La seule possibilité de donner la vie ouvre l’acte sexuel sur une perspective d’avenir. Il existe un amour qui oublie le passé, et n’attend rien de plus tard. « Être heureux ici et maintenant, toi et moi ». Un point c’est tout. Un tel amour porte des germes de mort. Seule l’ouverture à l’enfant permet à l’union sexuelle d’échapper à l’emprise mortelle d’un érotisme-égoïsme qui éternise le plaisir du moment présent.
Car, avec l’enfant, c’est toi-même qui te rends éternel, pour ainsi dire.
De toi, va sortir une autre personne. Une personne, en même temps tenant tout de moi, en même temps tout autre. Qui ne peut exister sans moi, et qui pourtant finira par se passer de moi. En qui je vais me retrouver, me reconnaître, et en même temps qui me dé-routera, me déconcertera. Moi encore et déjà plus moi. Déjà lui, elle : absolument unique au monde, unique dans l’histoire du monde !
Et cela, non en passant, de manière transitoire, non pour quelques semaines, mois, ou même, années. Mais… pour toujours, toujours, toujours… Dieu ne donne pas la vie au compte-gouttes. La vie qu’Il donne est éternelle, ou elle n’est pas. Pas humaine, c’est-à-dire pas digne de Dieu… D’un Dieu qui donne tout avec surabondance. D’un Dieu incapable de chronométrer. Zéro en calcul.
Cet être neuf, qui tout à coup est là, ne cessera donc plus jamais d’exister ! Il existe comme Dieu existe ! Rien ne pourra lui arracher la vie, sa vraie vie, la vie de son âme, son cœur profond. On aurait beau le tuer – peut-être dès le ventre de sa mère – son corps aurait beau mourir, lui – lui-même – en ce qu’il a d’unique, ne peut pas mourir. Pouvoir démesuré : celui qu’aucun animal ne pourra jamais exercer, celui qu’un Dieu génial t’a abandonné ! Ce pouvoir ? De nos pauvres corps faire jaillir l’éternité ! Existence toute neuve, du premier coup lancée sur orbite de vie éternelle ! Tu te rends compte ?