Introduction à la théologie du corps de Jean-Paul II
Ce Forum de l’amour a lieu sous l’égide de Génération Jean-Paul II. Alors vous ne vous étonnerez certainement pas, que je vous parle un petit peu de Jean-Paul II, et je dirai même un peu, au nom de Jean-Paul II. Ni que je m’adresse à vous comme il l’aurait peut-être fait lui-même, en vous disant « Chers Jeunes ». Pourquoi vais-je vous parler de Jean-Paul II à propos du plan de Dieu sur la sexualité ? Eh bien parce que Jean-Paul II a dévoilé comme personne ne l’avait fait jusqu’à lui, la splendeur du plan de Dieu sur la sexualité humaine. Et que les médias se soient obstinés à en faire le père Fouettard de la sexualité, est proprement incompréhensible pour ne pas dire scandaleux. Car Jean-Paul II, s’il fallait le définir, a été avant tout un amoureux de l’amour humain.
Écoutez ce qu’il disait au journaliste italien Vitorio Messori dans cet ouvrage de dialogue intitulé Entrez dans l’Espérance !, il disait : « Il faut préparer les jeunes au mariage. Il faut leur parler de l’amour. L’amour ne s’apprend pas. Et pourtant il n’existe rien au monde qu’un jeune ait autant besoin d’apprendre ! » Et il poursuivait : « Quand j’étais jeune prêtre, j’ai appris à aimer l’amour humain. C’était un des thèmes sur lesquels j’ai axé tout mon sacerdoce, tout mon ministère, dans la prédication, au confessionnal et à travers tout ce que j’écrivais. » Et c’est ce qui explique toute l’attention que Jean-Paul II apportait à la question de l’amour humain, à travers son premier ouvrage Amour et Responsabilité publié en 1960, et qui porte sur la question de l’amour et sur les questions d’éthique sexuelle ; à travers sa première pièce de théâtre, La Boutique de l’orfèvre, qui est une splendide méditation sur le mystère de l’amour humain et sur la vocation au mariage ; et puis à travers sa grande œuvre, celle que je vais évoquer avec vous ce matin, et qui demeure encore trop ignorée, qu’il a qualifiée lui-même de théologie du corps, et lui a donné un titre : L’amour humain dans le plan divin.
Alors de quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un enseignement qu’il a donné sous la forme de 130 audiences du mercredi. 130 discours d’une vingtaine de minutes entre le 5 septembre 1979 – à peine un an après son élection – jusqu’au 28 novembre 1984. Cinq ans et trois mois d’enseignement, simplement interrompus quelques mois en 1981 pour cause d’attentat, et en 1983 pour cause d’année sainte. Mises bout à bout, ces 130 audiences représentent quelques 800 pages de texte. Soit le plus vaste enseignement jamais délivré par un pape sur un même sujet dans toute l’histoire de l’Église !
Cet enseignement, il a été qualifié de « magistère génial » par une des plus hautes autorités intellectuelles de l’Église, l’actuel archevêque de Venise, le cardinal Angelo Scola, qui était alors recteur de l’Université pontificale du Latran. Et Georges Weigel, le biographe journaliste et théologien américain, biographe du Pape, a dit que cette théologie du corps constituait une sorte de « bombe à retardement théologique, qui pourrait exploser avec des effets spectaculaires au cours du troisième millénaire de l’Église ». Et il poursuivait en disant : « Lorsque cela arrivera, une fois que Jean-Paul II aura probablement quitté la scène, la théologie du corps de Jean-Paul II sera regardée comme un tournant non seulement dans la théologie catholique, mais dans toute l’histoire de la pensée moderne ! »
Et on peut s’interdire de penser que lors que Benoît XVI a déclaré à la télévision polonaise le 16 octobre dernier – date d’anniversaire de l’élection de Jean-Paul II – qu’il considérait que sa mission consistait beaucoup moins à produire de nombreux nouveaux textes, qu’à permettre que soit exploité le richissime enseignement de Jean-Paul II, on peut s’interdire de penser qu’il avait en tête cet enseignement sur la théologie du corps. Et pourtant seule une minorité de catholiques savent que cet enseignement existe. Même s’il commence à se répandre comme une véritable traînée de poudre, notamment outre-atlantique.
Cet enseignement de Jean-Paul II chasse radicalement et à tout jamais de l’Église, les moindres tentations de mépris du corps, ou de méfiance à l’égard de la sexualité. À titre d’exemple, je vous donne cette simple phrase de Jean-Paul II dans l’une des audiences sur la théologie du corps en 1980, lorsqu’il affirme avec une audace totale : « Pour le christianisme, le corps et la sexualité restent une valeur trop peu appréciée. », et c’est bien normal si l’on considère que le christianisme est fondé sur le mystère de l’Incarnation ! Le Christ, fondement de notre foi, est le Verbe de Dieu fait chair ! Fait corps ! Notre religion n’est pas une religion de l’immortalité de l’âme ! Je n’ai rien contre l’immortalité de l’âme. Mais pour l’affirmer nous n’avons pas besoin d’une religion. Une bonne philosophie suffit largement. Et d’ailleurs, dans notre Credo, nous ne disons nulle part : « Je crois en l’immortalité de l’âme. » Mais nous affirmons : « Je crois en la résurrection de la chair » ! Oui, notre religion est une religion du corps. Et d’ailleurs, un philosophe comme Celse au IIème siècle de notre ère, disciple de Platon, qui à ce titre ne portait pas le corps en grande estime, ne s’y était pas trompé lorsqu’il désignait les chrétiens par le sobriquet – de manière péjorative – en grec de philosomatongenos, « le peuple qui aime le corps ». A-t-on idée ? Voyez-vous ça ! Eh bien oui, nous sommes le peuple qui aime le corps. Si bien que l’on peut dire !en rappelant le beau mot de Paul VI à l’ONU en 1965 qui qualifiait l’Église d’« experte en humanité » ! qu’avec Jean-Paul II l’Église s’affirme également comme experte en sexualité. N’ayons pas peur de le dire, à l’heure où les médias s’ingénient à faire des catholiques des coincés sur les questions sexuelles ! Mensonges ! Foutaises !
