Quand Joseph était en exil avec l’enfant et sa mère, il apprit de l’ange, pendant son sommeil, qu’Hérode était mort. Mais, ayant entendu dire qu’Archélaüs son fils régnait dans le pays, il n’en continua pas moins d’avoir grande crainte que l’enfant ne fut tué.
Hérode qui poursuivait l’enfant et voulait le tuer, c’est le monde qui, sans aucun doute, tue l’enfant, le monde qu’il faut nécessairement fuir et qu’on a le devoir de fuir, si toutefois on veut sauver l’enfant. Mais une fois qu’on a fui extérieurement le monde dans des ermitages ou dans des cloîtres, Archélaüs se lève et règne, c’est-à-dire qu’il y a encore tout un monde en toi, un monde dont tu ne triompheras pas sans beaucoup d’application et le secours de Dieu, car c’est un ennemi fort et acharné que tu as à vaincre en toi, et c’est à peine si jamais on en triomphe.
Archélaüs, c’est l’orgueil spirituel : tu veux être vu, considéré, écouté, tu veux plaire par tes vêtements, ta conduite, tes entretiens élevés, tes manières, ta sagesse, tes relations, ta famille, ton bien, ton honneur ou par quelque autre chose de ce genre. Tout cela, c’est la semence de l’Ennemi et son œuvre, sans aucun doute. Veux-tu devenir de plus en plus cher à Dieu ? Tu dois renoncer complètement à de tels procédés, car cela c’est bien Archélaüs, le méchant. Crains et prends garde ! En vérité, il veut te tuer l’enfant.
C’est par l’ange que Joseph fut averti ! Voici où s’égarent beaucoup de personnes de haute spiritualité : elles veulent, d’elles-mêmes, rompre violemment les multiples mailles du filet, avant que Dieu les en dégage, avant que l’ange les en fasse sortir ou les exhorte ; et cela les fait tomber en de redoutables erreurs. Elles veulent, avant que Dieu les en délivre, se délivrer elles-mêmes par la subtilité de leur propre raison, et, avec des discours élevés, contempler et dire des choses sublimes au sujet de la Trinité. Quelle misère et quelles erreurs sont sorties de là et en sortent encore tous les jours ! C’est une désolation pour ceux qui le savent. Ces gens ne veulent pas supporter les liens qui les emprisonnent dans les ténèbres d’Egypte. Mais, sache-le bien : aucune des créatures que Dieu a jamais faites ne peut te mettre au large, ni même t’aider à sortir. Dieu seul le peut. Cours, cherche, bats les chemins du monde entier, tu ne trouveras ce secours en personne qu’en Dieu seul. Notre Seigneur veut-il prendre un instrument, un ange ou un homme, pour faire cette œuvre ? Il le peut ; mais c’est lui qui doit le faire et personne d’autre. C’est pourquoi cherche ce secours à l’intérieur, dans le fond ! Cesse tes courses au dehors ! Abandonne-toi, soumets-toi et demeure là, dans la terre d’Egypte, dans les ténèbres, jusqu’à ce que tu aies été invité par l’ange à en sortir.
Bien que l’ange lui eût dit qu’ils étaient morts, Joseph continua de craindre ceux qui cherchaient l’âme de l’enfant. C’est là l’erreur de ceux dont nous avons parlé : ils veulent perdre toute crainte. Tu ne surmonteras jamais toute crainte, tant que tu vis sur cette terre. « La sainte crainte doit demeurer éternellement. » (Ps 19.10) Même si l’ange te rassurait comme Joseph, tu devrais encore craindre et rechercher avec soin qui règne en toi, si Archélaüs ne commande pas encore quelque part.