Le service de la parole est premier. Origène dit du prêtre qu’il est « les lèvres du Christ ». Il dit aussi que l’homéliste doit être un spirituel et qu’il lui faut préparer son homélie : « Impossible de faire une homélie sans l’Église, si celui qui prêche ne se convertit pas à l’Écriture ». Il doit devenir Évangile. Il doit travailler : « Il nous faut dépenser beaucoup de peine pour préparer les discours qu’on adresse à l’assemblée du peuple » (Jean Chrysostome). Celui qui est ministre de la Parole doit pénétrer l’Évangile par un travail scientifique et par une lecture spirituelle, la « lectio divina ». C’est ce qu’Origène appelle « creuser un puits ».
Un sermon n’est jamais bon s’il n’est pas préparé à genoux : « Que le prêtre soit un orant avant d’être un orateur » (Augustin). Alors il pourra être « un semeur d’éternité » (Hilaire de Poitier).
Serviteur de la Parole
La Parole de Dieu est la nourriture quotidienne du prêtre : « Médite chaque jour les paroles de ton Créateur. Découvre le cœur de Dieu dans les Paroles de Dieu » (Grégoire le Grand). Cette Parole de Dieu que le prêtre annonce, il l’écoute avec ses frères prêtres et laïcs. Tous, nous sommes à la même école, celle du Christ :
Pour vous, nous sommes comme des pasteurs, mais avec vous, nous sommes brebis sous la garde du Pasteur. Pour vous, de cette place, nous sommes comme des professeurs, mais avec vous, sous l’autorité du Maître unique, nous sommes camarades de classe à la même école que vous.
Le prêtre ne quitte pas la Bible. L’Écriture est pour les Pères un tabernacle, lieu d’une présence. Elle est un « manger », une manducation. C’est pourquoi les Pères invitent à respecter l’Écriture autant que le pain eucharistique :
Quand nous allons aux mystères, si une parcelle vient à tomber, nous sommes inquiets. Quand nous entendons la Parole de Dieu, si nous pensons à autre chose pendant que cette Parole qui est le Corps et le Sang du Christ entre dans nos oreilles, quelle responsabilité n’encourrons-nous pas ?
La Bible est comme une lettre qui nous est adressée :
Qu’est-ce que l’Écriture sainte, sinon une sorte de lettre du Dieu Tout-Puissant à sa créature ? Le Maître des hommes et des anges t’envoie ses écrits pour ta vie. Étudie, médite chaque jour les paroles de ton Créateur.
Mais avant d’ouvrir l’Écriture, les Pères invitent à prier l’Esprit Saint :
Que l’Esprit Saint ouvre mes yeux et mon cœur – Avant la lecture de la Bible, prie et supplie l’Esprit Saint pour qu’il se révèle à toi.
Homme de l’Eucharistie
Le prêtre est aussi, selon les Pères, l’homme de l’eucharistie. Il exhorte le peuple à venir à l’assemblée, « à ne pas la déserter, mais à s’y rassembler toujours » (Didascalie). Le prêtre offre le pain de vie pour la route :
Le Christ est le viatique de notre voyage, notre nourriture sur le chemin de la Vie.
L’Eucharistie est nourriture d’immortalité, remède pour vivre, « antidote pour ne pas mourir mais pour vivre en Jésus-Christ pour toujours » (Ignace d’Antioche) ou encore : « On ne doit pas s’écarter de ce remède quotidien qu’est le Corps du Seigneur » (Augustin). C’est pourquoi dit Irénée :
Nos corps qui sont mourris par l’Eucharistie, après avoir été couchés dans la terre et s’y être dissous, ressusciteront en leur temps, lorque le Verbe de Dieu les gratifiera de la résurrection pour la gloire de Dieu le Père.
Une définition par Augustin
Selon Augustin, quatre termes définissent le prêtre : « veiller », « porter », « servir », « être Pasteur » :
- « Veiller ». Le prêtre veille sur les autres, il est attentif à prendre soin d’eux.
- « Porter ». Le prêtre porte le peuple qui lui est confié. Sa mission est lourde, mais il la porte avec le Christ. Ainsi, son fardeau devient léger, selon les paroles du Seigneur.
- « Servir ». Le prêtre est serviteur du peuple qui appartient à Dieu, serviteur à l’image du Christ.
