L’importance de la succession apostolique pour la sanctification et l’unité du peuple de Dieu
1. Après que notre commission ait exprimé notre conception du mystère de l’Église comme communion de foi et de sacrements, manifestée de nation à chacun des trois degrés de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat. Nous nous appuyons sur la certitude que dans nos Églises la succession apostolique est fondamentale pour la sanctification et l’unité du peuple de Dieu.
2. Nos Églises affirment que le ministère actualise dans l’Église celui du Christ lui-même. Dans les écrits du Nouveau Testament le Christ est appelé apôtre, prophète, serviteur, diakonos, docteur, prêtre, épiscopos. Notre commune tradition reconnait le lien étroit qui existe entre l’œuvre du Christ et celle de l’Esprit Saint.
3. Cette compréhension interdit de voir dans l’économie le Christ isolément de l’Esprit. La présence actuelle du Christ dans son Église est aussi de nature eschatologique, puisque l’Esprit constitue les arzhes de la réalisation parfaite du dessein de Dieu sur le monde.
4. Dans cette perspective l’Église apparaît comme la communauté de la Nouvelle Alliance que la Christ par l’Esprit rassemble autour de lui et édifie comme son Corps. Par l’Église, le Christ est présent dans l’histoire ; par elle il réalise le salut du monde.
5. Puisque le Christ est présent dans l’Église, c’est son ministère qui s’accomplit en elle. Le ministère dans l’Église ne vient donc pas se substituer à celui du Christ. Il a sa source en lui. Puisque l’Esprit envoyé par le Christ vivifie l’Église, le ministère n’est fructueux que par la grâce du Saint-Esprit. Il embrasse en fait une multitude de fonctions qu’exercent les membres de la communauté selon la diversité des dons qu’ils reçoivent comme membres du Corps du Christ. Certain d’eux reçoivent par l’ordination et exercent la fonction propre de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat. Il n’y a pas d’Église sans les ministéres suscités par l’Esprit ; il n’y a pas de ministère sans l’Église, c’est-à-dire en dehors et au-dessus de la communauté. Les ministères ne trouvent leur sens et raison d’être que dans celle-ci.
I. Le Christ et l’Esprit Saint
6. L’Esprit qui éternellement procède du Père et repose sur le Fils, a préparé l’événement du Christ et l’a réalisé. L’incarnation du Fils de Dieu, sa mort et sa Résurrection ont été accomplies en effet selon la volonté du Père, dans l’Esprit Saint. Au baptême, le Père par la manifestation de l’Esprit inaugure la mission du Fils. Cet Esprit est présent à son ministère : annoncer la Bonne Nouvelle du salut, manifester la venue du Royaume, témoigner du Père. C’est également dans le même Esprit que, Prêtre unique de l’Alliance Nouvelle, le Christ offre le sacrifice de sa propre vie et c’est par l’Esprit qu’il est glorifié.
7. Depuis la Pentecôte, en l’Église qui est son Corps, c’est uniquement dans l’Esprit que ceux qui sont chargés du ministère peuvent accomplir les façon éminente dans la célébration eucharistique, nous abordons maintenant la question capitale de la place et du rôle du ministère ordonné dans la structure sacramentelle de l’Église. Nous traiterons donc du sacrement de l’ordre ainsi que de l’ordiactes qui conduisent le Corps à sa pleine stature. Dans le ministère du Christ comme dans celui de l’Église, c’est l’unique et même Esprit qui est à l’œuvre et qui agira avec nous tous les jours de notre vie.
8. Dans l’Église le ministère doit être vécu dans la sainteté, en vue de la sanctification du peuple de Dieu. Pour que toute l’Église et en particulier ses ministres ordonnés puissent contribuer à « mettre les saints en état d’accomplir le ministére pour bâtir le Corps du Christ », les différents services sont rendus possibles par de multiples charismes (Eph 4, 11-12 ; cf. 1 Cor 12, 4-28 ; Rom 12, 48).
9. Telle est la nouveauté du ministére de l’Église : le Christ, serviteur de Dieu pour l’humanité, est présent par l’Esprit, dans l’Église, son Corps, dont il ne peut être séparé. Car il est, lui, « le premier d’une multitude de frères ». Selon ce mode sacramentel il faut comprendre l’œuvre du Christ dans l’histoire depuis la Pentecôte jusqu’à la Parousie. Le ministère de l’Église en tant que tel est sacramentel.
