Tant que je n’accepte pas d’être un mélange de lumière et de ténèbres, de qualités et de défauts, d’amour et de haine, d’altruisme de d’égocentrisme, de maturité et d’immaturité ; tant que je ne reconnais pas que nous sommes tous enfants du même Père, je continue à diviser le monde en « ennemis » (les « mauvais ») et en « amis » (les « bons ») ; je continue à dresser des barrières autour de moi et de ma communauté, à répandre des préjugés.
Mais si j’admets que j’ai des faiblesses et des défauts, que j’ai péché contre Dieu et contre mes frères et sœurs mais que je suis pardonné et que je peux progresser vers la liberté intérieure et un amour plus vrai, alors je peux progresser vers la liberté intérieure et un amour plus vrai, alors je peux accepter les défauts et les faiblesses des autres. Eux aussi sont pardonnés par Dieu et peuvent progresser vers la liberté et l’amour. Je peux regarder chaque être humain avec réalisme et amour ; je peux commencer à voir en eux la blessure qui engendre la peur, mais aussi le don que je peux aimer et admirer. Nous sommes tous des personnes mortelles et fragiles mais nous sommes tous uniques et précieux. Il y a une espérance ; nous pouvons tous progresser vers une plus grande liberté. Nous apprenons à pardonner […].
Nous ne pouvons vraiment accepter les autres tels qu’ils sont et leur pardonner que lorsque nous découvrons que Dieu nous accepte vraiment tel que nous sommes et qu’Il nous pardonne. C’est une expérience profonde que de se savoir aimés et portés par Dieu avec toutes nos blessures et notre petitesse. Pour moi cela a été une grâce et un don, au cours des années vécues en communauté, de verbaliser mes péchés et de demander pardon à un prêtre qui écoute et qui dit : « Je te pardonne au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Accepter la responsabilité de notre péché et de notre dureté de cœur, et savoir que nous sommes pardonnés, est une réelle libération. Je n’ai plus à cacher ma culpabilité.
Nous ne pouvons vraiment aimer nos ennemis et tout ce qui est brisé en eux que si nous commençons à aimer ce qui est brisé en nous. Le fils prodigue, après avoir découvert de quelle façon extraordinaire il est aimé du Père, ne pourra plus jamais juger quelqu’un. Comment pourrait-il rejeter quelqu’un, lorsqu’il voit comment le Père l’a accepté tel qu’il était, avec tout ce qui était brisé en lui. Le fils ainé, au contraire, a jugé parce qu’il n’avait pas encore assumé sa propre blessure ; elle était encore cachée dans la tombe de son être, avec la pierre bien roulée à l’entrée.
Nous ne pouvons vraiment aimer avec un cœur universel que si nous découvrons que nous sommes aimés par le cœur universel de Dieu […].
Mais pardonner ce n’est pas simplement dire à quelqu’un qui s’est mis en colère, qui a claqué les portes et qui a eu un comportement anti-social ou « anti-communautaire » : je te pardonne ». Quand on a le pouvoir et qu’on est bien établi dans la communauté, il est facile de « manier » le pardon. Pardonner, c’est aussi comprendre ce qui se cache derrière cette colère ou ce comportement anti-social, ce que les gens veulent dire à travers ça. Peut-être se sentent-ils rejetés. Peut-être ont-ils l’impression que personne n’écoute ce qu’ils ont à dire ou bien se sentent-ils incapables d’exprimer ce qui est en eux. Peut-être la communauté est-elle trop rigide ou trop légaliste et figée dans ses manières, peut-être même y a-t-il un manque d’amour et de vérité. Pardonner c’est aussi regarder en soi et voir ce qu’il faudrait changer, ce pour quoi on devrait aussi demander pardon et réparer.
Pardonner c’est reconnaître à nouveau – après une séparation – l’alliance qui nous lie à ceux avec lesquels nous ne nous entendons pas bien ; c’est s’ouvrir à eux et les écouter à nouveau. C’est leur donner de l’espace dans nos cœurs. C’est pourquoi il n’est jamais facile de pardonner. Nous aussi nous devons changer. Nous devons apprendre à pardonner, et toujours pardonner, jour après jour. Nous avons besoin de la puissance du Saint-Esprit pour nous ouvrir de cette manière.