L’infaillibilité : un titre, un privilège ou une assurance… ? C’est sûrement l’une des notions les plus incomprises et les plus brouillées dans l’opinion de beaucoup. Qu’ajoute donc à la dignité du pape et à son autorité morale le fait qu’il soit reconnu infaillible par ses fidèles ?
Dans un style clair et serein, le C.E.C apporte les explications en mesure de donner une idée juste de l’infaillibilité du pape. D’abord, en rappelant la fragilité de l’homme dans la recherche et la possession de la vérité. Puis en montrant que l’infaillibilité appartient d’abord à Dieu, à son Fils Jésus-Christ venu rendre témoignage à la vérité (Jn 18, 37), à l’Esprit qui conduit à la vérité tout entière (Jn 16, 13). Son infaillibilité, le Christ a voulu la partager à son Église pour tout ce qui concerne la connaissance des vérités contenues dans la Parole de Dieu qu’elle a mission de transmettre. L’infaillibilité de l’Église vient avant celle du pape. C’est pour le service de la Parole que le pape, assisté de l’Esprit-Saint, est déclaré infaillible. Encore que l’exercice de son magistère et son expression infaillible soient liés à des conditions que le CEC ne manque pas de préciser.
Dieu est source de vérité
L’homme en quête de vérité, malgré son désir et son ouverture (C.E.C § 33), demeure souvent impuissant et fragile dans le seul déploiement de son intel ligence pour connaître ce qui le dépasse (37).
Ainsi l’homme a-t-il besoin d’une révélation pour accéder, selon un texte du concile Vatican I « à des vérités morales et religieuses qui, de soi, ne sont pas inaccessibles à la raison, mais qui, dans l’état actuel du genre humain, puissent être connues de tous sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d’erreur » (C.E.C § 38).
La perfection infinie qui appartient au mystère de Dieu (C.E.C § 41) ne saurait se comprendre sans l’attribut de vérité qui est son être même (C.E.C §§ 215,2465). C’est parce que Dieu est véridique (ibid.), qu’Il ne peut ni se tromper ni nous tromper, que le croyant donne foi à sa Parole (C.E.C § 156). C’est donc en Dieu qu’il faut considérer la source de toute infaillibilité.
Cette infaillibilité divine s’est reflétée dans le Fils (C.E.C §§ 217, 241). « Il est venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » ( Jn 18, 37). Sa doctrine n’est pas de Lui, mais de Celui qui l’a envoyé (Jn 7, 16) [voir C.E.C §§ 427, 2471].
L’Esprit-Saint, Esprit de vérité (Jn 14, 17) a reçu mission de conduire les disciples du Christ à la « vérité tout entière » (Jn 16, 13) [voir C.E.C §§ 91, 2466]. Il est présent à l’Église, tout particulièrement pour assister les pasteurs dans leur ministère de transmission et d’enseignement de la Parole (C.E.C §§ 857, 862).
L’Église est dotée de l’infaillibilité
L’Église, Corps du Christ dont Il est la Tête, est infaillible, parce que le Christ a voulu lui partager (C.E.C § 889) ce qui est moins un privilège qu’une assurance d’indéfectibilité dans la transmission de la foi (C.E.C § 890).
L’Esprit-Saint assiste l’Église dans la totalité de ses membres pour que, fidèle à garder le « dépôt de la foi » (C.E.C § 84), elle soit « témoin de son Dieu qui est et qui veut la vérité » (C.E.C § 2464). Il assiste les pasteurs, « maîtres de la foi » (C.E.C § 1558), dans l’exercice de la fonction prophétique qui s’identifie à la mission du magistère (C.E.C §§ 94, 875). Il assiste également les fidèles pour qu’ils gardent l’intégrité de la foi qu’ils ont reçue en donnant leur adhésion à la Parole qui leur a été transmise (C.E.C §§ 91, 889).