10. Pour cette raison la présence du Christ dans l’Église est aussi eschatologique. Là où l’Esprit agit, en effet, il révèle au monde la présence du Royaume dans la création. Là s’enracine le ministère ecclésial.
11. Ce ministère ecclésial est de nature sacramentelle. Par le mot sacramentel on entend souligner ici que tout ministère est lié à la réalité eschatologique du Royaume. La grâce du Saint-Esprit, comme arrhes du monde à venir, surgit de la mort et de la résurrection du Christ et est offerte, de manière sacramentelle, au moyen de réalités sensibles. Le mot sacramentel montre également que le ministre est un membre de la communauté que le Saint-Esprit investit de fonctions et de pouvoir propres pour rassembler celle-ci et pour présider au nom du Christ aux actes dans lesquels elle célèbre les mystères du salut. Cette vision de la sacramentalité du ministère s’enracine dans le fait que le Christ est rendu présent dans l’Église par l’Esprit que lui-même à envoyé à l’Église.
12. Cette nature du ministère ecclésial se manifeste en outre dans le fait que tous les ministères ont pour fin de servir le monde pour l’amener à son véritable but, le Royaume de Dieu. C’est en constituant la communauté eschatologique comme Corps du Christ que le ministère de l’Église répond aux besoins du monde.
13. La communauté rassemblée dans l’Esprit autour du Christ exerçant son ministère, a son fondement dans le Christ, lui-même pierre angulaire, et dans la communauté des Douze. Le caractère apostolique des Églises et de leur ministère se comprend à cette lumière.
14. D’une part, les Douze sont les témoins de la vie historique de Jésus, de son ministère et de sa Résurrection. D’autre part, en tant qu’associés au Christ glorifié, ils relient chaque communauté à la communauté des derniers temps. Le ministère ecclésial sera donc appelé apostolique parce qu’il s’exerce dans la continuité et la fidélité avec ce qui est donné par le Christ et transmis dans l’histoire par les apôtres. Mais il sera aussi apostolique parce que l’assemblée eucharistique que le ministre préside est une anticipation de la communauté finale avec le Christ. Par cette double relation, le ministère de l’Église demeure constamment relié à celui des Douze et, par là, à celui du Christ.
II. Le sacerdote dans l’enconomie du salut
15. Toute l’économie divine culmine dans l’incarnation du Fils, dans son enseignement, sa passion, sa glorieuse résurrection, son ascension et sa seconde parousie. Le Christ agit dans l’Esprit Saint. Ainsi est fondé, une fois pour toutes, le rétablissement de la communion de l’homme avec Dieu.
16. Selon l’épître aux Hébreux, le Christ par sa mort est devenu l’unique médiateur de l’Alliance nouvelle (Héb 9,15) et, ayant pénétré une fois pour toutes dans le sanctuaire avec son propre sang (Héb 9,12), il est à jamais dans les cieux l’unique et éternel grand Prêtre de cette nouvelle Alliance, « afin de paraìitre maintenant pour nous devant la face de Dieu » (Héb 9,24) pour présenter son sacrifie (Héb 10,12).
17. Invisiblement présent dans l’Église par le Saint-Esprit, qu’il a envoyé, le Christ en est donc l’unique grand Prêtre. En lui, prêtre et victime, tous ensemble, pasteurs et fidèles, forment « une race élue, un royaume, un sacerdoce, une nation sainte, un peuple acquis » (1 P 2, 9 ; cf. Apoc 5, 10).
18. Tous les membres de l’Église, en tant que membres du Corps du Christ, participent à son sacerdoce, appelés à devenir « victime vivante et sainte, offerte à Dieu » (Rom 12,1 ; cf. 1 P 2,5). Tête de l’Église, le Christ a établi pour le rendre présent les apôtres choisis parmi le peuple, qu’il a munis d’autorité et de pouvoir en les fortifiant par la grâce du Saint-Esprit. L’œuvre et la mission des apôtres sont continuées dans l’Église par les évêques avec les prêtres et les diacres qui les assistent. Les évêques sont établis par l’ordination successeurs des apôtres et dirigent le peuple sur les voies du salut.
19. Autour du Seigneur glorifié, les Douze témoignent de la présence du Royaume déjà inauguré et qui sera manifesté pleinement lors de la seconde venue. Le Christ leur a promis, en effet, de siéger sur douze trônes pour juger avec le Fils de l’homme les douze tribus d’Israël (Mt 19,28).