On raconte que saint Jean Chrysostome, qui avait développé de splendides homélies sur le mariage, alors qu’il prêchait sur le sexe, avait surpris quelques-uns de ses auditeurs en train de rougir et s’en était indigné : « Pourquoi rougissez-vous ? N’est-ce pas pur ? Vous vous comportez comme des hérétiques ! » Alors méfiez-vous si j’en surprends quelques-uns ou quelques-unes en train de rougir…
Et Benoît XVI s’inscrit dans cette continuité, lui qui a choisi de consacrer sa première encyclique à l’amour de Dieu ! Dieu est amour ! dans laquelle il affirme d’emblée dès l’introduction, « le lien intrinsèque de l’amour que Dieu offre gratuitement à l’homme, avec la réalité de l’amour humain ». Et un peu plus loin, il poursuit : « Oui, l’éros veut nous élever en extase vers le divin. Nous conduire au-delà de nous-mêmes. Mais c’est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purifications et de guérisons. » Magnifique écho de Benoît XVI aux propos de Jean-Paul II qui disait déjà dans son audience du 6 juin 1984, en commentant le Cantique des Cantiques, « l’agapè conduit l’éros à son accomplissement en le purifiant ».
Alors quel est donc le plan de Dieu sur la sexualité humaine telle que nous l’enseigne Jean- Paul II ? Un bon plan, vous a-t-on annoncé ! Oui, un plan magnifique… qui remonte aux origines. Aux origines de l’humanité. Mais un plan blessé. Défiguré par l’usage de la liberté de l’homme contre Dieu. Et que Dieu reprend dans sa miséricorde, par l’œuvre de la Rédemption. Ce sont les trois temps que je voudrais évoquer avec vous ce matin, en vous proposant sept éléments fondamentaux à retenir.
Tout d’abord, la question des origines. Jean-Paul II fait débuter sa théologie du corps, par le rappel de la réponse que Jésus fait aux pharisiens sur la question de la répudiation des femmes. Vous trouvez ça au 19ème chapitre de l’Évangile de saint Matthieu :
Des pharisiens s’approchèrent de lui, et lui dirent pour le mettre à l’épreuve : « Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ? » Il leur répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, et qu’Il a dit : ‘Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne formeront plus qu’une seule chair.’ Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ce que Dieu a uni, l’homme ne doit pas le séparer. » « Pourquoi, lui disent-ils donc, Moïse a-t-il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie ? » « C’est, leur dit-il, en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes. Mais dès l’origine, il n’en fut pas ainsi »
Et Jean-Paul II affirme que ces paroles que le Christ adresse aux pharisiens, Il ne les adresse pas seulement aux hommes de son époque qui étaient en face de Lui, mais Il les adresse à l’homme de toutes les époques de l’histoire, dans toutes les cultures, sur toutes les latitudes et toutes les longitudes. Et par conséquent, Il les adresse à chacun et à chacune d’entre nous. Il va même jusqu’à dire, Jean-Paul II, que le Christ le dirait avec plus de force encore, à l’homme contemporain. Précisément parce qu’il a perdu le sens de son origine divine.
Jean-Paul II fait également remarquer que le Christ se refuse à entrer dans le jeu des pharisiens, qui lui demandent finalement comment s’arranger avec la loi. Et c’est bien souvent notre situation à nous autres. On se pose souvent des questions : « Jusqu’où on peut aller pendant les fiançailles ? À partir de quel moment est-ce qu’on est infidèle ? Est-ce qu’il n’y aurait pas des cas où la contraception pourrait être admise ? » Jésus ne veut pas rentrer dans ces considérations légalistes de casuistique. Mais à deux reprises, Il mentionne les origines. Autrement dit, Il invite l’homme à retrouver la vérité de ce qu’il est en méditant sur le mystère créateur de Dieu dans l’homme et la femme. Car ces origines, « c’est le temps de la préhistoire théologique de l’homme, dit Jean-Paul II, dont le texte révélé et sacré de la Genèse – même s’il emprunte une forme culturelle mythique – atteste et témoigne ». Et ce temps des origines, ce temps de la préhistoire théologique de chacun et chacune d’entre nous, « il en demeure, dit Jean-Paul II, dans le cœur de tout homme et de toute femme, comme un écho lointain ». Et c’est précisément cet écho lointain qui fait en sorte que nous avons tous et toutes le désir profond de faire de notre sexualité quelque chose de GRAND, quelque chose de BEAU ! Même si, en même temps, nous avons conscience de nos pauvretés, de nos misères et de nos blessures sur ce chapitre. Et personne n’est exempt de blessures. Et de limites. Et de pauvreté. Sur la question de la sexualité, ne fanfaronnons pas.
