Il faut souligner que Marie n’est pas ainsi placée hors la rédemption, comme si elle en était exempte, comme si, en devant fournir le moyen, elle y échappait par une sorte de supériorité et de décharge. Non, Marie est rachetée comme nous tous. Elle est rachetée par son Fils. Il n’y a pas d’exception pour elle. Mais il y a quand même privilège.
Quand Marie sera effectivement la Mère de Jésus, la Femme « revêtue du Soleil » en sera tout illuminée elle l’est maintenant par anticipation, pour que le soleil même ne soit pas en quelque sorte obscurci. Les autres ne seront que purifiées ; elle est toute pure. Mère du jour elle ne connaîtra pas la nuit. D’elle et de lui, il se fait un seule pureté, une seule intégrité ardente, qui sera le printemps de l’humanité renouvelée, la douce ivresse du monde.
Car le privilège incomparable et incommunicable accordé à Marie n’en sera pas moins, et n’en est pas moins déjà, dans la pensée providentielle, un trésor de tous. Sauvée par son Fils avant qu’il ne soit né, Marie est son premier trophée de victoire et le gage de tous les autres. Là est la réserve du Christ dans sa lutte contre le mal. Là est ce que le P. Gratry appelle le « point virginal » de l’humanité, par où elle prendra une meilleure conscience d’elle-même quant à ses possibilités, à ses moyens et à son idéal.
Quoi de plus efficace pour concentrer en un seul cas éblouissant la poésie de l’innocence et sa force contagieuse ? Le lis n’est blanc qu’à son sommet ; Marie est blanche de la racine de sa conception à l’achèvement de sa gloire. La jeune mariée est blanche un jour, blanche de son passé et de son présent, d’un sacrement à un autre sacrement, du baptême au mariage ; Marie sera blanche toujours et à travers tout, à travers l’amour et à travers la maternité, et dès maintenant elle prélude. C’est à elle que se compareront désormais les blancheurs.
L’anticléricalisme a beau dire, l’immaculée Conception répond à quelque chose dans notre nature ; elle satisfait le goût de l’intact, du parfait, de ce que représentent pour le poète le nuage éclatant sur le ciel, la neige dite « immaculée », l’hermine, la fleur d’oranger, le papillon d’avril, tous les éveils et tous les matins clairs.
Ah ! pur rayon devenu femme, sourire de la terre délivrée en toi de tout mal et rendue à l’espérance, quelle annonce que ta sainte beauté ! Tu es un nuage d’encens qui se répand dans notre atmosphère ; tu es un flot parfumé qui côtoie nos chemins. Grâce à toi, nous savons ici-bas ce qu’est la vie des anges, et nous n’ignorons plus les grâces de l’Eden. Phénomène de l’ordre moral, miraculée de l’âme, nous apprenons de ta pureté congénitale le prix de la pureté acquise. Ton Immaculée Conception est plus qu’un baptême ; mais elle rehausse la grâce du baptême qu’elle montre exaltée et débordante. Tu es Marie, ce qu’on peut traduire « la Dame » ; sois notre Dame à partir de ce Do qui précède tous les autres, qui les enveloppe de charme et de séduction ravissante pour l’âme tentée ou inquiète, ô Notre-Dame de Blancheur, Notre Dame du Lys !