20. En tant que témoins historiques de ce que le Seigneur a accompli, le ministère des Douze est unique et irremplaçable. Ce qu’ils ont fondé, l’a donc été une fois pour toutes et personne à l’avenir ne pourra bâtir sinon sur le fondement ainsi posé (Eph 2,20 ; Apoc 21,14).
21. Mais les apôtres demeurent en même temps les fondations de l’Église dans sa durée à travers les siècles, de manière que la mission qu’ils ont reçue du Seigneur reste toujours visible et agissante, dans l’attente du retour du Seigneur (cf. Mt 18,18 et déjà 16,19).
22. C’est pourquoi l’Église, dans laquelle opère la grâce de Dieu, est par elle-même le sacrement par excellence, la manifestation anticipée des réalités dernières, l’avant-goût du Royaume de Dieu, de la gloire de Dieu et Père, de l’eschaton dans l’histoire.
23. Au sein de ce sacrement qu’est l’Église, trouve sa place le sacerdoce conféré par l’ordination, donné pour cette Église. Il constitue, en effet, dans l’Église, un-ministère (leitourgêma) charismatique par excellence. Il est au service de la vie et de l’existence continue de celle-ci par l’Esprit Saint, c’est-à-dire de l’unité dans le Christ de tous les fidèles vivants et morts, des martyrs, des saints, des justes de l’Ancien Testament.
III. Le ministere de l’évêque, du presbytère et du diacre
24. Dans la célébration de l’eucharistie, l’assemblée entière, chacun à son rang, est « liturge » de la koinônia, et elle ne l’est que par l’Esprit. « Il y a diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur (…). A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien de tous » (1 Cor 12,5,7). Les divers ministères convergent dans la synaxe eucharistique au cours de laquelle ils sont conférés. Cependant, leur diversité est ordonnée à l’ensemble de la vie de la communauté : fidélité à la Parole de Dieu, permanence dans la concorde et la charité fraternelle, témoignage auprès de « ceux du dehors », croissance dans la sainteté, assiduité à la prière, souci des plus pauvres.
25. Culminant dans la célébration de l’eucharistie où s’achève l’initiation chrétienne par laquelle tous deviennent un seul Corps du Christ, le ministère de l’évêque est, au sein de l’ensemble des charismes et des ministères que l’Esprit suscite, un ministère de présidence pour le rassemblement dans l’unité. En effet, porteuse de la variété des dons de l’Esprit, l’Église locale a en son centre l’évêque dont la communion réalise l’unité de tous et exprime la plénitude de l’Église.
26. Cette unité de l’Église locale est inséparable de la communion universelle des Églises. Il est essentiel à une Église d’être en communion avec les autres. Cette communion s’exprime et se réalise dans et par le collège épiscopal. Par son ordination, l’évêque est constitué ministre d’une Église qu’il représente dans la communion universelle.
27. L’ordination épiscopale, qui, selon les canons, est conférée au moins par deux ou trois évêques, exprime la communion des Églises avec celle de l’élu : elle agrège celui-ci à la communion des évêques. Dans l’ordination les évêques exercent leur fonction de témoins de la communion dans la foi apostolique et la vie sacramentelle, non seulement à l’égard de celui qu’ils ordonnent, mais à l’égard aussi de l’Église dont il sera l’évêque. Ce qui est fondamental pour l’incorporation du nouvel élu dans la communion épiscopale, c’est qu’elle s’accomplit par le Seigneur glorifié dans la puissance de l’Esprit Saint au moment de l’imposition des mains.
Nous considérons ici seulement l’ordination sous son aspect sacramentel. Les problèmes soulevés par le mode de l’élection seront étudiés plus tard.
28. L’ordination épiscopale confère à celui qui la reçoit par le don de l’Esprit la plénitude du sacerdoce. Lors de l’ordination, la concélébration des évêques exprime l’unité de l’Église et son identité avec la communauté apostolique. Ils imposent les mains et invoquent l’Esprit Saint, sur celui qui sera ordonné, comme seuls habilités à lui conférer le ministère épiscopal. Ils le font, cependant, au sein de la prière de la communauté.
29. Par son ordination l’évêque reçoit tous les pouvoirs nécessaires à l’accomplissement de sa fonction. Les conditions canoniques de l’exercice de sa fonction et l’installation de l’évêque dans l’Église locale seront discutées ultérieurement par la commission.