Mais dans le cœur de chacun d’entre nous, il y a cet écho lointain des origines, cet écho lointain de cette splendeur du plan de Dieu aux origines, qui continue à tarauder, qui continue à agiter le cœur humain, qui continue à être présent comme une flamme vacillante. Un écho lointain du plan de Dieu aux origines.
Ce temps de la préhistoire théologique de l’homme, il est irrémédiablement perdu. Car, comme dit Jean-Paul II, « entre ce temps et le temps de l’homme historique – c’est-à-dire le nôtre – il y a la barrière infranchissable du péché des origines ». Infranchissable parce que l’œuvre de la liberté humaine. En le chef de l’humanité Adam.
Alors la première chose que je vous invite à retenir, c’est celle-ci : suivre l’invitation du Christ à renoncer à une approche légaliste de la sexualité. Arrêtons de raisonner en termes de « permis », « défendu », « licite », « illicite », « Jusqu’où on peut aller ? », « Jusqu’où il faut s’arrêter d’aller ? » ou « À partir de quel moment faut-il s’interdire ? »… Non ! Ne réagissons pas de cette manière-là. Mais retrouvons en nous la profondeur de la vérité du plan de Dieu. « Par la pureté du cœur », dit Jean-Paul II. Demandons la grâce à l’Esprit-Saint de cette pureté de cœur pour retrouver en nous la marque du divin à travers l’éveil de cet écho lointain des origines. Et c’est ce qui fait dire à Jean-Paul II : « Ceux qui cherchent dans le mariage l’accomplissement de leur vocation humaine et chrétienne, sont appelés à faire de cette théologie du corps dont nous trouvons l’origine dans la Genèse, la substance même de leur vie et de leur comportement. » Vous entendez ? « La substance même de leur vie et de leur comportement. »
Alors plongeons à la suite de Jean-Paul II dans le texte de la Genèse, pour apprécier ce plan de Dieu aux origines. Et je prends, toujours à la suite de Jean-Paul II, le premier récit de la Genèse, qui est le plus récent, même s’il est mis en premier. Le plus élaboré, le plus théologique, centré sur l’œuvre de Dieu.
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance. » Dieu créa l’homme. » Là, le terme hébreux qui est employé c’est ha adam qui désigne l’humanité et non pas l’homme masculin. « Dieu créa l’homme — ou l’humain — à son image. À l’image de Dieu, Il le créa. Homme ». À ce moment-là, c’est le mot zackar au sens de mâle… « Homme – masculin – et femme Il les créa. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la ». Dieu vit tout ce qu’il avait fait, cela était très bon.
Quel enseignement Jean-Paul II invite-t-il à tirer de ce texte ?
• D’abord la remarque qu’il fait de la rupture dans la continuité de l’œuvre créatrice avec la création de l’homme. Pour tout ce qui précède, il est dit : « Dieu dit… et Dieu fit ». Lorsqu’il s’agit de l’homme, c’est un pluriel qui est employé : « Dieu dit, faisons » et toute la tradition à commencer par celle de saint Augustin dans son commentaire littéral de la Genèse, a vu dans ce pluriel la désignation de La Trinité divine, le pluriel des personnes de La Trinité divine spécialement à l’œuvre dans la création de l’homme et de la femme. C’est La Trinité tout entière qui est à l’œuvre dans cette création du chef-d’œuvre de l’œuvre créatrice.
• Deuxièmement, il n’y a pas de ressemblance mentionnée entre l’homme et les autres créatures, les animalia comme dit Jean-Paul II. La seule ressemblance qui est affirmée, c’est celle de l’homme avec Dieu, à son image.
• Troisième élément, la différence sexuelle n’est mentionnée que pour l’homme et la femme, pas pour les animaux. Et c’est cette différence sexuelle qui est bénie de Dieu et qui est image de Dieu. Et par conséquent lorsqu’on fouille ce texte de la Genèse – et Jean-Paul II le fait de manière extrêmement minutieuse –, il décortique le texte ce que je n’ai malheureusement pas le temps de faire avec vous ce matin – il y a une deuxième chose importante à retenir, c’est de se convaincre que la différence sexuelle et ses signes – jusqu’à ses signes corporels – sont à prendre du côté de la ressemblance avec Dieu, et non pas du côté de la ressemblance avec l’animal ! Le sens de la sexualité humaine est à prendre du coté de cette ressemblance avec Dieu. Et la sexualité animale n’est qu’un vestige très appauvri, très éloigné du sens profond de la sexualité qui n’existe au plein sens du terme qu’en l’homme. Et il n’existe en l’homme, ce sens de la sexualité, que dans la liaison avec sa ressemblance avec Dieu.
Autrement dit c’est un retournement de perspective qu’invite à faire Jean-Paul II, une révolution au sens étymologique du terme. Nous avons tous tendance à voir notre sexualité comme un processus biologique issu de notre parenté avec le monde animal. Au plan théologique c’est une erreur, notre sexualité est à voir dans le prolongement de notre filiation divine.
J’en viens au deuxième récit de la Création. Le plus ancien, même s’il arrive après. Et qui – dit Jean-Paul II – est le premier témoignage de la conscience humaine.
