1. Nous avons déjà consacré une série de réflexions à la signification des paroles que le Christ a prononcées dans le Discours sur la Montagne où il exhorte à la pureté du cœur, en attirant même l’attention sur le « regard concupiscent ». Nous ne pouvons oublier ces paroles même lorsqu’il s’agit du vaste domaine de la culture artistique, surtout celle qui a un caractère visuel et un caractère de spectacle, comme lorsqu’il s’agit du domaine de la culture « de masse » – si significative pour notre temps – qui est liée à l’usage des techniques de vulgarisation de la communication audiovisuelle. Nous avons dit dernièrement que le domaine de l’activité humaine mentionnée ci-dessus se trouve parfois accusée de « pornovision » et que la littérature se trouve également accusée de « pornographie ». Ces jugements sont exprimés lorsqu’on dépasse la limite de la honte ou de la sensibilité personnelle par rapport à ce qui se rattache au corps humain, à sa nudité, lorsque le droit à l’intimité du corps dans sa masculinité ou dans sa féminité se trouve violé dans l’œuvre artistique par les techniques de production audiovisuelles et – en dernière analyse – lorsque se trouve violée cette intime et constante destination au don et au don réciproque qui est inscrite dans cette féminité et dans cette masculinité à travers toute la structure de l’être-homme. Cette profonde inscription, cette empreinte même, décide de la signification sponsale du corps, c’est-à-dire de l’appel fondamental qu’elle reçoit à former une « communion de personnes » et à y participer.
2. Il est évident que, dans les œuvres d’art ou dans les produits de la reproduction artistique audiovisuelle, cette constante destination au don, c’est-à-dire cette profonde inscription de la signification du corps humain, ne peut être violée que dans l’ordre intentionnel de la reproduction et de la représentation. Comme il a été déjà dit précédemment, il s’agit en effet du corps humain comme modèle ou thème. Cependant, si le sens de la pudeur et la sensibilité personnelle se trouvent offensés dans ces cas, c’est à cause de leur transfert dans la dimension de la « communication sociale », donc à cause du fait que ce qui, dans le juste sentiment de l’homme, appartient et doit appartenir strictement au rapport interpersonnel, ce qui est lié – comme on l’a déjà relevé auparavant – à la « communion même des personnes » et qui, dans ce domaine, appartient à la vérité intérieure de l’homme et donc aussi à la vérité intégrale sur l’homme, devient, pour ainsi dire, une propriété publique.
Sur ce point, il n’est pas possible d’être d’accord avec les représentants de ce que l’on appelle le naturalisme qui réclament le droit à « tout ce qui est humain » dans les œuvres d’art et dans les produits de la reproduction artistique, en affirmant agir de cette manière au nom de la vérité réaliste sur l’homme. C’est précisément cette vérité sur l’homme – la vérité entière sur l’homme – qui exige de prendre en considération aussi bien le sens de l’intimité du corps que la cohérence du don lié à la masculinité et à la féminité du corps lui-même dans lequel se reflète le mystère de l’homme et précisément le mystère de la structure intérieure de la personne. Cette vérité sur l’homme doit être prise en considération même dans l’ordre artistique si nous voulons parler de plein réalisme.
3. Dans ce cas, on constate donc que la régularité propre de la « communion des personnes » concorde profondément avec le domaine vaste et différencié de la « communication ». Le corps humain dans sa nudité – comme nous l’avons affirmé dans les analyses précédentes où nous nous sommes référés à Gn 2, 25 – compris comme manifestation et comme don de la personne ou comme signe de confiance et de don à l’autre personne, consciente du don, choisie et décidée à y répondre de manière tout aussi personnelle, devient la source d’une « communication » interpersonnelle toute spéciale. Comme il a déjà été dit, c’est une communication particulière dans l’humanité elle-même. Cette communication interpersonnelle pénètre profondément dans le système de la communion (communio personarum), croît en même temps à partir de lui et se développe correctement dans son cadre. Précisément en raison de la grande valeur du corps dans ce système de « communion » interpersonnelle, le fait de faire du corps dans sa nudité – qui exprime précisément « l’élément » du don – le thème et l’objet de l’œuvre d’art ou de la reproduction audiovisuelle est non seulement un problème de nature esthétique, mais aussi et en même temps de nature éthique. En effet, cet « élément du don » se trouve, pour ainsi dire, renvoyé à la dimension d’une réception inconnue et d’une réponse imprévue et, avec cela, il se trouve d’une certaine manière intentionnellement « menacé » dans le sens où il peut devenir un objet anonyme d’ « appropriation », un objet d’abus. C’est précisément pour cela que la vérité intégrale sur l’homme constitue dans ce cas la base de la norme selon laquelle se modèle le bien ou le mal des actions déterminées, des comportements, des coutumes et des situations. La vérité sur l’homme, sur ce qui en lui – précisément en raison de son corps et de son sexe (féminité – masculinité) – est particulièrement personnel et intérieur, crée ici des limites précises qu’il n’est pas permis de franchir.
4. Ces limites doivent être reconnues et observées par l’artiste qui fait du corps humain un objet, un modèle ou un thème de l’œuvre d’art ou de la reproduction audiovisuelle. Ni lui ni les autres responsables dans ce domaine n’ont le droit d’exiger, de proposer ou de faire que d’autres personnes, invitées, exhortées ou admises à voir, à contempler l’image, violent ces limites, avec eux ou à cause d’eux. Il s’agit de l’image où ce qui constitue en lui-même le contenu et la valeur profondément personnels, ce qui appartient à l’ordre du don et du don mutuel de la personne à la personne, se trouve, comme thème, arraché de son substrat authentique pour devenir, par l’intermédiaire de la « communication sociale », un objet et, en outre, dans un certain sens, un objet anonyme.
5. Tout le problème de la « pornovision » et de la « pornographie », tel qu’il résulte de ce qui a été dit ci- dessus, n’est pas un effet de la mentalité puritaine ni d’un moralisme étroit et n’est pas non plus le produit d’une pensée chargée de manichéisme. Il s’agit là du domaine très important et fondamental des valeurs auxquelles l’homme ne peut demeurer indifférent en raison de la dignité de l’humanité, du caractère personnel et de l’éloquence du corps humain. A travers les œuvres d’art et l’activité des moyens audiovisuels, tous ces contenus et ces valeurs peuvent être modelés et approfondis, mais ils peuvent être aussi déformés et détruits « dans le cœur » de l’homme. Comme on le voit, nous nous trouvons continuellement dans l’orbite des paroles que le Christ a prononcées dans le Discours sur la Montagne. Aussi les problèmes que nous sommes en train de traiter doivent-ils être examinés à la lumière de ces paroles qui considèrent le « regard » né de la concupiscence comme un « adultère commis dans le cœur ».
Il semble donc que la réflexion sur ces problèmes, importants pour « créer un climat favorable à l’éducation de la chasteté », constitue un complément indispensable à toutes les analyses précédentes que nous avons consacrées à ce sujet au cours des nombreuses rencontres du mercredi.