Toute la piété et toute la théologie mariales postérieures reposent fondamentalement sur le fait que l’Ancien Testament contient une théologie de la femme profondément ancrée en lui et indispensable à sa construction globale : contrairement à un préjugé largement répandu, la figure de la femme tient une place irremplaçable dans la structure globale de la foi et de la piété vétérotestamentaires (Louis BOUYER, Mystère et ministère de la femme, coll. Présence et Pensée, Aubier Montaigne, 1976). Il est rare que ce contenu objectif soit suffisamment envisagé, si bien que la lecture partielle de l’Ancien Testament ne permet pas d’ouvrir la porte sur la compréhension de ce qui est marial dans l’Église du Nouveau Testament. Un seul aspect est habituellement pris en considération : les prophètes mènent un combat contre la déesse céleste, un combat contre la religion de la fécondité qui représente Dieu comme homme et femme. Il existe ainsi dans la pratique un combat résolu contre la présentation cultuelle de la femme divine dans la prostitution sacrée, un combat contre un culte qui célèbre la fécondité par imitation d’une luxure cultuelle. De ce point de vue, l’idolâtrie est volontiers désignée dans la littérature de l’Ancien Testament par le mot « prostitution ». Le refus de ces représentations semble avoir la conséquence suivante : le culte d’Israël est à l’origine une affaire d’homme car la femme reste sur le parvis du Temple (L. BOUYER, op. cit., p. 19 ss.).
Dans la foi de l’Ancien Testament, la femme ne tient positivement aucune place, a-t-on conclu ; une théologie de la femme n’existe pas ou ne peut pas exister, puisque bien plus il s’agit précisément d’exclure la femme de la théo-logie, du discours sur Dieu. La mariologie ne serait alors considérée que comme l’intrusion d’un modèle non biblique. Par conséquent, le Concile d’Éphèse (431) qui confirma la titre de Marie comme « Mère de Dieu » et le défendit, a assuré en réalité une place dans l’Église à la « grande génitrice » de la piété païenne, autrefois repoussée. Mais précisément les présupposés vétérotestamentaires de cette approche sont erronés car si la foi prophétique refuse le modèle de « Syzygies », c’est à dire des divinités représentées en couple et de leur correspondance cultuelle dans la prostitution sacrée, elle attribue cependant à sa façon, par son modèle de foi et de vie, une place indispensable à la femme, correspondant au mariage dans la vie humaine (Zur théologie der Ehe, in GREEVEN, RATZINGER, SCHNAKENBURG, WENDLAND, Theologie der Ehe, Ratisbonne-Göttingen, 1969, pp. 81-115). Autrement dit : si le culte universellement répandu de la fécondité fonde directement du point de vue théologique la prostitution, alors la relation de l’homme et de la femme dans le mariage exprime la conséquence de la foi au Dieu d’Israël. Ici, le mariage est directement traduction de la théologie, conséquence d’une image divine. Ici, et précisément ici, existe au sens propre une théo-logie du mariage, de même que dans le culte de la fécondité existe une théologie de la prostitution. À vrai dire demeure dans l’Ancien Testament l’ombre de divers compromis ; mais la décision de Jésus en Mc 10, 1-12 et le développement théologique de Ep 5 sont une pure conséquence de la théologie vétérotestamentaire ; avec cette conséquence surgissent en même temps l’idée et la réalité de la virginité qui est très étroitement associée au fondement théologique du mariage, non opposé à lui mais signifiant son fruit et sa confirmation.
[…] Ainsi nous pouvons dire que la figure de la femme est indispensable à la cohérence de la foi biblique. Elle exprime la réalité de la Création, elle exprime la fécondité de la grâce.