Au temps où Yahvé Dieu fit le ciel et la terre […], il n’y avait pas d’hommes pour cultiver le sol. Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l’homme devint un être vivant. Yahvé Dieu dit « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, il faut que je lui fasse un aide qui lui soit assortie ». Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes et tous les oiseaux du ciel, Il les amena à l’homme pour voir comment celui-ci les appellerait. L’homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel, à toutes les bêtes sauvages. Mais, pour un homme, il ne trouva pas l’aide qui lui fût assortie.
• Quelques éléments encore à tirer de ce texte. Yavhé affirme qu’ « il n’est pas bon que l’humain – là encore c’est le terme ha adam qui est utilisé, sans mention du sexe – soit seul ». Mais la création de la femme n’intervient pas tout de suite. Yavhé Dieu fait d’abord faire à l’homme l’expérience de sa solitude ontologique, lui fait découvrir qu’il est le seul dans l’univers visible à avoir le statut de personne. Et cette expérience de la solitude se creuse en l’homme par le fait qu’il connaît toute la nature. Et il a sur cette nature un pouvoir total. Il cultive le sol. Et tant qu’il n’apparaît pas, il n’y a pas de possibilité de cultiver le sol – comme dit le texte. Et il nomme tous les animaux, cela veut dire qu’il en a une connaissance parfaite et totale : car seul celui qui nomme prouve qu’il connaît, qu’il connaît l’essence de ce qu’il nomme. Autrement dit, il connaît la nature de l’intérieur et il est capable de la gouverner.
• Et pour autant, dans cette connaissance totale de la nature, l’humain ne découvre pas « d’aide qui lui fut assortie ». Le texte n’est pas très bien traduit, le terme hébreux c’est le terme esed c’est-à-dire « d’allié qui soit son homologue ». Il ne découvre pas dans toute la nature un être qui puisse être « un allié » parce qu’il serait son homologue en humanité. Et par conséquent, susceptible de recevoir le don de lui-même. Ce à quoi aspire toute personne. Notre aspiration à être don de nous-mêmes est la marque du fait que nous sommes une personne. Car une personne est faite pour le don d’elle-même, c’est ce qui la caractérise, et c’est pour cela que je ne peux pas m’approprier une personne. Et vous voyez que lorsque le texte dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », cela veut dire qu’effectivement il n’est pas bon qu’il demeure dans cette solitude qui fait en sorte qu’il ne peut pas se donner à un homologue en humanité.
• D’où la troisième chose à retenir, c’est que c’est par son corps, dans l’expérience de la solitude originelle, que l’homme se découvre capable d’actes personnels qu’il est le seul à pouvoir poser dans l’univers visible. Et Jean-Paul II dit à cet égard : « Le corps grâce auquel l’homme prend part au monde créé visible, le rend en même temps conscient d’être seul. En effet, il n’aurait pas été capable d’arriver à cette conviction qu’en fait il a acquise, si son corps ne l’avait aidé à le comprendre rendant la chose évidente » poursuit Jean-Paul II. « L’humain, l’adam, aurait pu, se basant sur l’expérience de son propre corps, arriver à la conclusion qu’il était substantiellement semblable aux autres êtres vivants, aux autres animaux ». « Et comme nous le lisons, conclut Jean-Paul II, il n’arriva pas à cette conclusion, au contraire il se persuada qu’il était seul. »
Et donc c’est par son corps, que l’homme, que l’humain, découvre que l’aspiration profonde de son être en tant que personne, est de se donner à une autre personne semblable à lui. Il fallait qu’il existe dans l’univers un homologue en humanité de telle sorte qu’il puisse réaliser l’aspiration de son être à se donner. Et par conséquent, sur la base de cette prise de conscience, va pouvoir advenir la création de la femme, et seulement sur la base de cette prise de conscience.
Alors Yavhé Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une des côtes – de l’homme – et referma la chair à sa place. Puis de la côte qu’Il avait tirée de l’homme, Yavhé Dieu façonna une femme et l’amena à l’homme. Alors celui-ci s’écria : « À ce coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair ! Celle-ci sera appelée femme, car elle fut tirée de l’homme, celle-ci ! » C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.
Là encore quelques éléments à tirer de ce texte à la suite de Jean-Paul II.
• Le sommeil profond qui s’empare de l’humain, de l’adam, n’est pas un sommeil normal. C’est une torpeur. Qui désigne toujours, dans la Bible, le moment d’une intervention radicale de Dieu visant à créer une alliance entre Lui et l’humanité. On le trouve là, on le trouve au seizième chapitre de la Genèse avec l’alliance avec Abraham, et on va retrouver cette question de la torpeur qui tombe sur les disciples à Gethsémani, dira Jean-Paul II. Et par conséquent ce moment désigné par la torpeur, c’est le moment le plus solennel de la Création. C’est le moment qui va engager toute l’œuvre divine et toute l’histoire de l’humanité.
• Deuxièmement, la femme est tirée du côté de l’homme. Elle n’est pas tirée du pied. Elle n’est pas tirée de la tête. Elle est tirée de son côté. Autrement dit, cela signifie qu’elle est son parfait homologue en humanité. Elle est tirée de son côté, elle est mise à coté de lui. Ni supérieure, ni inférieure. Parfaitement égale. Et en sumérien, fait remarquer Jean-Paul II, le signe cunéiforme qui désigne la côte désigne en même temps la vie. Par conséquent, la femme est de la même VIE que l’homme.