30. Le don conféré consacre, de manière définitive, au service de l’Église, celui qui le reçoit. C’est un point de la doctrine traditionnelle en Orient et en Occident que confirme le fait que, en cas de sanctions disciplinaires contre un évêque, suivies de la réintégration canonique, on ne réordonne pas. Sur ce sujet comme sur tous les points essentiels concernant l’ordination, nos Églises ont une doctrine et une pratique communes, même si sur certaines exigences canoniques et disciplinaires, telles que le célibat, les usages peuvent être différents pour des raisons pastorales et spirituelles.
31. Mais le ministère ecclésial s’exerce à travers une diversité de fonctions. Celles-ci s’accomplissent dans l’interdépendance ; aucune ne saurait en remplacer une autre. Cela vaut spécialement des ministères fondamentaux de l’évêque, du presbytre et du diacre, et des fonction des laïcs, qui, tous ensemble, structurent la communauté eucharistique
32. Dans toute l’histoire de nos Églises les femmes ont joué un rôle fondamental dont témoignent, non seulement la très Sainte Mère de Dieu, les saintes femmes mentionnées dans le Nouveau Testament et les nombreuses saintes que nous vénérons, mais aussi tant d’autres femmes qui jusqu’à aujourd’hui ont servi l’Église de multiples manières. Leurs charismes propres sont très importants dans l’édification du Corps du Christ. Mais nos Églises restent fidèles à la tradition historique et théologique selon laquelle elles n’ordonnent au ministère sacerdotal que des hommes.
33. De même que les apôtres ont rassemblé les premières communautés en annonçant le Christ, en célébrant l’eucharistie, en conduisant les baptisés vers une communion croissante avec le Christ et entre eux, ainsi l’évêque, établi par le même Esprit, continue d’annoncer le même Évangile, de présider à la même eucharistie, de servir l’unité et la sanctification de la même communauté. Il est ainsi l’icône du Christ serviteur au milieu de ses frères.
34. Parce que c’est à l’Eucharistie que l’Église se manifeste en plénitude, c’est également dans la présidence de l’eucharistie que le rôle de l’évêque et du presbytre apparaît en pleine lumière.
35. En effet, dans la célébration eucharistique les croyants s’offrent avec le Christ comme sacerdoce royal. Ils le font grâce à l’acte du ministère rendant présent au milieu d’eux le Christ lui-même qui annonce la Parole, fait que le pain et la coupe deviennent par l’Esprit son Corps et son Sang, les incorporant à lui, leur donnant sa vie. De plus, la prière et l’offrande du peuple, incorporé au Christ, sont comme récapitulées dans la prière d’action de grâce de l’évêque et son offrande des dons.
36. L’eucharistie réalise ainsi l’unité de la communauté chrétienne. Elle manifeste aussi l’unité de toutes les Églises qui la célèbrent en vérité et, plus encore, l’unité à travers les siècles de toutes les Églises avec la communauté apostolique depuis les origines jusqu’à aujourd’hui. Dans l’Esprit, elle rejoint, au-delà de l’histoire, la grande assemblée des apôtres, des martyrs, des témoins de tous les temps réunis autour de l’Agneau. Ainsi, acte central du ministère épiscopal, elle rend déjà présent le monde à venir : l’Église rassemblée dans la communion s’offrant au Père, par le Fils dans l’Esprit Saint.
37. Celui qui préside ainsi à l’eucharistie a la responsabilité de garder la communion dans la fidélité à l’enseignement des apôtres et de la guider dans la vie nouvelle. Il est son serviteur et son pasteur. L’évêque est aussi le guide de toute la vie liturgique de son Église locale et, à son exemple, elle devient une communauté de prière. Il préside à sa louange et à son intercession, et lui-même prie sans cesse pour tous ceux que le Seigneur lui a confiés, se sachant responsable de chacun devant le tribunal de Dieu.
38. Il lui revient aussi de veiller à ce que soit donné à son peuple, par la prédication et la catéchèse, le contenu authentique de la Parole de Dieu livrée aux apôtres « une fois pour toutes ». Il est, en effet, le premier responsable de l’annonce de la Parole de Dieu dans son diocèse.
39. C’est aussi à lui qu’il incombe d’entraîner ce peuple vers l’annonce à tous les hommes du salut en Jésus Christ, et vers un témoignage qui incarne cette annonce. Il lui revient donc d’administrer son Église de telle façon qu’elle demeure toujours fidèle à sa vocation chrétienne et à la mission qui en découle. En tout cela, cependant, il demeure un membre de l’Église appelé à la sainteté et dépendant du ministère salvifique de cette Église, comme saint Augustin le rappelle à sa communauté : « pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien ». Lors de son ordination, l’évêque fait sienne la foi de l’Église entière en la confessant solennellement et devient ainsi père dans la mesure où il est devenu pleinement son fils par cette confession. Il est essentiel à l’évêque d’être le père de son peuple.
