1. Les textes des prophètes ont une grande importance pour comprendre le mariage comme alliance de personnes (à l’image de l’Alliance de Jahvé avec Israël) et, en particulier, pour comprendre l’alliance sacramentelle de l’homme et de la femme à la dimension du signe. Le langage du corps entre – comme on l’a déjà été considéré précédemment – dans la structure intégrale du signe sacramentel dont l’être humain, homme et femme, est le sujet principal. Ce signe est constitué par les paroles du consentement conjugal, parce qu’y est exprimée la signification nuptiale du corps dans sa masculinité et féminité. Ce sont surtout les paroles : « Moi … je te prends, toi … pour mon époux … pour mon épouse » qui expriment cette signification. De plus, ces paroles confirment la « vérité » essentielle du langage du corps et excluent également (au moins de manière indirecte, implicite), l’essentielle « non-vérité », la fausseté du langage du corps. Le corps, en effet, dit la vérité à travers l’amour conjugal, la fidélité et l’honnêteté conjugales, de même qu’il exprime la non-vérité, c’est-à-dire la fausseté, à travers tout ce qui est négation de l’amour conjugal, de la fidélité et de l’honnêteté conjugales. On peut donc dire qu’au moment de proférer les paroles du consentement conjugal les nouveaux époux se placent sur la ligne du « prophétisme du corps » lui-même, dont les anciens prophètes furent les porte- parole. Le langage du corps exprimé de vive voix comme sacrement de l’Eglise par les ministres du mariage institue le même signe visible de l’alliance et de la grâce qui – remontant par son origine au mystère de la Création – se nourrit constamment de la force de la Rédemption du corps que le Christ offre à l’Église.
2. Selon les textes des prophètes, le corps humain parle un langage dont il n’est pas l’auteur. Son auteur est l’être humain qui, comme homme et femme, comme époux et épouse, médite correctement la signification de ce langage. Il médite donc cette signification du corps comme intégralement inscrite dans la structure de la masculinité ou féminité du sujet personnel. Une méditation correcte dans la vérité est condition indispensable pour proclamer cette vérité, c’est-à- dire pour instituer le signe visible du mariage comme sacrement. Les époux proclament précisément ce langage du corps, médité dans la vérité, comme contenu et principe de leur vie nouvelle dans le Christ et dans l’Eglise. Sur la base du prophétisme du corps, les ministres du sacrement du mariage accomplissent un acte de caractère prophétique. Ils confirment de cette manière leur participation à la mission prophétique que le Christ a confiée à l’Eglise. Le prophète est quelqu’un qui exprime avec des mots humains la vérité qui provient de Dieu, qui profère cette vérité à la place de Dieu, en son nom et, en un certain sens, sous son autorité.
3. Tout ceci se réfère aux nouveaux époux qui, comme ministres du sacrement du mariage, instituent, grâce aux paroles du consentement conjugal, le signe visible, proclamant le langage du corps, médité dans la vérité, comme contenu et principe de leur nouvelle vie dans le Christ et dans l’Eglise. Cette proclamation prophétique a un caractère complexe. Le consentement conjugal est à la fois annonce et cause du fait que désormais ils seront, eux deux, mari et femme devant l’Eglise et la société. (Nous comprenons cette annonce comme indication au sens ordinaire du terme.) Le consentement conjugal a toutefois le caractère d’une profession réciproque des nouveaux époux, faite devant Dieu. Il suffit de se pencher attentivement sur le texte pour être convaincus que cette proclamation prophétique du langage du corps, examinée dans la vérité, est immédiatement et directement adressée par le moi au toi; par l’homme à la femme, et par la femme à l’homme. Ont précisément la place centrale dans le consentement conjugal les paroles qui indiquent le sujet personnel, les pronoms personnels moi et toi. Le langage du corps, médité dans la vérité de sa signification conjugale, constitue l’union-communion des personnes moyennant les paroles des nouveaux époux. Si le consentement conjugal a un caractère prophétique, s’il est la proclamation de la vérité provenant de Dieu, et en un certain sens l’énoncé de cette vérité au nom de Dieu, cela se réalise surtout selon la dimension de la communion interpersonnelle et seulement de manière indirecte devant les autres et pour les autres.
