D’avance Dieu avait destiné Jean Baptiste à venir proclamer la joie des hommes et l’allégresse des cieux. De sa bouche, le monde a entendu tomber les paroles admirables qui annonçaient la présence de notre Rédempteur, l’Agneau de Dieu (Jn 1, 29). Alors que ses parents avaient perdu tout espoir d’obtenir une descendance, l’ange, messager d’un si grand mystère, l’a envoyé pour servir de témoin au Seigneur avant même de naître (Lc 1, 41)…
Il a rempli d’une joie éternelle le sein de sa mère, quand elle le portait en elle… En effet, dans l’Évangile, on lit ces paroles qu’Élisabeth dit à Marie : « Lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1, 43-44)… Tandis que, dans sa vieillesse, elle s’affligeait de ne pas avoir donné d’enfant à son mari, soudain elle a mis au monde un fils qui était aussi le messager du salut éternel pour le monde entier. Et un messager tel que, dès avant sa naissance, il a exercé le privilège de son ministère futur quand il a répandu son esprit prophétique par les paroles de sa mère.
Puis, par la puissance du nom que l’ange lui avait donné d’avance, il a ouvert la bouche de son père fermée par l’incrédulité (Lc 1, 13.20). Lorsqu’en effet Zacharie était devenu muet, ce n’était pas pour le rester mais pour recouvrer divinement l’usage de la parole et confirmer par un signe venu du ciel que son fils était un prophète. Or, l’Évangile dit de Jean : « Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage pour que tous croient par lui » (Jn 1, 7-8). Il n’était certes pas la Lumière, mais il était tout entier dans la lumière, celui qui a mérité de rendre témoignage à la Lumière véritable.
C’est la prière et non le désir sexuel qui a fait concevoir Jean Baptiste. Le sein d’Élisabeth avait passé l’âge de donner la vie, son corps avait perdu l’espoir de concevoir ; malgré ces conditions de désespérance, la prière de Zacharie a permis à ce corps vieilli de germer encore : la grâce et non la nature a conçu Jean. Il ne pouvait être que saint, ce fils dont la naissance provient moins de l’étreinte que de la prière.
Cependant nous ne devons pas nous étonner que Jean ait mérité une naissance si glorieuse. La naissance du précurseur du Christ, de celui qui lui ouvre la voie, devait présenter une ressemblance avec celle du Seigneur notre Sauveur. Si donc le Seigneur est né d’une vierge, Jean a été conçu par une femme âgée et stérile… Nous n’en admirons pas moins Élisabeth qui a conçu dans sa vieillesse, tout comme Marie a enfanté dans la virginité.
Il y a là, je pense, un symbole : Jean représentait l’Ancien Testament, il est né du sang déjà refroidi d’une vieille femme, tandis que le Seigneur, qui annonce la Bonne Nouvelle du Royaume des cieux, est le fruit d’une jeunesse pleine de sève. Marie, consciente de sa virginité, admire l’enfant lové dans ses entrailles. Élisabeth, consciente de sa vieillesse, rougit de son ventre alourdi par sa grossesse ; l’évangéliste dit, en effet : « Elle se tenait cachée cinq mois durant ». Il nous faut admirer aussi que le même archange Gabriel annonce les deux naissances : il apporte une consolation à Zacharie, qui reste incrédule ; il vient encourager Marie, qu’il trouve confiante (Lc 1,26s). Le premier, pour avoir douté, a perdu sa voix ; la deuxième, pour avoir cru aussitôt, a conçu le Verbe Sauveur.