La pureté est l’expression de la vie selon l’Esprit
1. Au cours de nos dernières catéchèses du mercredi, nous avons analysé deux passages tirés de la première lettre aux Théssaloniciens (1 Th 4, 3-5) et de la première lettre aux Corinthiens (1 Co 12, 18-25). Nous avions pour but de montrer ce qui nous semble essentiel dans la doctrine paulienne sur la pureté, comprise dans le sens moral c’est à dire comme vertu. Si dans le texte aux Thessaloniciens nous pouvons voir que la pureté réside dans la tempérance, l’accent est également mis dans ce texte – comme dans la lettre aux Corinthiens – sur le respect. Par un tel respect envers le corps – ajoutons que, dans la lettre aux Corinthiens, le respect est vu précisément en relation avec la modestie – la pureté en tant que vertu chrétienne est révélée dans les lettres de Paul comme un moyen efficace de détachement du fruit, dans le cœur humain, de la convoitise dans la chair.
S’abstenir de l’inchasteté implique de contrôler son corps dans la sainteté et l’honneur. Cette abstention nous permet de déduire que, dans la doctrine de l’apôtre, la pureté est une capacité centrée sur la dignité du corps. Plus précisément, sur la dignité de la personne dans sa relation avec son propre corps, à sa féminité ou sa masculinité manifestée dans ce corps. Comprise comme une capacité, la pureté est précisément l’expression et le fruit de la vie dans l’Esprit Saint, dans tout le sens du terme. C’est une capacité nouvelle de l’être humain, dans laquelle l’Esprit Saint porte du fruit.
Ces deux dimensions de la pureté – la dimension morale, ou vertu, et la dimension charismatique, le don du Saint Esprit au sens propre – sont présentes et intimement liées dans le message de Saint-Paul. Ceci est particulièrement appuyé dans la première lettre de l’apôtre aux Corinthiens, dans laquelle il appelle le corps « le temple [c’est à dire le sanctuaire et le lieu du séjour] de l’Esprit Saint ».
2. « Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l’Esprit Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes »- dit Paul aux Corinthiens (1 Co 6, 19), après les avoir instruits avec grande sévérité des exigences morales de la pureté.
Fuyez la débauche. Tous les péchés que l’homme peut commettre sont extérieurs à son corps ; mais la débauche est un péché contre le corps lui-même (1 Co 6, 18).
La caractéristique particulière du péché que l’apôtre stigmatise réside dans le fait que ce péché, contrairement aux autres, est contre le corps (tandis que les autres péchés sont hors du corps). C’est ainsi que nous trouvons la signification exacte d’expressions comme « péché du corps » ou « péché de la chair » dans la terminologie paulinienne. Ces péchés sont précisément opposés à cette vertu par laquelle l’homme garde son corps dans la sainteté et l’honneur (cf. 1 Th 4, 3-5).
3. De tels péchés entraînent la profanation du corps : ils privent le corps de l’homme ou de la femme de l’honneur qui lui dû du fait de la dignité de sa personne. Cependant, l’apôtre va plus loin : selon lui, le péché contre le corps sont également une « profanation du temple ». A ses yeux, ce n’est pas seulement l’esprit humain, grâce à qui l’homme est un sujet personnel, qui fait la dignité du corps huamin. Mais c’est la réalité surnaturelle de l’Esprit Saint qui habite et demeure dans l’homme – dans son âme et dans son corps, comme le fruit de la rédemption opérée par le Christ- qui fait cette dignité.
Il s’ensuit que le corps de l’homme n’est pas seulement le sien. Il mérite le respect, dont la manifestation dans le comportement humain entre hommes et femmes est la vertu de pureté. Ce respect ne trouve pas son origine uniquement dans le fait que ce soit le corps d’une personne. Quand l’apôtre écrit : « Votre corps est le temple de l’Esprit Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu » (1 Co 16, 9), il veut indiquer une nouvelle source de dignité du corps humain, précisément l’Esprit Saint, qui est également la source du devoir moral qui découle de cette dignité.
