Je vous en prie, frères, faites bien attention et, autant que vous le pouvez, tremblez et craignez que l’ennemi cruel du genre humain ne mette la main sur vous et ne nous prenne par sa ruse honteuse, comme il sait le faire pour les imprudents et pour les négligents. Il sait donner, en effet, à certains homicides, voleurs ou adultères, une fausse sécurité en leur faisant croire qu’ils rachètent par leurs aumônes quotidiennes les crimes quotidiens qu’ils ont commis. Ils imaginent ainsi que Dieu, à la manière des juges corrompus, reçoit l’argent et remet les péchés. Certes, Dieu reçoit l’argent et se réjouit de l’aumône, à cette condition toutefois que le pécheur qui offre son argent à Dieu lui offre en même temps son âme. Je vous le demande, frères, où est la justice quand un criminel offre son argent à Dieu par l’aumône, tandis que par le péché il offre son âme au diable ? Ce n’est pas ce que commande le Seigneur dans l’Évangile, lorsqu’il dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Que vous semble-t-il dire sinon que, comme dans un sou vous rendez à César l’image de César, en vous-mêmes vous rendez à Dieu l’image de Dieu.
Quelle que soit l’ampleur des aumônes que tel ou tel puisse faire, s’il n’abandonne pas ses péchés graves, je doute, je doute fort qu’il ne se donne une fausse sécurité et qu’il perde son argent sans racheter ses péchés. Autre chose est de changer de vie, autre chose de « Teindre » sa vie, c’est laver les péchés quotidiens que nous ne pouvons éviter, par des aumônes quotidiennes. Comme je l’ai déjà dit, une aumône généreuse libère l’âme, lorsque le criminel a déjà déserté les péchés qui donnent la mort. Si, au contraire, il donne son argent à Dieu et offre son âme à l’Ennemi, alors s’accomplit la parole de l’Écriture : « Qui se purifie du contact d’un mort et à nouveau le touche, que lui sert son ablution ? »