4. Sur le fond des paroles que prononcent les ministres du sacrement du mariage, il y a l’éternel langage du corps auquel Dieu a donné origine en créant l’être humain homme et femme : langage qui a été renouvelé par le Christ. Cet éternel langage du corps contient toute la richesse et la profondeur du mystère : d’abord de la Création, puis de la Rédemption. Les époux, actualisant le signe visible du sacrement par les paroles de leur consentement conjugal, y expriment le langage du corps, avec toute la profondeur du mystère de la Création et de la Rédemption (la liturgie du sacrement du mariage en offre un riche exemple). Réexaminant de cette manière le langage du corps, non seulement les époux enferment dans les paroles du consentement conjugal la plénitude subjective de la promesse, indispensable pour réaliser le propre signe de ce sacrement, mais, en un certain sens, ils remontent également aux sources mêmes où le signe puise chaque fois son éloquence prophétique et sa force sacramentelle. Il n’est pas permis d’oublier qu’avant de franchir les lèvres des époux, ministres du sacrement en tant que sacrement de l’Eglise, le langage du corps a été articulé par la parole du Dieu vivant : il a commencé dans le livre de la Genèse pour rejoindre, à travers les prophètes de l’Ancienne Alliance, l’auteur de l’épître aux Ephésiens.
5. Nous utilisons ici à maintes reprises l’expression langage du corps, nous reportant aux textes prophétiques. Comme nous l’avons déjà dit, le corps humain parle, dans ces textes, un langage dont il n’est pas l’auteur au sens propre du terme. L’auteur en est l’être humain – homme et femme – qui analyse le vrai sens de ce langage, ramenant au jour la signification conjugale du corps comme inscrite dans la structure même de la masculinité et de la féminité du sujet personnel. Cette analyse « dans la vérité » du langage du corps confère déjà d’elle-même un caractère prophétique aux paroles du consentement conjugal par lesquelles l’homme et la femme actualisent le signe visible du mariage en tant que sacrement de l’Eglise. Ces paroles contiennent toutefois quelque chose de plus qu’une simple relecture dans la vérité de ce langage qu’expriment la masculinité et la féminité des nouveaux époux dans leurs relations mutuelles : « Je te prends pour mon épouse – pour mon époux ». Les paroles du consentement conjugal contiennent l’intention, la décision, le choix. Les deux époux décident d’agir conformément au langage du corps, relu dans la vérité. Si l’être humain, homme et femme, est l’auteur de ce langage, il l’est surtout en ce sens qu’il veut conférer – et confère effectivement – à son comportement et à ses actions, la signification conforme au langage de la masculinité et de la féminité dans leur relation conjugale réciproque.
6. Dans ce cadre, l’homme est l’artisan des actions qui ont d’elles-mêmes des significations définitives. Il est donc artisan des actions et en même temps auteur de leur signification. La somme de ces significations constitue en un certain sens l’ensemble du langage du corps par lequel les époux décident de parler entre eux comme ministres du sacrement du mariage. Le signe qu’ils actualisent par les paroles du consentement conjugal n’est pas simplement un signe immédiat et passager, mais un signe prospectif qui produit un effet durable, c’est-à-dire le lien conjugal, unique et indissoluble (« tous les jours de ma vie », c’est-à-dire jusqu’à la mort). C’est dans cette perspective qu’ils doivent combler ce signe du multiple contenu, offert par la communion conjugale et familiale des personnes, et aussi du contenu qui, produit par le langage du corps, est continuellement relu dans la vérité. De cette manière, la vertu essentielle du signe restera liée organiquement à l’éthos de la conduite conjugale. Dans cette vérité du signe, et par la suite, dans l’éthos de la vie conjugale, s’insère de manière prospective la signification procréatrice du corps, c’est-à-dire la paternité et la maternité dont nous avons traité précédemment. À la question : « Etes-vous disposés à accueillir de manière responsable, avec amour, les enfants que Dieu voudra vous donner et à les éduquer selon la loi du Christ et de son Église ? », l’homme et la femme répondent : « Oui ».