• Troisièmement, à la création de la femme, Adam – qui devient à ce moment-là masculin – s’exclame : « À ce coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair ! » C’est le premier chant d’amour de l’humanité. À tous ceux qui sont amoureux, dites à celle dont vous êtes amoureux : « os de mes os, chair de ma chair » et vous redirez le premier chant d’amour de l’humanité, « le prototype du Cantique des Cantiques » dit Jean-Paul II.
• Et le texte se termine par : « et ils deviennent une seule chair. » Le récit de la Création n’est pas terminé avant cette énonciation. C’est au moment de la découverte de la communion dans les corps, que l’homme et la femme deviennent pleinement image de Dieu. Autrement dit, l’acte de chair, le don des corps, qui exprime la totalité de la donation des personnes l’une à l’autre, est ce par quoi l’homme et la femme sont, dans la chair, image de la Trinité des personnes divines.
• D’où la quatrième chose à retenir : l’homme est image de la communion des personnes divines, beaucoup plus par la communion dont il est capable en tant que personne, que par le fait qu’il est une créature douée de spiritualité. Et cette communion culmine dans la communion des corps et la suppose !
Donc la sexualité est une chose foncièrement bonne, elle est ce par quoi l’homme est icône dans la chair de la communion des personnes divines. C’est cela que signifie le fait d’être image de Dieu. Si je vous avais demandé : « pourquoi sommes-nous image de Dieu ? » Vous m’auriez tous et toutes répondu : « mais parce que nous avons une intelligence spirituelle, une volonté libre, nous avons en nous des facultés spirituelles qui nous rendent un peu semblable à Dieu qui est pur esprit. » Mais dans ce cas-là, mes chers amis, l’ange est beaucoup plus image de Dieu que l’homme et la femme. Car l’ange, lui, est pur esprit et nous ne le sommes pas. Et pourtant c’est de l’homme et de la femme qu’il est dit qu’ils sont image de Dieu. Oui… nous sommes image de Dieu parce que nous sommes des êtres qui sont capables de communion. Cette communion nous engage jusqu’à la communion dans la chair, jusqu’à la communion des corps. Et c’est par cela que nous sommes image de Dieu. Et cette communion des corps, débouche sur le don de la vie, ce que n’est pas capable de faire l’ange. L’ange ne donne pas la vie : les papas anges, les mamans anges, les bébés anges : cela n’existe pas, je suis désolé de vous décevoir ! Et Jean-Paul II dit très clairement à cet égard : « L’homme est devenu image et ressemblance de Dieu, par la communion des personnes que l’homme et la femme forment dès le début. L’homme devient image de Dieu – poursuit Jean-Paul II – moins au moment de la solitude qu’au moment de la communion. En effet, dès l’origine, il est […] essentiellement image d’une insondable communion divine de Personnes. » Et effectivement, Jean-Paul II conclut en disant : « Ceci va même peut-être jusqu’à constituer l’aspect théologique le plus profond de tout ce qui peut-être dit sur l’homme. » Cela n’avait jamais été dit avec autant de clarté et autant de force avant Jean-Paul II.
Le texte de la Genèse précise juste après : « or tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, et ils n’avaient pas honte l’un devant l’autre. » La mention de cette nudité dans le texte de la Genèse n’est ni accidentelle, ni accessoire. Et Jean-Paul II y insiste : elle révèle un état de la conscience par rapport au corps. Cette absence de honte désigne l’expérience de la plénitude de la communion de l’homme et de la femme. Car, à ce moment-là, dans cet état de l’innocence originelle, l’homme et la femme voient leur corps y compris à travers les signes somatiques très corporels de la masculinité et de la féminité, voient leur corps dans la finalité de la communion que leur corps est destiné à permettre. Autrement dit, dans les signes de leurs corps, ils voient dans une transparence totale du regard, dans une plénitude intérieure totale de leur conscience, ils perçoivent que leurs corps sont faits pour la communion. Qu’ils sont complémentaires pour la communion. Et, par conséquent, ils sont devant le regard de l’autre, dans une attitude de contemplation, d’émerveillement, d’admiration. Il n’y a pas de gène, il n’y a pas de honte, car tout est vu dans la finalité de la communion. Dans une limpidité, une pureté, une transparence totale du regard. Et par conséquent il n’y a pas de place pour la honte. Et vous comprenez que, non seulement, ils voient dans leur corps un ordonnancement en vue de la communion, mais ils voient cette communion comme étant l’image de la communion des Personnes divines. Et, par conséquent, les corps sont vecteurs de contemplation. Il n’y a pas lieu de les camoufler. Bien au contraire, ils sont célébration de la communion, et ordination au divin. En aucune manière dans l’innocence originelle, le corps n’est vu en dépendance d’une réalité biologique animale. Et c’est ce qui fait dire à Jean-Paul II :
Seule la nudité qui fait de la femme « l’objet » pour l’homme et vice versa est source de honte. Le fait qu’ils n’éprouvaient pas de honte, veut dire que la femme n’était pas pour l’homme un « objet » pas plus que lui ne l’était pour elle. […] S’ils n’éprouvaient pas de honte, cela veut dire qu’ils étaient unis par la conscience du don, qu’ils avaient réciproquement conscience de la signification conjugale de leur corps.
