L’histoire des origines d’un petit village du Bénin telle qu’elle est racontée par ses habitants
Origine du fleuve
Togbo veut dire « l’ancêtre », d’après l’arbre généalogique, ancêtre veut dire « grand-père de mon père ». Le peuple vient de Adja, dans le département du Mono. Tobgo est une personne humaine, un ancien, il s’est marié à Avacon avec une femme appelée Ava, le nom de cette femme a donné le nom de la région.
Une fois mariés, Ava et Togbo ont quitté Avacon pour aller à Ifangni, dans le département de l’Ouémé. Là-bas, Togbo et Ava vécurent ensemble durant cent ans, ils firent de nombreux enfants et connurent leurs petits enfants. Il y eu donc des « arrières fils » et des « arrières petits fils ».
Mais le peuple manquait d’eau. Cette denrée pourtant si vitale était si rare qu’elle était source de dispute. Alors Togbo, voyant sa grande famille souffrir du manque d’eau, promit à ses enfants de régler ce problème. Togbo était alors très vieux, il était si vieux qu’il ne pouvait faire les gestes quotidiens tout seul.
Un jour ses enfants retrouvent la porte de sa chambre verrouillée. On retrouve une montagne de sable à l’intérieur de sa chambre, de cette dune jaillit de l’eau. Grâce au « fa », la science vodoun, les enfants de Togbo discernèrent dans ce signe la marque de l’ancien, ils comprirent que le problème de manque d’eau était résolu pour toujours. En contrepartie, ils se devaient de vénérer l’ancêtre, celui-ci étant devenu une divinité : « Tovodou ».
Des interdits devaient aussi être respectés :
- ne pas uriner dans l’eau
- une femme ayant accouché ne doit pas s’approcher du fleuve durant trois mois, et aussi durant ses périodes de menstruation
- une personne en pirogue doit faire face au sens de la marche
- il y a aussi des règles secrètes réservées aux initiés
L’eau finit par gagner tout le département de l’Ouémé rejoignant ainsi les nombreux enfants de Togbo qui occupaient déjà tout le département. Les « Agoénou », ceux qui vivent sur la terre ferme, se virent finalement tous visités par l’eau et devinrent des « Toffinous », des hommes de l’eau.
Origine des crues
Houinsou, le frère cadet de Togbo [1], était un chasseur. Il résidait à Kinto. Les enfants de Houinsou voulaient savoir où se trouvait leur oncle. Houinsou partit donc à la recherche de son frère accompagné de son chien. Après plusieurs jours de marche Houinsou remarqua que son chien avait trouvé le moyen de se baigner, or celui-ci avait besoin d’eau pour continuer sa route. Afin de trouver l’eau Houinsou perça une boite de lait (un lampion à l’origine) qu’il remplit de cendre, il attacha la boite autour du cou de l’animal, le chasseur n’aurait plus qu’à suivre les traces de cendres répandues le long du trajet de son chien, ce qu’il fit.
Houinsou finit par arriver le long de l’eau, qui à ce moment là n’était pas encore arrivée au niveau de Togbota. Arrivée à l’endroit de l’eau celle-ci se mit à bouillonner en cherchant à engloutir le chasseur. En effet, Tobgo ne voulait pas que son frère Houinsou sache où il se trouvait pour que celui-ci n’entraîne pas avec lui toute sa famille qui serait immanquablement attirée par l’eau. Afin de ne pas être noyé, Houinsou déposa son fusil à l’endroit du bouillonnement de l’eau en disant « sreté », ce qui veut dire « arrête-toi », et le fleuve s’arrêta de bouillonner et recula jusqu’au point de Togbota. Depuis lors, le lieu de cet événement porte le nom de Sreté, sur lequel fut bâtît le village du même nom. Houinsou partit chercher ses enfants et rejoint le Togbo à Togbota. C’est depuis ce jour là que le fleuve, quittant son lit en fuyant Houinsou, connaît des périodes de crues. Et c’est ainsi que les habitants de Togbota « Agué », c’est-à-dire « de la terre ferme », devinrent des « Toffinous » à leur tour.
Origine de la forêt sacrée
En dehors du peuple issu de la grande famille de Togbo beaucoup d’hommes vinrent, attirés par l’eau. Les enfants de Togbo tissèrent des liens d’amitié avec eux. Mais la prospérité des enfants de Togbo finit par attiser la jalousie et, d’amis, ces hommes devinrent ennemis. Ils cherchèrent à chasser les enfants de Togbo de leur territoire et prirent les armes.
Une nuit, les ennemis attaquèrent le village de Togbota. Or, cette nuit là, un tronc d’arbre recouvrit tout le fleuve. Les enfants de Togbo, fuyant leurs agresseurs, se réfugièrent sur cet étrange tronc d’arbre, mais voilà que celui-ci n’était rien d’autre qu’un gigantesque crocodile ! En effet, l’ancêtre Togbo voyant la détresse de ses enfants se transforma en crocodile pour leur porter secours, et ceux-ci purent traverser le fleuve sans encombre. Les ennemis, croyant eux aussi que le crocodile n’était qu’un tronc d’arbre, montèrent eux aussi sur le crocodile, mais celui-ci s’enfonça dans le fleuve, entraînant avec lui les ennemis de ses descendants par le fond, et ceux-ci se noyèrent. C’est ainsi que les enfants de Togbo résidant à Togbota furent sauvés une première fois. Aujourd’hui encore, par reconnaissance, les enfants de Togbo ne mangent toujours pas de crocodiles.
Le roi des ennemis fut très mécontent de l’issue des événements. N’acceptant pas la défaite, il réarma ses guerriers et prit la tête du reste de son armée afin de se venger des enfants de Tobgo et de mener son projet de conquête à bien. Lui et son armée s’enfoncèrent donc dans la forêt proche du village pour attaquer ses habitants par surprise. Mais l’ancêtre, Togbo, armé du couteau Dinkpo, les rejoint et les décapita tous, cela se passa à Djado. Ce fut la seconde et ultime défaite des ennemis. Depuis lors, la forêt où eut lieu cette bataille est devenue sacrée, les têtes des ennemis sont encore enterrées dans cette forêt. Personne ne peut ramasser un objet s’il l’a laissé tomber à cet endroit. Aujourd’hui encore, les habitants de Adja, descendants des ennemis, ne se marient toujours pas avec les habitants de Togbo, et ces deux peuples ne viennent pas séjourner sur le territoire de l’autre sous peine de discorde grave allant jusqu’à l’homicide.
Désormais les descendants de Togbo vivent dans la paix et la sécurité, le fleuve Togbo les protégera tant qu’ils vénèreront l’ancêtre et observeront les interdits.
Contributions et remerciements
L’histoire de l’origine de Togbota racontée par ses habitants a été recueillie en avril 2011. Nos remerciements au chef d’arrondissement, Mr. Gaston Savi, au chef du village, aux anciens, et à tous les membres du village qui nous ont apporté leur concours. En particulier Isidore Vodounnou pour ses illustrations.
Note
[1] Un habitant de Togbota – lecteur de l’article ici présent – nous fait part d’une précision sur ce récit à propos de Houinsou, il s’agit peut-être d’une variante de l’histoire : celui-ci ne serait pas le frère cadet de Togbo mais le serait devenu par reconnaissance au bien qu’il a fait aux togbotanoux, en retrouvant le Togbo tant cherché.