Première audience générale sur la théologie du corps
1. Depuis un certain temps des préparations sont en cours en vue de la prochaine assemblée ordinaire du Synode des évêques qui se déroulera à Rome à l’automne de l’année prochaine. Le thème de ce Synode : « De muneribus familiae christianae » (Fonctions de la Famille chrétienne) focalise notre attention sur cette communauté de vie humaine et chrétienne qui est fondamentale dès l’origine. Nous voulons nous demander ce que signifie cette expression : « l’origine ». Nous voulons en outre mettre au clair la raison pour laquelle le Christ se réclame de « l’origine » précisément dans cette circonstance et, pour cela, nous nous proposons une analyse plus précise du message correspondant de l’Écriture sainte.
2. Deux fois, au cours de son dialogue avec les pharisiens qui l’interrogeaient sur l’indissolubilité du mariage. Jésus Christ fait mention de « l’origine ». Voici comment s’est déroulé l’entretien :
Des pharisiens s’approchèrent de lui et lui dirent pour le mettre à l’épreuve : « Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ? » Il répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme et qu’il dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme et les deux ne feront qu’une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer ». « Pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t- il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie ? » Jésus leur répondit : « C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes, mais à l’origine il n’en a pas été ainsi.
Le Christ n’accepte pas la discussion au niveau où ses interlocuteurs cherchent à la situer ; d’une certaine manière il n’approuve pas la dimension que ceux-ci cherchent à donner à la question. Il évite de se laisser entraîner dans une controverse de casuistique juridique ; et par contre, il se réclame à deux reprises de « l’origine ». Il fait ainsi une référence explicite aux expressions correspondantes du Livre de la Genèse que ses interlocuteurs eux aussi connaissent par cœur. C’est sur ces mots de la révélation antique que le Christ appuie sa conclusion et que se termine l’entretien.
3. « Origine » signifie donc ce dont parle Gn 1, 27 que cite le Christ, en le résumant : « Le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme », alors que le texte original complet déclare explicitement ceci : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa ». Puis le Maître se réclame de Gn 2, 24 : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’unira à sa femme et ils deviendront une seule chair ». En citant ces paroles en entier, pour ainsi dire in extenso, le Christ leur donne un sens normatif encore plus explicite (on pourrait en effet supposer une valeur d’affirmation de fait aux termes du Livre de la Genèse ; « quittera… s’unira… ils deviendront une seule chair »). Le sens normatif est plausible parce que le Christ ne se limite pas seulement à la citation elle-même mais ajoute : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». Ce « qu’il ne le sépare pas » est déterminant. A la lumière de ces paroles du Christ, Gn 2, 24 énonce le principe de l’unité et de l’indissolubilité du mariage comme le contenu même de la parole de Dieu, exprimé dans la révélation la plus ancienne.
4. On pourrait estimer qu’ici la question est épuisée, et dire que les paroles de Jésus Christ confirment la loi éternelle qui a été formulée et instituée par Dieu dès « l’origine » comme la création de l’homme. Il pourrait aussi sembler que le Maître, dans sa confirmation de la loi primordiale du Créateur, ne fasse rien d’autre que d’établir exclusivement son propre sens normatif, en se réclamant de l’autorité même du premier législateur.
Cependant cette expression significative « dès l’origine », deux fois répétée, conduit clairement les interlocuteurs à réfléchir sur la façon selon laquelle dans le mystère de la création l’homme a été formé précisément, comme « homme et femme », pour comprendre correctement le sens normatif des mots de la Genèse. Et ceci n’est pas moins valable pour les interlocuteurs d’aujourd’hui que pour ceux d’autrefois. C’est pourquoi, dans cette étude, en raison de ce fait, nous devons bien nous mettre dans la situation des interlocuteurs actuels du Christ.
5. Au cours des réflexions des mercredis à venir, pendant les audiences générales, nous chercherons, en qualité d’interlocuteurs actuels du Christ, à nous arrêter plus longuement sur les paroles de Mt 19, 3. Pour répondre à l’indication que le Christ y a incluse, nous chercherons à pénétrer vers cette « origine » à laquelle il s’est référé d’une manière tellement significative et, ainsi, nous suivrons de loin le grand travail qu’entreprennent dès maintenant les participants au prochain Synode des évêques. Avec eux y participent de nombreux groupes de pasteurs et de laïcs qui se sentent une responsabilité particulière en ce qui concerne les fonctions que le Christ propose au mariage et à la famille chrétienne : fonctions qu’il a toujours proposées et qu’il propose encore aujourd’hui au monde contemporain.
Le cycle de réflexions que nous commençons aujourd’hui avec l’intention de le poursuivre pendant les prochaines rencontres du mercredi, a également, par ailleurs, le but d’accompagner pour ainsi dire de loin les travaux de préparation au Synode, sans en toucher directement le thème, mais en tournant notre attention vers les racines profondes d’où il jaillit.