• D’où la cinquième chose à retenir : nous n’avons pas un corps parce que cela serait un reste du monde animal dont nous serions issus. Notre sexualité n’est pas une sorte de sublimation culturelle d’une réalité animale dont nous persisterions à dépendre ! Parce que dans ce cas là, le corps est un mal. Dont il faudrait se libérer. Et on verse inévitablement dans le manichéisme, dans le mépris du corps ou dans le rejet du corps. Benoît XVI d’ailleurs, confirme à sa manière ces perspectives lorsqu’il écrit dans sa première encyclique :
Si l’homme aspire a être seulement esprit et qu’il veut refuser la chair comme un héritage tout simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité.
Nous avons un corps pour être don. Et réaliser ainsi notre vocation profonde qui est d’être image de Dieu dans le don des corps, qui signifie le don de toute notre personne. Et dans l’audience du 20 février 1980, Jean-Paul II résume tout le plan de Dieu sur le corps et la sexualité humaine, tel qu’il pouvait être à l’origine. Ce sont des paroles de feu, que je vous demande de recevoir de manière méditative…
L’être humain apparaît dans le monde visible comme l’expression la plus haute du don divin parce qu’il tient en soi la dimension intérieure du don. Et avec elle, il apporte dans le monde sa ressemblance particulière avec Dieu. Le corps, en effet, par sa visible masculinité et féminité, et seulement lui, est capable de rendre visible ce qui est invisible : le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde, le mystère caché de toute éternité en Dieu et en être le signe visible.
Voilà la vocation de nos corps ! Elle est splendide ! Et elle demeure cette vocation de notre corps malgré et à travers la blessure du péché.
Alors « L’Église contre le corps », « l’Église contre la sexualité » : Allons donc ! Où a-t-on été trouver cela ? ! Affirmer de tels lieux communs, c’est soit une preuve flagrante d’ignorance, soit la manifestation d’une évidente malveillance. Lorsqu’on m’affirme que le christianisme est contre le corps, c’est que l’on confond le christianisme avec le puritanisme anglo-saxon. C’est ce que disait déjà il y a quelques années le cardinal Lustiger. Et il parlait en cela d’un mensonge ! Dont il disait qu’il ne pourrait pas persister éternellement. Il y a des moments où il faut savoir se faucher quand on dit des contrevérités !
Reste que ce plan d’amour aux origines a été blessé, a été défiguré par l’usage de la liberté de l’homme contre la volonté divine. C’est ce que l’on appelle le péché des origines. Et je vous précise que Jean-Paul II consacrera 13 catéchèses spécifiquement sur le péché des origines après avoir effectué des catéchèses sur le Credo une fois que la théologie du corps aura été achevée. Parce que si l’on retire ce péché des origines, et bien c’est tout le mystère chrétien qui s’écroule. Si l’homme n’a pas rompu avec la volonté divine, il n’a pas besoin d’être sauvé. S’il n’a pas besoin d’être sauvé, il n’y a pas besoin d’un rédempteur ! Si il n’y a pas besoin d’un rédempteur, il n’y a pas besoin d’incarnation ! Donc tout le mystère chrétien s’écroule si l’on vacille sur cette vérité de foi qu’est le péché des origines.
Je vous passe le récit de ce péché. Le texte de la Genèse conclue ce récit par ces mots : « ils connurent qu’ils étaient nus, ils cousirent des feuilles de figuier, et s’en firent des pagnes. »
Des pagnes, mes amis, ce n’est pas fait pour se mettre sur la tête ! Autrement dit qu’est-ce que cela veut dire « ils cousirent des feuilles de figuiers et s’en firent des pagnes » ? Cela veut dire qu’ils vont se dérober l’un à l’autre les signes de leurs visibles masculinité et féminité. Et c’est là le premier effet du péché originel. Ce n’est pas d’abord vis-à-vis de Dieu. C’est vis-à-vis l’un de l’autre. Ils ne comprennent plus le sens de leur corps : premier effet du péché originel. Et ils ne voient plus à travers les signes de leur masculinité et de leur féminité, qu’une similitude avec la sexualité animale. Leur regard est devenu opaque à la vérité de ce qu’ils étaient en tant qu’êtres appelés à la communion. Leur regard s’est obscurcie, et de leur corps, ils ne voient plus que quelque chose de semblable, de similaire à ce qu’ils constatent dans le monde animal où la sexualité est de nature seulement pulsionnelle et instinctive, et entièrement asservie à l’impératif de la reproduction.
Par ailleurs, ils perçoivent qu’ils sont susceptibles de devenir l’un pour l’autre un objet et non plus un sujet. Un objet de concupiscence, un objet de domination, un objet d’appropriation, un objet de jouissance. Bref, tout ce qui les ramène à l’état d’une chose. Une chosification de leur être, qui est une dépersonnalisation. Et tous ce signes de la masculinité et de la féminité qui, dans l’innocence originelle, étaient signe du don des personnes, invitation au don des personnes, deviennent potentiellement moyens d’asservissement, moyens de captation, moyens d’utilisation. Autrement dit toute choses qui sont les antithèses du don. Et Jean-Paul II de parler d’une façon d’extorquer son don à l’autre être humain et de le réduire intérieurement à un pur objet pour soi.
