N’est-il pas évident que, par l’échelle de Jacob, c’est vous qui êtes désignée et préfigurée ? Celui-là vit le ciel uni à la terre par les deux extrémités de l’échelle, et les anges, tout au long, descendant et montant, et celui qui est véritable ment le fort et l’invincible luttant symboliquement contre lui ; ainsi vous vous êtes faite la médiatrice, l’échelle par laquelle Dieu descend vers nous : pour relever notre nature sans force, se l’unir intimement, et faire de l’homme une âme qui voit Dieu, vous avez rassemblé ce qui avait été séparé. Et les anges sont descendus vers elle, pour servir leur Seigneur et Dieu, et les hommes qui vivent à la manière des anges sont portés jusqu’au ciel.
Votre âme très sainte et bienheureuse a beau, selon le sort réservé à notre nature, se séparer de votre corps saint et immaculé ; il ne demeure pourtant pas dans la mort, et ne subit pas la corruption ; et celle qui dans l’enfantement a gardé intacte sa virginité, même lorsqu’elle quitte la vie, le corps est conservé, et loin de disparaître, il devient un tabernacle plus pur et plus divin sur lequel la mort n’exerce plus de pouvoir, et qui subsiste pour l’infinité des siècles. De même que le soleil, doué d’une lumière éclatante et éternelle, même lorsqu’un corps humain le cache un moment. et qu’il paraît disparaître en quelque façon et sombrer dans les ténèbres, changeant en obscurité son éclat, n’en garde pas moins sa clarté, ayant une source toujours jaillissante de lumière, étant lui-même source intarissable de lumière, selon le plan de son créateur ; de même vous êtes la source de la vraie lumière, le trésor inépuisable de la vie même, la fontaine abondante de bénédiction, vous qui nous avez procuré et apporté tant de bienfaits ; même si, à un moment, la mort vous a, dans votre corps, cachée à nos yeux ; vous n’en répandez pas moins sur nous les eaux de la lumière infinie de la vie immortelle et de la vraie félicité, la guérison et la bénédiction éternelle”.
Aujourd’hui la Vierge immaculée, qui n’a connu aucune des affections terrestres, mais s’est nourrie des pensées du ciel, n’est pas retournée à la terre ; comme elle était un ciel vivant, elle est placée dans les tabernacles célestes. Qui donc en effet manquerait à la vérité en l’appelant un ciel ; à moins peut-être de la dire, en comprenant bien ce qu’on entend par là, qu’elle est supérieure aux cieux par ses incomparables privilèges. Aujourd’hui le trésor de la vie, l’abîme de la grâce, nous est caché par une mort vivifiante ; sans crainte, elle la voit s’approcher, elle qui a engendré celui qui l’a détruite, si toutefois il est permis d’appeler mort ce départ lumineux de vie et de sainteté. Car celle qui a donné la vraie vie au monde, comment eût-elle pu être soumise à la mort ? Mais elle a obéi à la loi imposée par celui qu’elle a engendré, et comme fille du vieil Adam, elle subit la sentence prononcée contre le père. Son Fils, qui est la vie même, ne l’a pas refusée, il est juste qu’il en soit de même pour la mère du Dieu vivant.
Si le corps saint et incorruptible que Dieu, en elle, avait uni à sa personne, est ressuscité du tombeau le troisième jour, il est juste que sa mère, elle aussi, fût arrachée à la tombe et rejoignît son Fils et que, de même qu’il était descendu vers elle, elle fût emportée dans un tabernacle plus haut et plus précieux, le ciel lui-même ; il importait, dis-je, que celle qui avait donné asile en son sein à Dieu le Verbe, fût placée dans les divins tabernacles de son Fils ; et, de même que le Seigneur avait dit qu’il voulait être en compagnie de ceux qui appartenaient à son père, de même convenait-il que la Mère demeurât au palais de son Fils, dans la demeure du Seigneur, et les parvis de la maison de notre Dieu. Car si là est la demeure de tous ceux qui sont dans la joie où donc eût été la cause de leur joie ? Il fallait que le corps de celle qui, dans l’enfantement, avait gardé une virginité sans tache, fût aussi conservé peu après la mort. Il fallait que l’épouse choisie par Dieu habitât la demeure du ciel. Il fallait que celle qui avait contemplé son Fils en croix et qui avait eu le cœur traversé par le glaive qui l’avait épargnée dans son enfantement, le contemplât lui-même siégeant à côté, du Père. Il fallait enfin que la Mère de Dieu possédât tout ce que possédait son Fils et fût honorée de toutes les créatures.