Vous êtes allé en Afrique aborder ces questions et maintenant au Proche-Orient, comment les gens réagissent-ils ?
Ils pensent que les occidentaux perdent la raison en voulant imposer les concepts de la théorie du genre et la reconnaissance sociale de l’homosexualité, voire le mariage entre personnes de même sexe. Ils savent que ce phénomène existe mais il leur semble déraisonnable de vouloir les marier. Ils ne veulent surtout pas se calquer sur ce qui se passe en Occident où l’on tente de transformer le Code civil pour donner un statut à ce type d’orientation sexuelle. Ils ont surtout davantage le sens du mariage et de la famille qui tendent à s’estomper en Occident. Ils ne trichent pas avec les mots.
Est-ce que cela veut dire que les mots ne sont plus utilisés de la même façon ?
Pour eux, les mots ont un sens et il n’est nul besoin de les manipuler et de les appliquer à des réalités qui ne peuvent pas être désignées à travers un langage qui ne leur convient pas. Les politiques n’ont pas le sens des mots parce que leur langage n’est pas en lien avec les réalités. Ainsi le mot mariage est dénaturé en étant appliqué à des situations qui lui sont contraires. Ou encore avoir deux papas ou deux mamans est une duperie. Comment les enfants pourront-ils avoir le sens de la vérité quand on donne aux mots un sens qu’ils n’ont pas ? Les Africains et les Orientaux ne confondent pas des situations de fait et des cas d’espèces avec ce qui est essentiel dans ce qui constitue le mariage ; pour eux c’est une mascarade !
Vous travaillez surtout sur des questions structurelles avant de vous arrêter à ce qui est vécu ?
Oui, c’est ce que je m’efforce de faire. S’il ne convient pas de blesser ces personnes, il faut insister sur les structures qui sont en cause et expliquer pourquoi tout n’est pas dans tout. Le couple et l’amour conjugal existent uniquement entre un homme et une femme. On a tendance à inverser le sens de ces réalités et à leur donner une signification qu’elles n’ont pas. Le texte anthropologique de la Congrégation pour la doctrine de la foi de juillet 2003 Considérations sur la reconnaissance juridique des unions entre personnes de même sexe est très clair et réaffirme l’idée que ne pouvant pas accepter ce type d’amour (plutôt narcissique), le duo de personnes de même sexe ne peut pas former un couple. De plus, vouloir valoriser la relation homosexuelle dans le mariage ou dans un mode juridique qui s’en rapproche, n’est pas soutenable, comme le rappelle ce texte de 2003 qui sert de référence en la matière.
Il n’y aurait aucune égalité entre le couple formé par un homme et une femme, et ce que vous appelez le « duo » de personnes de même sexe ?
Aucune ! La société n’a pas « besoin » de l’association entre personnes de même sexe à la différence de ce qui se joue dans un couple réel. Elle reste un fait privé et l’on se trompe de registre en le traitant politiquement. La société ne se partage pas entre hétérosexuels et homosexuels, mais entre hommes et femmes. De ce fait, on s’égare dans la réflexion en parlant de couple hétérosexuel et de « couple » homosexuel car le premier repose sur les deux seules identités sexuelles qui existent et le second sur des orientations sexuelles développant une gamme de désirs pas toujours des plus élaborés psychiquement. Il n’y a qu’un seul couple : celui formé par un homme et une femme qui implique l’altérité sexuelle et le générationnel. Il est regrettable que les responsables politiques ignorent ces données de base de la vie psychique et celles qui fondent la société à partir, entre autres, de la différence sexuelle.
Ce qui posera un problème pour l’égalité entre enfants ?
Évidemment. Mais dans le moralisme ambiant de la tolérance on va vouloir faire taire cette question qui sort de la bouche des enfants lorsqu’ils disent : « c’est bizarre d’avoir deux papas ou deux mamans ». Pourtant, ils disent la vérité. Le sens de l’égalité des droits à tout prix, qui nivelle et réduit à la similitude, est une maladie infantile de la pensée actuelle qui empêche de réfléchir et de savoir discerner ce qui est authentique, juste et bénéfique pour la société et les enfants. Il est tout aussi impensable d’éduquer les enfants à partir de l’homosexualité comme on envisage de le faire à l’école. Et encore davantage car avec cette loi nous allons créer deux catégories d’enfants : ceux avec un père et une mère et d’autres qui seront avec deux « papas » ou deux « mamans ». Ce n’est pas parce que des enfants vivent relativement « bien » cette situation qu’elle se justifie. Ils ont une capacité d’adaptation formidable alors qu’en même temps sans le savoir ils seront privés d’aspects essentiels au développement de leur personnalité. Si des problèmes se posent – car ils se poseront – on accusera une fois de plus la société, pour dire qu’elle est responsable et on organisera des campagnes de communication pour mieux faire accepter une situation qui pourtant fait objectivement problème. Nous sommes et nous restons dans un climat de propagande qui fait que les gens s’habituent, sans prendre conscience de la déviance que représentent ces relations de fait.