• D’où la sixième chose à retenir : quand nous sommes portés à nous protéger du regard de l’autre en camouflant les signes de notre masculinité et de notre féminité — ce que nous ne pouvons pas éviter de faire depuis le péché des origines… quand nous sommes portés à nous protéger du regard de l’autre c’est que nous percevons que ce regard n’est pas conforme au vrai sens du corps qui est de nous permettre d’être don. On sait très bien qu’il y a des regards qui salissent, qui donnent l’impression d’avoir été Sali. Les femmes en sont certainement plus sensibles que les hommes. Il y a des regards qui vous donnent envie d’aller prendre un douche.
Il faut l’analyser cette question de la qualité du regard. C’est ce que fait Jean-Paul II, au cours de pas moins de 27 discours. 27 fois 20 minutes sur le regard. À partir de ce passage du sermon sur la montagne au cinquième chapitre de l’Évangile de Saint Matthieu :
Il vous a été dit : tu ne commettras pas d’adultère. Et bien moi je vous dis, celui qui regarde une femme pour la désirer, celui-là a commis l’adultère avec elle dans son cœur.
Et Jean-Paul II dit qu’il préfère une traduction plus ancienne : « celui-là l’a rendue avec lui adultère dans son cœur » ce qui est beaucoup plus profond. Et Jean-Paul II dit : « La signification de ces paroles est essentielle pour toute la théologie du corps contenue dans l’enseignement du Christ ».
La encore, comme dans sa réponse aux Pharisiens sur la répudiation, le Christ invite a dépasser toutes les prescriptions légalistes. Et d’ailleurs les pauvres gens qui ont entendus ce sermon sur la montagne ils n’ont pas compris. L’adultère est dans le corps. Mais qu’est-ce que cet adultère dans le cœur ? Soit il était matériellement commis soit il ne l’était pas ! Et bien le Christ invite précisément à dépasser cette approche légaliste extérieure, par laquelle chacun et chacune d’entre nous, nous nous entretenons avec une certaine bonne conscience ! Nous sommes extérieurement formellement « clean »… Mais quel est l’état intérieur de notre cœur ?
Alors qu’il soit clair que lorsque le Christ dit « Celui qui regarde une femme pour la désirer » ne dénonce pas l’éternelle attraction de l’homme pour la femme et de la femme pour l’homme. Celle-ci elle est bonne, elle est voulue de Dieu, et si elle n’existait pas, nous ne serions pas là ! « Il s’agit dans l’adultère du cœur – dit Jean-Paul II – d’un acte intérieur bien définit » C’est le regard « pour désirer » c’est-à-dire le regard qui se pose sur l’autre pour se l’approprier. Pour s’en servir, même seulement intentionnellement. Pour s’en satisfaire. Le regard prédateur. Ça c’est plutôt masculin. Le regard séducteur. Ça c’est plutôt féminin. Mais qui dans un cas comme dans l’autre, réduit l’autre à un objet de satisfaction, à un objet pour moi. Et qui aboutit à chosifier la personne. A la faire déchoir de son statut de sujet pour la ravaler à l’état d’objet c’est-à-dire de chose, à la faire chuter dans l’utilisable.
Et Jean-Paul II va jusqu’à dire : « Cet adultère dans le cœur, l’homme va également le commettre à l’égard de sa propre épouse. S’il la traite seulement comme un objet d’assouvissement de ses instincts » On peut-être adultère avec sa propre femme. Quel est l’état de ton cœur ?… Et après l’audience où il avait affirmé cela, certains ont dit à Jean-Paul II : « Très Saint Père, vous êtes vraiment très exigent » et Jean-Paul II a répondu : « Ce n’est pas moi qui suit exigent. C’est le Christ » C’est le Christ…
Voyez bien ce qu’il se passe et qui doit correspondre à notre expérience intérieure à chacun et chacune. Ce qui se passe, c’est que quand il prend conscience de cet état de son cœur, l’homme tente d’accuser son corps : « C’est pas moi, c’est mes instincts ! » « Nous dans la famille on a toujours été des hommes à femmes ! ».
On tient là la source la plus profonde du manichéisme et de la dévaluation du sens de la sexualité. Ce n’est pas le corps qu’il faut accuser. Le corps est innocent. C’est le cœur qu’il faut redresser ! Et Jean-Paul II dit très clairement là-dessus : « Alors que pour la mentalité manichéenne le corps et la sexualité constituent pour ainsi dire une anti-valeur, pour le christianisme par contre, il reste une valeur trop peu appréciée » et il conclue sans équivoque : « La façon manichéenne de comprendre et évaluer le corps et la sexualité de l’homme est essentiellement étrangère à l’Evangile. Et pas le moins du monde conforme au sens exact des paroles du Christ prononcées dans le discours sur la montagne ». Voilà qui règle définitivement son compte au manichéisme et à toute tentation de mépriser le corps. Et c’est le cœur qu’il faut savoir redresser. C’est le cœur qu’il faut savoir corriger. C’est le cœur qu’il faut accepter de purifier.