40. Comme successeurs des apôtres, les évêques sont responsables de la communion dans la foi apostolique et de la fidélité aux exigences d’une vie selon l’Évangile.
41. C’est dans la présidence de l’assemblée eucharistique que le rôle de l’évêque trouve son achèvement. Les presbytres forment le collège qui l’entoure lors de cette célébration. Ils exercent les responsabilités que l’évêque leur confie en célébrant les sacrements, en enseignant la Parole de Dieu et en gouvernant la communauté en communion profonde et continuelle avec lui. Le diacre, lui, est attaché au service de l’évêque et du prêtre et il sert de lien entre eux et l’assemblée des fidèles.
42. Le prêtre, ordonné par l’évêque et sous sa dépendance, est envoyé pour accomplir des tâches déterminées ; il est surtout envoyé à une communauté paroissiale pour en être le pasteur : il préside à l’eucharistie sur l’autel (consacré par l’évêque), il est ministre des sacrements pour la communauté, il annonce l’Évangile et catéchise, il a la charge de garder dans l’unité les charismes du peuple (laos) de Dieu ; il apparaît comme le ministre ordinaire de la communauté eucharistique locale, et le diocèse est alors une communion de communautés eucharistiques.
43. Le diaconat est exercé au service de l’évêque et du presbytre, dans la liturgie, l’évangélisation et la diaconie de la charité
IV. La succession apostolique
44. Le même et unique ministère du Christ et des apôtres demeure agissant dans l’histoire. Cette action est, par l’Esprit, la percée du « monde qui vient », dans la fidélité à ce que les apôtres ont transmis de ce que Jésus a fait et enseigné.
45. L’importance de cette succession vient encore de ce que la tradition apostolique concerne la communauté et non seulement un individu isolé, ordonné évêque. La succession apostolique se transmet à travers les Églises locales ( « dans chaque ville », selon l’expression d’Hégésippe ; « en raison de leur consanguinité de doctrine », selon Tertullien dans le De Praescriptione, 32, 6). Il s’agit d’une succession de personnes dans la communauté, car l’Una Sancta est communion d’Églises locales et non d’individus isolés. C’est dans ce mystère de la koinônia que l’épiscopat apparaît comme le foyer de la succession apostolique.
46. Selon ce que nous avons déjà dit dans le document de Munich, « la succession apostolique dit donc plus qu’une pure transmission de pouvoirs, Elle est succession dans une Église témoin de la foi apostolique, en communion avec les autres Églises témoins de la même foi apostolique. La « sedes » (la cathedra) joue un rôle capital dans l’insertion de l’évêque au cœur de l’apostolicité ecclésiale » (Document de Munich II, 4). Nous précisons que le terme « cathedra » est utilisé ici au sens de la présence de l’évêque dans chaque Église locale.
47. « D’autre part, une fois ordonné, l’évêque devient dans son Église le garant de l’apostolicité, celui qui représente au sein de la communion des Églises, son lien avec les autres Églises. C’est pourquoi, dans son Église, toute eucharistie ne peut se célébrer en vérité que présidée par lui ou par un presbytre en communion avec lui. Sa mention dans l’anaphore est essentielle » (id.).
48. « Le rattachement à la communion apostolique relie l’ensemble des évêques, assurant l’épiscopé des Églises locales, au collège des apôtres (id. III, 4). Les évêques sont ainsi enracines dans le « une fois pour toutes » du groupe apostolique par lequel le Saint-Esprit témoigne de la foi. En effet, comme fondement de l’Église, les Douze sont uniques. Pourtant il fallait que d’autres hommes rendent visible leur irremplaçable présence. De cette façon serait assuré le lien de chaque communauté tant avec la communauté des origines qu’avec la communauté eschatologique.
49. Par son ordination chaque évêque devient successeur des apôtres quelle que soit l’Église à laquelle il préside ou les prérogatives (presbeta)de cette Église parmi les autres Églises.