Parce que la foi est d’abord connaissance de la vérité du mystère révélé, elle a besoin de s’exprimer dans les mots qui la traduisent (C.E.C § 40, 89). C’est la raison des dogmes définis par le magistère des pasteurs unis au pape (C.E.C §§ 77, 88). Les dogmes sont des formules de la foi issues de la Tradition de l’Église (C.E.C § 78), mémoire vivante de la Révélation divine (ibid). Ils sont le gage de l’assistance de l’Esprit-Saint et de l’infaillibilité de l’Église (C.E.C § 890).
L’infaillibilité personnelle du pape
Au titre de la primauté qu’il exerce dans l’Église (C.E.C §§ 881-882), l’évêque de Rome, successeur de Pierre, jouit personnellement de l’indéfectibilité dans l’exercice de son magistère (C.E.C § 891).
Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette infaillibilité du pape ne doit être comprise ni comme le privilège d’être assuré contre la tentation et le péché, ni comme le gage d’une supériorité surhumaine, ni moins encore comme un droit à tout dire et à décider de tout.
Son infaillibilité, le pape l’exerce dans des conditions précises. L’objet se limite au champ de la foi et des moeurs (C.E.C §§ 891, 2035). Il y faut aussi le respect des forrnes : il s’agit de déclaration solennelle et publique, destinée à l’Église tout entière (ibid.), ce que l’on désigne par l’expression ex cathedra. C’est dire que l’exercice de l’infaillibilité pontificale est peu fréquent. Depuis la définition du concile Vatican I qui l’a promulguée, le pape n’en a usé que pour l’Assomption de la Vierge (C.E.C § 966).
Le pape peut ne pas être seul à proclamer une définition dogrnatique. Les évêques rassemblés en concile œcuménique – c’est-à-dire réunis comme représentants de l’Église universelle – ont aussi autorité infaillible pour définir une vérité de la foi (C.E.C § 891). Mais ils ne peuvent le faire qu’en union et avec l’assentiment du pape. Ce fut le cas au concile Vatican I qui justement a proclamé l’infaillibilité personnelle de l’évêque de Rome.
Le magistère ordinaire
Il convient de distinguer le magistère solennel, dit extraordinaire, du magistère pontifical ou épiscopal qui s’exerce sous des formes plus ordinaires de déclarations ou d’exhortations destinées, en raison de certaines circonstances, au Peuple de Dieu. Il s’agit alors pour les pasteurs de tenir la responsabilité d’ensei gnement des fidèles pour affermir et éduquer leur foi (C.E.C § 892).
C’est en particulier sur le plan de la morale et de la conduite de vie conforme à l’Évangile que s’exerce ce magistère ordinaire (C.E.C §§ 2032-2034).
C’est également sur le plan très concret de la loi naturelle (C.E.C § 2036) et des problèmes de justice (C.E.C §§ 2246, 2420) et de morale familiale et sexuelle (C.E.C §§ 2351 s.) que l’opinion critique est souvent tentée de contester le magistère. Le chrétien est renvoyé à sa conscience assistée de l’Esprit-Saint, pour accueillir et donner son assentiment filial (C.E.C § 2040) à un enseignement qui n’a d’autre fin que de transmettre les appels et les obligations morales qui découlent du baptême (C.E.C § 2039).
Loin de considérer le charisme de l’infaillibilité comme une sorte de faveur attachée à la fonction du pape et des évêques, il faut le voir comme la caution donnée par le Seigneur à ceux qu’il a appelés pour le service de son Église. Ainsi en témoigne la belle prière de l’ordination épiscopale citée par le CEC (C.E.C § 1587) : « Seigneur, remplis du don du Saint-Esprit celui que Tu as daigné élever au degré du sacerdoce afin qu’il soit digne de se tenir sans reproche devant ton autel, d’annoncer l’Évangile de ton Royaume et d’accomplir le ministère de ta parole en vérité ».