- « Être Pasteur ». Le seul Pasteur est le Christ. Il est le Pasteur des pasteurs que sont les prêtres.
« Il y a un corps de pasteurs », dit Augustin. Ensemble les pasteurs et les brebis sont les membres de seul Pasteur. Les pasteurs et les brebis ensemble sont des brebis. Les pasteurs sont des chrétiens, des fidèles parmi les autres, des chrétiens avec eux et comme eux écoutant la Parole de Dieu. Le Pasteur est celui qui aime, c’est celui qui va jusqu’au bout, jusqu’au don de sa vie par amour :
Que Dieu nous donne la force de vous aimer de telle sorte que nous puissions aussi mourir, pour vous, soit de tout notre corps, soit de tout notre cœur.
L’attention aux pauvres
Basile de Césarée affirme avec force que c’est un devoir sacerdotal de s’occuper des nécessités corporelles de ceux qui lui sont confiés. Dans les rituels d’ordinations de la période patristique on trouve une série de consignes.
Souviens-toi des pauvres, prends-les par la main et nourris-les.
[Que le prêtre soit] prêt à donner, bon envers les veuves et les étrangers, prévenant, serviable, empressé […] qu’il n’honore ni le flatte indûment le riche, qu’il ne méprise ni n’opprime le pauvre […] Les dons volontaires, apportés pour les pauvres, qu’il les distribue équitablement aux orphelins, aux veuves, aux malheureux et aux étrangers sans ressources, sachant que celui qui le contrôle en ce domaine, c’est Dieu, qui le contrôle en ce domaine, c’est Dieu, qui lui a confié cette gestion.
Le prêtre doit non seulement avoir le souci des pauvre, mais aussi d’en porter la tâche :
Le prêtre doit être compatissant, miséricordieux envers tous ; qu’il ramène les égaré, qu’il visite tous les malades, sans négliger la veuve, l’orphelin, le pauvre, mais qu’il pense toujours à faire le bien devant Dieu et devant les hommes.
Il doit mener une vie pauvre :
Voulez-vous savoir la différence entre les prêtres de pharaon et le prêtres de Dieu ? Le pharaon donne des terres à ses prêtres. Le Seigneur dit au siens : je suis votre part d’héritage… Quiconque n’a pas renoncé à tout ce qu’il possède ne peut-être mon disciple. Et je tremble en disant cela car, avant tout autre, c’est moi que je condamne.
Restaurer la créature
Pour Grégoire de Nazianze, le but du ministère est de restaurer l’image de Dieu dans l’homme. Le prêtre est au service de la guérison de l’humanité, il est le distributeur des forces qui divinisent par l’annonce de l’Évangile et la célébration des sacrements.
Le prêtre permet aux hommes de « toucher Dieu » et même de le devenir… il installe le Christ dans les cœurs par l’Esprit, il restaure la créature, il manifeste l’image, il travaille pour le monde d’en haut. Et pour dire le plus grand, il est un dieu pour faire des dieux.
Pour Jean Chrysostome, le prêtre est « sacrement » de la grâce de Dieu. Par lui, Jean souligne bien que Dieu seul opère avec son Fils. Le prêtre parle, accomplit les signes, mais c’est Dieu qui agit.
Si ce n’est pas Dieu qui opère par lui, il n’y a plus ni baptême, ni communion aux mystères, ni bénédiction ; tu n’es plus chrétien. Le prêtre est indigne ? Qu’est-ce que cela fait à la chose ? Ce n’est pas la vie du prêtre, ce n’est pas sa vertu qui accomplit de telles choses. Tout vient de la grâce. Au prêtre revient seulement d’ouvrir la bouche. Mais c’est Dieu qui opère tout. Lui accomplit seulement le signe.
Que ces lignes permettent aux prêtres de « raviver le don de Dieu qu’ils ont reçu » (2 Tm 1, 6) et d’entendre toujours plus l’appel du Seigneur à aller annoncer l’Évangile. Qu’elles donnent aussi toujours le goût de la contemplation du mystère de Jésus ; car avant de se lancer dans l’action pastorale, il est bon de contempler le Seigneur. La contemplation de Christ fut la source de l’activité missionnaire des Pères de l’Église.