Chaque fois que le prudent lecteur trouvera dans les livres quelque chose concernant la chair ou le corps du Dieu Jésus, qu’il ait recours à cette triple définition de sa chair ou de son corps, telle que je ne l’ai pas trouvée dans ma présomption ni forgée par mon sens propre, mais telle que je l’ai tirée des sentences des Pères…
Il faut en effet se représenter autrement cette chair ou ce corps qui pendit au bois et est sacrifié sur l’autel, – autrement sa chair ou son corps qui est Vie demeurant en celui qui l’a mangé, – autrement enfin sa chair ou son corps, qui est l’Église : car l’Église est dite la chair du Christ…
Non que nous voulions décrire le Christ comme ayant trois corps, ainsi que la fable le rapporte du fameux Géryo [1][a], alors que l’Apôtre atteste que le Corps du Christ est unique. Mais c’est selon la façon dont la foi le contemple que l’intelligence ou le sentiment pose cette diversité. Quant à la réalité elle-même, elle obtient la pure vérité de sa simplicité. En effet, cette trinité du Corps du Seigneur ne doit pas être comprise autrement que comme le Corps lui-même du Seigneur, considéré soit selon l’essence, soit selon l’unité, soit selon l’effet. Car le corps du Christ pour autant qu’il est en lui, se livre à tous en nourriture de vie éternelle, et il fait que ceux qui le reçoivent fidèlement vivent en unité avec lui, et par l’amour spirituel et par le partage de sa propre nature, à lui qui est la Tête du Corps de l’Église.
[1] Virgile, Énéide, 8, 202, Lucrèce, De natura rerum, 5, 28 ; etc.
Note de Testimonia
[a] Plus proche de nos références contemporaines voir aussi Géryon, être mi-homme mi serpent, symbole de la tromperie et passeur pour le huitième cercle dans l’Enfer de Dante.