Pour approfondir le rôle du Fils dans la création, nous pouvons nous référer à une page de l’Épître aux Hébreux :
Le fils a été établi par Dieu héritier de toutes choses, lui par qui il a fait les âges.
Ainsi Dieu n’a pas créé le monde pour lui-même, pour créer quelque chose : Dieu n’avait pas besoin de créer. Nous disons que c’est par grâce et par amour qu’il a créé. Il a donné au monde une finalité, une orientation qui le dépasse ; ceci apparaît dans le thème de l’héritage : le monde n’est pas pour la Bible une sorte d’entité posée au départ par Dieu dans l’être sans but ni signification, il est un héritage. Nous sommes dans un contexte familial : Dieu veut donner à l’homme cela même qu’il crée. Dans la scène de Gn 22, 19-20, Dieu donne à Adam la domination du monde ; il fait défiler devant lui les êtres vivants pour qu’il leur donne un nom : l’homme est établi l’héritier de la création. Mais en adoptant l’homme comme son fils et en faisant de lui son héritier, Dieu l’introduit par grâce dans la place même qu’a le Fils en lui. C’est donc dans le Fils, pour le Fils, que le Père conçoit ce dessein d’amour duquel il va faire sortir la création ; et l’homme est l’héritier de la création parce qu’il est appelé, comme dira Saint Paul, à reproduire l’image du Fils :
Ceux-là que Dieu a appelé selon son projet, ceux qu’il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frêres.
La création apparaît comme prise dans le mystère d’une grâce donnée par Dieu aux hommes. Dieu inclut les hommes, par adoption de grâce, dans la personne même de son Fils est c’est parce qu’Il les appelle à reproduire l’image de son Fils qu’Il les remet tous à son Fils. Comme le dira Jésus dans Saint Jean : « le Père aime le Fils et il a tout remis entre ses mains » (Jn 3, 35). La création, par sa finalité de grâce, est donc située dans le rapport même du Père pour le Fils ; son secret sera donc contenu dans le mystère même du Fils. Comme le dit Saint Paul :
Il est, lui le Christ, l’image du Dieu invisible, le Premier-Né de toute créature, car c’est en lui que furent créées toutes choses dans les cieux et sur la terre ; tout a été créé par lui et pour lui, il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.
Cela ne veut pas dire que seul le Fils donne l’être à la création : c’est inséparablement que les trois Personnes Père, Fils et Saint-Esprit créent. Mais l’adoption de l’homme dans le Fils est le but de la création, son orientation, or c’est l’orientation de la création qui lui donne sa forme. Nous ne le voyons pas clairement en l’état actuel de la création, car le cheminement que cette création doit suivre dans le plan de Dieu n’a pas encore livré son dernier mot. Son dernier mot est justement cette référence au Fils : le Fils étant l’image du Père doit être pour l’homme qui est, par sa liberté, le vecteur de la création, le lieu où elle trouvera son terme définitif qui est sa raison d’être [1]. La création se présente donc comme l’héritage du Fils, en un mot comme le Royaume dont il est le Seigneur.
Le monde n’est pas cette vaste étendue que voyait Descartes, mais le mystère d’un ordre qui ne peut atteindre sa finalité ultime que dans la grâce d’un rapport filial au Père dont le Fils est en Dieu même l’archétype éternel. Le Fils révèle ce rapport en donnant à l’homme la capacité de découvrir la création comme l’héritage à lui donné par le Père. La création existe par l’acte créateur de Dieu mais le Fils en est la Tête car « tout subsiste en lui » (Col 1, 17) ; elle entretien avec lui un rapport de grâce qu’il lui donne à partir de sa propre relation personnelle avec le Père.
Notes de Testimonia
[1] Cette formulation est lourde, pour ne pas dire obscure, mais par fidélité au texte nous la reproduisons telle quelle. En se permettant d’arranger la ponctuation, et en espérant ne pas trahir la pensée de l’auteur, la phrase pourrait s’entendre ainsi : « le Fils étant l’image du Père doit être pour l’homme – qui est par sa liberté le vecteur de la création – le lieu où elle trouvera son terme définitif… ».