin de Pâques surgit des entrailles de la mort et des enfers, pour s’élever dans la gloire de la vie divine triomphante. Jésus ressuscité est « le premier-né d’entre les morts », en qui « toute chose trouve son accomplissement total », car « par lui et en lui Dieu se réconciliait toute chose, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de la croix » (Col 1, 19-20). Au matin de Pâques, l’humanité du Verbe incarné est introduite au cœur même de la divinité. La transfiguration annonçait déjà cette glorification de la nature humaine du Christ qui s’accomplit pleinement et définitivement dans la résurrection. Cette nouvelle condition ontologique de la nature créée est le fruit d’une initiative de Dieu qui surélève la créature au-dessus de sa condition, pour la rendre participante de sa divinité (cf. 2 P 1, 4). Cette nouveauté est à ce point radicale qu’elle peut à juste titre être comparée à une nouvelle naissance. « Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair n’est que chair ; ce qui est né de l’Esprit est Esprit » (Jn 3, 5-6).
Cette naissance à la vie divine de notre humanité n’est possible que parce que le Verbe de Dieu a voulu prendre chair de notre chair afin d’unir en sa Personne, la nature divine et la nature humaine. C’est sur l’horizon de ce dessein de salut, conçu « dès avant la création du monde » (Ep 1, 4), et qui se réalise dans le Mystère de l’Incarnation rédemptrice, que se profile la mission unique de la Vierge Marie.
Pour Duns Scott (1265-1308) – le « Docteur subtil » nommé plus tard le « Docteur de l’Immaculée » – Marie a été voulue dans le même et unique décret par lequel Dieu décidait d’envoyer son Fils comme Sauveur du monde. C’est également en vue de sa maternité divine que la Vierge a bénéficié de la forme la plus parfaite de la rédemption, puisqu’elle n’a pas été délivrée du péché contracté, mais préservée de tout péché personnel et exemptée des conséquences du péché originel, « par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus Christ, Sauveur du genre humain » (Pie IX, Lettre encyclique Ineffabilis Deus, 8 décembre 1854).
Nous fêtons donc solennellement en ce jour la naissance de la Vierge immaculée, dont quelques années plus tard, « la chair du Christ, sainte, sans tache et innocente prendra origine » (S. Pie X, Lettre encyclique Ad diem illum, 2 février 1904). Si « Dieu a pu nous faire renaître, non pas d’une semence périssable, mais d’une semence impérissable : sa Parole vivante qui demeure » (1P 1, 23), c’est parce que son Verbe a trouvé dans le sein de Marie une terre virginale digne de lui, dans laquelle il a pu prendre corps. Par « l’action de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20), « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1, 14).
Paraphrasant Jean-Baptiste, Marie peut dire : « Lui qui est né de moi, il a pris place devant moi, car avant moi il était » (Jn 1, 15). Avant nous et bien plus que nous, la Vierge immaculée « a eu part à sa plénitude, elle a reçu grâce sur grâce », car « la grâce et la vérité sont venues par son Fils Jésus Christ » (Jn 1, 17). C’est pourquoi toute l’Église t’exprime en ce jour sa reconnaissance, Vierge Mère de Dieu et Mère de l’Homme nouveau, en qui tous nous renaissons à la vie divine.
Ta Nativité Ô Vierge Mère de Dieu annonce la joie à tout l’univers. De toi resplendit le soleil de justice, le Christ notre Dieu. Effaçant la malédiction, il apporte la bénédiction, et confondant la mort, il nous donne la vie éternelle. Intercède pour nous, Sainte Mère de Dieu, et obtiens-nous de ton Fils la grâce du salut.