4. La réalité de la rédemption, qui est également rédemption du corps, est cette source. Pour Paul, ce mystère de la foi est une réalité concrète et personnelle. Par la rédemption, chaque homme s’est pour ainsi dire reçu de nouveau, et a reçu de nouveau son corps, de Dieu. Le Christ a imprimé dans le corps humain – dans le corps de chaque homme et de chaque femme – une nouvelle dignité puisque, en Lui, le corps humain a été admis, avec l’âme, à l’union avec la Personne du Fils-Verbe. Avec cette dignité nouvelle, par la rédemption du corps, une nouvelle obligation a vu le jour. Paul écrit peu à ce propos, mais d’une manière percutante : « Le Seigneur a payé le prix de votre rachat » (1 Co 6, 20). Le fruit de la rédemption est l’Esprit Saint, qui demeure dans l’homme et dans le temple de son corps. Dans ce don, qui sanctifie chaque homme, le chrétien se reçoit de nouveau comme don de Dieu. Ce nouveau don, double, est alliance : l’apôtre y fait référence lorsqu’il écrit aux croyants, conscients du Don, pour les convaincre de ne pas commettre l’inchasteté. Nul ne doit « pécher contre son propre corps » (1 Co 6, 18). Il écrit ainsi : « Le corps est, non pas pour la débauche, mais pour le Seigneur Jésus, et le Seigneur est pour le corps » (1 Co 6, 13).
Il est difficile d’exprimer plus concisément ce que le mystère de l’Incarnation apporte à chaque croyant. Le fait que le corps humain devienne en Jésus Christ le corps du Dieu-Homme apporte à chaque homme une nouvelle élevation surnaturelle, que chaque chrétien doit prendre en compte dans le comportement qu’il adopte envers son propre corps et, bien sûr, envers le corps de l’autre : l’homme envers la femme et la femme envers l’homme. La rédemption du corps implique l’institution, dans le Christ et par le Christ, d’une nouvelle dimension de sainteté du corps. Paul fait référence à cette sainteté dans le lettre aux Thessaloniciens lorsqu’il écrit à chacun de veiller « à [se] comporter chacun avec votre femme dans un esprit de sainteté et de respect » (1 Th 4, 3-5).
5. Dans le sixième chapitre de la Première Lettre aux Corinthiens, Paul précise la vérité de la sainteté du corps. Il stigmatise l’inchasteté, c’est à dire le péché contre la sainteté du corps, le péché d’impureté, avec des mots très forts :
Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Vais-je donc prendre les membres du Christ pour en faire les membres d’une femme de débauche ? Absolument pas. Ne le savez-vous pas ? Quand on s’unit à la débauchée, cela ne fait qu’un seul corps. Car il est dit : Tous deux ne feront plus qu’un. Quand on s’unit au Seigneur, cela ne fait qu’un seul esprit ». (1 Co 6, 15-17).
Selon l’enseignement paulinien, la pureté est un aspect de la vie dans l’Esprit. Cela signifie que le mystère de la rédemption du corps, qui fait partie du mystère du Christ commencé dans l’Incarnation et déjà vrai pour chaque homme par l’incarnation, porte du fruit.
Ce mystère porte également du fruit dans la pureté, comprise comme une exigence fondé sur l’éthique. Le fait que nous ayant été « rachetés avec un grand prix » (1 Co 6, 20) au prix de la rédemption du Christ, crée une exigence, c’est à dire, le devoir de contrôler son corps dans la sainteté et le respect. La conscience de la rédemption du corps agit dans la volonté humaine en faveur de l’abstinence de l’inchasteté. Elle agit pour permettre à l’homme d’acquérir une réelle capacité appelée la vertu de pureté.
Ce que nous pouvons voir, dans les mots de la Première Lettre aux Corinthiens (1 Co 6, 15-17), dans l’enseignement de Paul sur la vertu chrétienne de pureté comme mise en œuvre de la vie dans l’Esprit, a une profondeur particulière et porte la puissance du réalisme surnaturel de la foi. Nous devrons revenir sur ce sujet plus d’une fois.