Qu’ils cessent donc de se plaindre, ceux qui s’élevant par leurs murmures impies contre la dispensation divine, accusent le délai de la naissance du Sauveur, comme si les âges précédents n’avaient pas eu part à ce qui s’est fait dans le dernier âge du monde. L’incarnation du Verbe, soit future, soit réalisée, a produit son effet, et le sacrement du salut des hommes n’a manqué à aucune époque de l’antiquité. Ce que les Apôtres ont prêché, les Prophètes l’avaient annoncé [1], et ce mystère ne s’est pas accompli trop tard, puisqu’il avait toujours été cru. Mais la sagesse et la bonté de Dieu, par ce salutaire retard, nous ont rendus plus capables de répondre à son appel : car ce qui avait été annoncé par tant de signes, tant de voix et tant de mystères au cours de tant de siècles, ne pouvait plus, en ces jours de l’Évangile, demeurer ambigu ; et la naissance du Sauveur, qui devait surpasser tous les miracles et excéder toute mesure de l’intelligence humaine, engendrerait en nous une foi d’autant plus constante qu’elle avait été précédée par une prédication plus ancienne et plus souvent renouvelée.
Ce n’est donc point par une décision nouvelle ni par une tardive miséricorde que Dieu a pourvu aux choses humaines. Mais depuis l’origine du monde, il a établi un seul et même moyen de salut universel. Car la grâce divine, par laquelle a toujours été justifiée la totalité des saints, s’est accrue à la naissance du Christ, mais elle n’y a pas commencé ; et ce mystère de la grande miséricorde, dont le monde est aujourd’hui rempli, fut également si puissant dans les figures, que ceux qui ont cru en sa promesse n’y ont pas moins participé que ceux qui plus tard en ont reçu le don.
Note
[1] Pour ce qui est de la continuité de la transmission de l’annonce de l’Évangile, nous pourrons comparer les similitudes de pensées de saint Léon le Grand et de saint Irénée de Lyon dans : Adversus Hæreses III La théologie de la Tradition et sa relation à l’Écriture chez St Irénée de Lyon.