• D’où la septième chose à retenir : l’adultère dans le cœur, contrevient à la signification conjugale du corps. Et le Christ appelle tout homme à la retrouver cette signification conjugale du corps. Non pas par le respect extérieur de normes légalistes – encore qu’elles soient nécessaires. Mais elles sont un minimum vital, non pas idéal. Non pas seulement par le respect extérieur de normes légaliste, mais par la purification de son cœur. C’est-à-dire par l’attitude de chasteté. La chasteté qui est la maîtrise, ou la réintégration de l’ordre dans l’orientation de notre cœur qui débouchera sur un ordre dans l’attitude de notre corps. Et Jean-Paul II conclue tout ce commentaire du sermon sur la montagne en disant : « Dans le discours sur la montagne, le Christ invite l’homme non pas à retourner à l’état d’innocence originelle, l’humanité l’a irrévocablement laissée derrière elle, mais à retrouver sur la base des signification éternelles et pour ainsi dire indestructible de ce qui est humain, les forces vives de l’homme nouveau. De cette manière, se noue un lien entre l’origine et la perspective de la Rédemption ».
Alors nous arrivons à la Rédemption et c’est là-dessus que je conclurai. Le premier signe que Jésus donne au début de sa vie publique et que seul saint Jean rapporte, c’est au cours d’un repas. Et ce repas est un repas de noce. C’était à Cana, en Galilée. Et à la question de Marie au Christ « ils n’ont plus de vin », le Christ répond : « Que me veux-tu femme ? Mon heure n’est pas encore venue ».
De quelle heure s’agit-il ?… De quelle heure s’agit-il ?…
Le dernier signe que donne le Christ, c’est également au cours d’un repas. Et ce repas est également un repas de noce. Le repas au cours duquel Il institue l’Eucharistie. Et c’est seulement une fois que l’Eucharistie est instituée, que commence cette grande prière sacerdotale au début du dix- septième chapitre de saint Jean, par ces mots : « Père, l’heure est venue. Glorifie Ton fils ». L’heure du Christ, c’est celle de Ses épousailles avec Son Église. De Ses épousailles consenties dans le don nuptial et rédempteur qu’Il fait à son Église de Son corps et de Son sang.
Et on trouve là la mystérieuse analogie des noces chrétiennes et de celles du Christ et de l’Église que mentionne saint Paul au cinquième chapitre de l’épître aux Éphésiens. Et que commente Jean-Paul II dans sa théologie du corps dans pas moins de vingt-deux audiences. En disant que ce passage de l’épître aux Éphésiens, doit être interprété à la lumière de ce que le Christ nous dit sur le corps humain. Et vous voyez que de même que pour les époux chrétiens, la célébration de l’offrande d’eux- mêmes dans le sacrement de mariage n’est pas achevée à la sortie de l’église. Cette célébration ne s’achèvera que sur la couche nuptiale, avec la consommation du don des corps. Et bien de même, la célébration des noces du Christ et de l’Église, n’est pas achevée avec l’Eucharistie. Elle ne s’achèvera cette célébration, que sur le bois nuptial de la croix sur lequel le Christ acceptera de se coucher dans Son œuvre de rédemption. Alors, ainsi étendu, livré sur le bois nuptial de la croix, et parvenant à l’ultime moment de son œuvre rédemptrice, il pourra dire des mots qui s’appliquent également au mariage : « Tout est accompli » que l’on peut traduire également par « Tout est consommé ».
Les noces du Christ et de l’Église sont pleinement consommées sur la croix. Et Jean-Paul II commentant ce don nuptial ou sponsal du Christ, affirme : Le mariage ne correspond à la vocation des chrétiens que s’il reflète l’amour que le Christ époux donne à l’Église son épouse, et que l’Église s’efforce de donner le Christ en retour du sien. Et c’est pourquoi les époux dans le sacrement de mariage sont appelés à offrir leur chaire l’un pour l’autre dans le don de leur corps, comme dans toutes les autres expressions du langage des corps. Et qu’ils sont également appelés à faire offrande de leur corps dans la fécondité de leur amour, et s’est ainsi que peut s’opérer la réconciliation de la sexualité et de la sainteté. Les époux sont invités à progresser dans la voie de la sainteté à travers et par l’exercice chaste – c’est-à-dire purifié – de leur sexualité. Et non pas malgré et encore moins contre leur sexualité. Nous sommes là aux frontières d’un mystère des plus sublimes qu’il nous faut contempler. Le mariage est une œuvre de don qui nous aide à comprendre le mystère d’un Dieu qui se livre en Son fils jusqu’à se faire don dans le don eucharistique. Et Jean-Paul II va jusqu’à dire que le mariage est ainsi « l’expérience humaine concrète par laquelle, nous deviens quelque peu accessible, le mystère de la communion éternelle des personnes. » Le mariage est l’expression par laquelle Dieu peu nous devenir un tout petit peu compréhensible.
« Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau » proclame le célébrant au nom du Christ. Et à cette invitation du Christ époux, l’Église épouse réponds en chacun de nous comme nous allons le faire tout à l’heure au moment de la messe, par cette parole : « Viens ». C’est cette parole « Viens » que murmure toute épouse à son époux, au moment où elle se sent prête à l’accueillir dans le don des corps. Qui deviens selon l’expression même de Jean-Paul II « le langage même de la liturgie ».
Le lien entre le mariage et l’Eucharistie, entre l’Eucharistie et la sexualité, est un lien théologique radical. Et cette parole « Viens, Maranatha », l’Église ne cessera de la répéter dans chaque Eucharistie, jusqu’au dernier jour, celui du retour en Gloire du Christ époux, qui étanchera à jamais la soif de communion inscrite dès les origines au plus profond de notre être. En étant enfin et pour l’Eternité : Tout en tous.