Il semble que ce soient surtout les enfants qui deviennent l’enjeu de ce mariage pour tous qui ouvrirait la porte à l’adoption ?
La plupart des enfants qui se retrouvent dans un contexte homosexuel sont nés d’un homme et d’une femme qui se sont séparés parce que l’un des deux parents souhaitait vivre son homosexualité. Il y a quelques cas de femmes qui ont pu bénéficier en Belgique de la PMA et se retrouvent ainsi « mères » tout en étant liées à une autre femme. Il existe également des arrangements et des bricolages biologiques afin de parvenir à une fécondation artificielle entre un homosexuel et une lesbienne. Autrement dit, elles commettent un acte transgressif et illégal (la loi en France interdit ces pratiques) et ensuite elles veulent obliger la loi civile à reconnaître légalement ce qui pourrait s’apparenter symboliquement à une sorte de vol d’enfant. Il s’agit de cas d’espèces qui posent de très nombreux problèmes et dont on ne peut pas faire une norme. Ce qui veut dire que les militants homosexuels, une très faible minorité, exercent une forme de chantage en affirmant gratuitement que ces enfants, en cas de décès du parent, se retrouveraient seuls alors que pour la plupart d’entre-eux, ils ont été conçus dans le cadre d’une relation entre homme et femme et sont reconnus par leur père et leur mère qui demeurent leurs véritables parents. Ils ne sont pas abandonnés et sans protection juridique.
Que cherche-t-on à légaliser ?
Il existe un besoin de reconnaissance, mais de quelle reconnaissance s’agit-il ? Une question à examiner car le mariage n’est pas la réponse : il est un symptôme. Les militants agitent des arguments qui n’en sont pas et prennent ainsi en otage les enfants pour justifier leur situation et se considérer comme « tout-le-monde ». Mais vouloir à tout prix prouver que l’on est « normal », suscite un doute et révèle en fait le malaise de ceux qui prétendent l’être. Un enfant n’est pas un objet transitionnel ! Qu’on le veuille ou non, on joue avec les mots car il ne s’agit pas de familles normales puisque ce qualificatif est à la mode. Qu’est-ce que l’on cherche à légaliser à travers toutes ces manœuvres qui font, répétons-le, symptômes ? Cela a commencé avec le PACS comme je l’avais indiqué à l’époque, on continue à déconstruire et à effacer progressivement toutes les institutions qui représentent la différence sexuelle comme, entre autres, le mariage. C’est pourquoi la notion d’homme et de femme et celle de père et de mère seront supprimées à certains endroits du Code civil dans l’aveuglement, une fois de plus des citoyens. Le mariage sera réduit à être un simple contrat affectif indéterminé. Et ce n’est pas parce que 11 pays sur 200 dans le monde l’ont fait qu’il faut à notre tour commettre la même erreur.
Est-ce un conflit entre la vision du mariage religieux et du mariage civil ?
Ce n’est pas le problème – dans lequel on voudrait nous enfermer. Le ministre porte-parole du gouvernement a dit : « Ce n’est pas à la conception religieuse de la famille que nous touchons, mais à la définition civile du mariage et de l’adoption » (AFP 7 novembre 2012). Un commentaire étonnant car les critiques qui sont portées contre cette loi ne sont pas d’ordre religieux. Dire que le mariage repose sur l’altérité sexuelle de l’homme et de la femme, et que l’enfant a légitimement besoin d’un père et d’une mère ne sont pas des références religieuses mais psychologiques et anthropologiques. La loi qui veut redéfinir le mariage est un instrument de divisions et de troubles civils. Elle n’est pas un progrès pour toute la société, elle est plutôt une agression et une violence faite contre elle. Elle est une diversion à l’égard des problèmes réels de la société.
Les promoteurs de cette loi vont ensuite reprocher à ceux qui présentent des critiques rationnelles, leur agressivité. D’une part celle-ci n’existe pas car les propos sont posés et bien pensés et d’autre part les initiateurs de cette loi attribuent aux autres leur propre agression légale. Il ne revient pas à la loi civile de transgresser ce qui est de l’ordre du mariage et de la filiation car en ce domaine ce qui fait principe est la loi symbolique de la différence sexuelle qui n’est pas à la libre disposition de l’État pour servir des intérêts particuliers. Agir autrement serait psychologiquement incohérent, juridiquement inique et politiquement transgressif. Une loi votée démocratiquement n’est pas forcément bénéfique ! Celle-là sera injuste parce qu’inauthentique. Selon un arrêt de la Cour de cassation (du 6 avril 1903) « Le mariage ne peut être légalement contracté qu’entre deux personnes appartenant l’une au sexe masculin et l’autre au sexe féminin ». Tout le reste ne serait qu’une illusion organisée de façon répressive.