50. Incorporé dans le nombre de ceux auxquels a été confiée la responsabilité particulière pour le ministère du salut, et placé ainsi dans la succession des apôtres, l’évêque doit transmettre leur enseignement aussi bien que leur ressembler dans toute sa vie. Irénée de Lyon s’exprime ainsi : « C’est là où furent déposés les charismes de Dieu qu’il faut s’instruire de la vérité, c’est-à-dire auprès de ceux en qui se trouvent réunies la succession dans l’Église depuis les apôtres, l’intégrité inattaquable de la conduite et la pureté incorruptible de la parole » (Adv Haer. IV, 26, 5). Parmi les fonctions essentielles de l’évêque se trouve celle d’être dans son Église par l’Esprit témoin et garant de la foi et instrument qui la maintient dans la fidélité apostolique. La succession apostolique est également une succession dans les efforts et les souffrances des apôtres au service de l’Évangile et dans la défense du peuple confié à chaque évêque. Selon la parole de la première épître de saint Pierre, la succession apostolique est aussi une succession dans la présence de miséricorde et de compréhension, de défense des faibles, d’attention constante à ceux qui sont échus en partage, l’évêque devenant ainsi modèle du troupeau (cf. 1 P 5, 1-4 ; 2 Cor 4, 8-11 ; 1 Tm 4, 12, Tt 2, 7).
51. Il revient de plus au ministère épiscopal d’articuler et d’organiser la vie de l’Église avec ses services et ses charges. Il lui revient aussi de veiller au choix de ceux et celles qui auront à exercer des responsabilités dans son diocèse. La communion fraternelle veut que tous les membres, ministres ou laïcs, s’écoutent les uns les autres pour le bien du peuple de Dieu.
52. Au cours de son histoire, l’Église en Orient et en Occident a connu des formes diverses d’exercice de la communion entre les évêques : par les échanges épistolaires, par les visites d’une Église à l’autre, mais principalement par la vie synodale ou conciliaire. Dès les premiers siècles, une distinction et une hiérarchie s’est instaurée entre Églises de fondation plus ancienne et Églises de fondation plus récente, entre Églises mères et Églises filles, entre Églises des villes majeures et Églises plus périphériques. Cette hiérarchie ou taxis trouva bientôt son expression canonique formulée par les conciles, en particulier dans les canons qui furent reçus dans l’ensemble des Églises d’Orient et d’Occident. Ce sont en premier lieu les canons 6 et 7 du Ier Concile de Nicée (325), le canon 3 du Ier Concile de Constantinople (IIe Concile œcuménique, 381), le canon 28 de Chalcédoine (IVe Concile œcuménique, 451), comme aussi les canons 3, 4 et 5 de Sardique (343) et le premier canon du Concile de Sainte-Sophie (879-880). Même si ces canons n’ont pas toujours été interprétés de la même manière en Orient et en Occident, ils appartiennent au patrimoine de l’Église. Ils ont attribué une place et des prérogatives reconnues dans l’organisation de la vie synodale de l’Église aux évêques qui occupaient certains sièges métropolitains ou majeurs. Ainsi s’est formée la pentarchie : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, même si au cours de l’histoire sont apparus en dehors de la pentarchie d’autres archevêques, métropolites, primats et patriarches.
53. Le caractère synodal de l’action des évêques se manifestait surtout dans les question débattues qui intéressaient plusieurs Églises locales ou l’ensemble des Églises. Ainsi dans chaque région ont été organisés les différents types de synodes ou conciles locaux ou régionaux et de conférences d’évêques. Leurs formes ont pu changer selon les lieux et les époques, mais leur principe est de manifester et de rendre efficiente la vie de l’Église par l’action conjointe des évêques sous la présidence de celui qu’ils reconnaissaient comme le premier parmi eux. En effet, selon le canon 34 des apôtres, présent dans la tradition canonique de nos Églises, le premier des évêques ne décide qu’en accord avec les autres évêques et ceux-ci ne décident rien d’important sans l’accord du premier.
54. Dans les conciles œcuméniques, réunis dans l’Esprit Saint lors de situations de crise, les évêques de l’Église, avec une autorité suprême, ont décidé en commun de la foi et édicté les canons pour affirmer la Tradition des apôtres dans des circonstances historiques qui menaçaient directement la foi, l’unité et l’œuvre de sanctification de tout le peuple de Dieu, mettant en cause l’existence même de l’Église et sa fidélité à son Fondateur, Jésus Christ.
55. C’est dans cette perspective de la communion entre les Églises locales que pourrait être abordé le thème de la primauté dans l’ensemble de l’Église et en particulier celui de la primauté de l’évêque de Rome, qui constitue une divergence grave entre nous et qui sera discuté ultérieurement.